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NOTICE

Sur un nouveau système de pièces mobiles pour les moulins à grager le café.

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La culture du café est une des industries les plus exploitées à l'île de Cuba. Cette reine des Antilles est depuis longtemps réputée pour le café fin vert de Santiago. A quoi doit-elle cet avantage? Au mode de préparation. Un homme de couleur, ouvrier à la Jamaïque, vint établir à la Havane plusieurs machines semblables à celles dont se servaient les Anglais. Le succès ayant répondu à l'idée qu'on s'en était formée, chacun voulut se procurer les mêmes avantages que ses voisins. Depuis cette époque, le café de Santiago a acquis une valeur qui prouve autant en faveur du terroir que du procédé de préparation. Ce procédé consiste à en¡ever la pulpe encore fraîche du café, au moyen d'un appareil nommé grage, et dont le dessin est ci-joint. Le café en cerises est versé sur la machine par une trémie que l'on ouvre à volonté; il vient se débarrasser de sa pulpe entre le cylindre et les deux pièces marquées a, b1. La pulpe est emportée par le cylindre et jetée à part, tandis que le café gragé tombe dans un bassin plein d'eau, où il perd sa gomme, et où on le lave pendant plus ou moins de temps.

Le cylindre est en bois, et doit être parfaitement travaillé;

1 Voy, la planche ci-jointe.

on le recouvre d'une feuille de cuivre de 0,0015 d'épaisseur, piquée en quinconces, de manière à former une multitude régulière de boutons saillants en dents, qui arrachent la pulpe du café et la jettent en arrière. Il est essentiel d'avoir une certaine quantité d'eau qui coule pendant toute la durée de l'opération. Les deux pièces marquées a, b s'appellent pièces mobiles, parce qu'elles peuvent être placées à telle ou telle distance du cylindre, au moyen des coins c. Le cylindre est mis en mouvement par deux manivelles placées sur l'essieu du cylindre. On peut y adapter tel genre de moteur que l'on

veut.

Nous croyons qu'il est inutile d'entrer dans de plus grands détails sur la construction des grages en général. Les dessins qui accompagnent cet article en font un objet à la portée de tout le monde.

Nous allons parler maintenant d'un perfectionnement qui vient d'être apporté dans les moulins à grager. Un de nos amis, M. J. A. Arpajon, de l'île de Ré, et habitant cultivateur dans la province de Santiago de Cuba, frappé du déchet considérable que l'on rencontre dans la préparation du café gragé, et ayant reconnu que l'appareil employé était incomplet, et que de là provenait la quantité prodigieuse (près de 35 à 40 pour 0/0) de café de qualité inférieure, écumes et triage, M. Arpajon, disons-nous, a trouvé le moyen de remédier à ce mal, sinon complétement, du moins à un tel point, que l'épreuve en grand qu'il a faite dans ces deux dernières années, 1841-1842 et 1842-1843, présente une différence extraordinaire avec le résultat des années antérieures, et tout à l'avantage du nouveau système. En voici le calcul: sur 81,144*5 de café qu'il a récolté dans les années 1838, 1839 et 1840, il y a eu en moyenne 31*17 pour 0/0 de café de qualité inférieure. En 1841 et 1842, il a récolté 41,623, et cette même qualité inférieure ne s'est élevée, par suite du perfectionnement dont nous parlons, qu'à 15'09 pour o/o.

Nous allons faire en sorte d'expliquer la cause de cette différence. Le plus grave inconvénient des grages, telles qu'elles sont installées, est de ne pas séparer entièrement les peaux du café, ou de ne les séparer qu'en piquant la graine, parce qu'alors on est obligé de serrer les pièces mobiles, à un point tel qu'il ne reste entre ces pièces et le cylindre que juste le passage d'une graine. De là un déchet considérable sur le bon café, et une augmentation sensible de résistance. Dans le nouveau système de pièces mobiles, cet inconvénient disparaît presque entièrement, comme nous le ferons voir plus bas. Alors plus de peaux adhérentes au café, ou du moins presque plus; par conséquent l'amande, étant entièremeut dépouillée, tombe au fond du bassin par son propre poids, et ne surnage pas comme auparavant, par la grande surface de la peau encore attachée à la graine. De même aussi, plus de café piqué, et conséquemment diminution dans la quantité du triage.

Dans le perfectionnement en question, il n'est fait aucun changement essentiel aux grages existantes, et c'est en cela que l'auteur mérite de voir son œuvre accueillie par tous les colons qui gragent leur café. Le résultat est tellement avantageux, les frais d'installation sont si peu de chose, que l'on doit rendre grâces à M. Arpajon d'avoir bien voulu divulguer son secret. L'application en est tellement simple, que l'auteur ne semblait pas attacher à son œuvre toute l'importance qu'elle mérite, et que lui assure l'expérience qu'il en a faite et qui est relatée plus haut. Sa modestie lui aurait fait garder le silence, sans les encouragements de ses nombreux amis, et si mes instances réitérées ne l'avaient porté à m'autoriser à faire de son secret tel usage qu'il me plairait. En est-il un qui s'accorde plus avec l'intérêt des colons et celui de l'in

Voir le détail donné ci-dessus sur les récoltes de 1835, 1839, 1840, 1841 et 1812.

venteur, que de porter ce perfectionnement à la connaissance du public?

Les pièces mobiles étant les mêmes, on aura soin de laisser plus d'ouverture que dans l'ancien système entre les deux pièces mobiles, afin de faciliter le passage du café. Au surplus, on sera guidé pour l'espace à conserver par la hauteur des lames de cuivre a adaptées dans la pièce mobile du dessus, comme on le voit dans le dessin. Ces lames, en cuivre de même échantillon que celui de la plaque du cylindre, ont la forme indiquée en grandeur naturelle dans les planches, et sont espacées de manière à laisser passer facilement les plus grosses cerises. La distance verticale entre les deux pièces mobiles est au moins égale à la distance horizontale entre chaque lame, et peut être augmentée ou diminuée suivant les qualités du café, et le plus ou moins de perfection dans sa maturité. Par ce moyen, le café peut passer sans être attaqué: il n'y a que les peaux qui s'arrêtent, et qui sont alors emportées par le cylindre. La pièce mobile du dessous porte au droit de chaque lame des échancrures de 0,008 de profondeur, dans lesquelles s'engagent les lames, ce qui donne la facilité de les monter ou baisser à volonté, suivant que l'on veut plus ou moins d'ouverture entre les pièces mobiles, et ce qui présente aussi la force nécessaire pour résister à la pression latérale exercée par le café; autrement elles se fausseraient et formeraient ainsi un obstacle où viendrait se briser et s'écorcher la graine. Il faut avoir soin de garnir les faces des pièces mobiles, exposées au frottement du café, d'une bande de cuivre, ou, mieux encore, de fer. La garniture de la face de devant de la pièce mobile d'en-bas portera aussi les échancrures dont nous venons de parler. Ces bandes consolident singulièrement les pièces mobiles, dont les dimensions sont forcément exiguës; elles en garantissent le devant du frottement considérable qui existe au passage du café; frottement qui amènerait l'usure presque

immédiate de ces pièces, principalement lors de la rencontre inévitable de quelques petites pierres.

Par suite de ses observations, M. Arpajon a été aussi conduit à donner au cylindre le moindre diamètre possible, 0,29 ou 0,30 au lieu de om,35, et même om, 38, qui était la dimension habituelle, tant pour laisser plus de longueur possible au bras de levier, et augmenter ainsi la force de rotation, que pour diminuer la surface du contact de la cerise avec la circonférence du cylindre. Par là, il est parvenu à un double résultat: augmentation de force, et diminution de résistance. Il a profité de ce bénéfice, en donnant au cylindre une longueur de 0,57 à 0,65, au lieu de 0,49, et même om, 43 que l'on donnait ordinairement. De cette manière, il a pu grager, en moins de temps, une plus grande quantité de café; cependant il a remarqué que la longueur de 0,57 convenait mieux, parce qu'elle offre moins de résistance.

Avant ce perfectionnement, deux mulets, allant au trot, faisaient en plus de temps et avec autant de fatigue ce qu'un seul mulet, poussé au mème pas, a fait depuis les changements dont nous parlons.

Nous avons pensé qu'il n'était pas besoin d'indiquer les diverses dimensions; les dessins présentent tous les détails nécessaires à cet égard, au moyen des échelles de proportion.

D. FONTAINE '.

1 Revue coloniale, t. 11, p. 29 (no de janvier 1844).

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