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la condition tacite de remplir les formalités prescrites par le second; que celui-ci veut que les faits soient articulés par écrit, et les témoins désignés; que, dans l'espèce, le vœu de la loi n'avait été rempli ni en première instance ni sur l'appel, puisque devant la Cour on n'avait articulé que des faits vagues et sans désigner les témoins capables d'en déposer ; qu'au surplus les premiers juges, en faisant maiulevée pure et simple de l'opposition, motivée sur les réponses sensées de l'intimé et sur les preuves acquises de la plénitude de sa raison, n'avaient fait qu'user du pouvoir discrétionnaire accordé par l'art. 174; que ce serait une erreur grave de penser que les juges doivent, dans tous les cas, instruire sur la demande en interdiction, puisque l'article précité dit le contraire, puisque la discussion au conseil d'Etat prouve que ces mots, dont le tribunal pourra donner mainlevée pure et simple, ont été ajoutés dans la crainte que les juges ne se croient dans tous les cas obligés de procéder sur la demande en interdiction, et que cette condition devienne un moyen de suspendre le mariage par une opposition évidemment mal fondée.

On invoquait à cet égard les opinions de MM. Defermond, Tronchet, Boulay et de Maleville.

Du 15 décembre 1810, ARRÊT de la Cour d'appel de Colmar, plaidans MM. Raspieler et Chaufour, par lequel:

«LA COUR, - Attendu que, suivant l'art. 174 du Code civil, l'appelante avait, à la vérité, qualité pour former opposition au mariage de son frère, fondée sur le cas de démence de celui-ci; mais, en ce cas, le tribunal pouvait prononcer mainlevée de l'opposition pure et simple, et elle ne pouvait être reçue qu'à la charge par l'opposante de provoquer l'interdiction, et d'y faire statuer dans le délai qui serait fixé par le jugement; -- Attendu que la demande en mainlevée d'une pareille opposition doit être jugée avec beaucoup de célérité, puisque l'art. 177 du Code cité veut que le tribunal de première instance prononce dans les dix jours, et que, s'il y a appel (art. 178), il y soit statué dans

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les dix jours de la citation; Et comme les premiers juges peuvent, suivant l'art. 174, débouter purement et simplement de l'opposition, il leur faut donc des motifs graves pour la recevoir, puisqu'ils ne le peuvent qu'en chargeant l'opposant de provoquer l'interdiction, et que dès lors il faut nécessairement que celui-ci articule, par écrit, les faits de démence ou de fureur, et qu'il indique les témoins qui peuvent en déposer, afin que les juges puissent reconnaître, par le caractère des faits posés, s'ils peuvent fonder une interdiction et ordonner en conséquence le sursis : c'est ce qui résulte de l'art. 493 du Code civil, qu'il ne faut pas isoler de l'art. 174, et lequel art. 495 veut que les faits d'imbécillité, de démence ou de fureur, soient articulés par écrit, et que ceux qui poursuivront l'interdiction présentent les témoins et les pièces; - Attendu, dans l'espèce, que, l'appelante n'ayant allégué que vaguement, en première instance, la démence et la fureur, au lieu d'en préciser les faits par écrit, ce qu'elle n'a fait pas non plus en cause d'appel, ni désigné ses témoins, les premiers juges eussent pu, par ce'seul motif, déclarer de suite l'opposition non recevable, et c'est surérogatoirement qu'ils ont cru devoir entendre préalablement les parties en personne : or ces juges attestent, par leur jugement définitif, que les réponses de l'intimé, qui s'est présenté seul devant eux, ont été conséquentes, à propos el judicieuses; qu'ainsi il jouit parfaitement de la saine raison', et qu'il n'est rien moins que privé du bon sens : il n'y a donc pas lieu de s'arrêter à l'appel principal; — Par ces motifs, MET l'appellation au néant, avec amende et dépens. »

Nota. La question a été jugée dans le même sens par un arrêt de la Cour d'appel de Paris, du 29 messidor an 12, intervenu entre les frères Brisset et leur sœur, « attendu, y est-il dit, que, si, aux termes de l'art. 490 du Code civil, tout parent est recevable à provoquer l'interdiction de son parent qui est dans un état habituel d'imbécillité, de dé

mence ou de fureur, cette même loi veut, art. 495, que les faits soient précisés et articulés par écrit; et que ce n'est qu'après l'accomplissement de cette formalité que le conseil de famille doit être formé, aux termes de l'art. 494 ».

COUR D'APPEL DE TURIN.

L'autorisation du mari dans l'acie sous seing privé par lequel la femme s'oblige doit-elle, à peine de nullité, précéder la signature de cette dernière? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 217.

La signature du mari, bien qu'apposée après celle de la femme, mais avec déclaration qu'il l'a autorisée, suffitelle pour valider l'obligation, s'il n'est pas prouvé qu'elle soit postérieure à la passation de l'acte? (Rés. aff.) Le concours du mari dans l'acte et son autorisation simultanée peuvent-ils être prouvés par témoins? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1341 et 1347.

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MALAN, C. MARTINA-CORNEILLAN.

Par acte sous seing privé du 31 décembre 1804, la dame Ponsiglione-Muston se reconnut débitrice envers un sieur Malan de différentes sommes que celui-ci lui avait antérieurement prétées.

Cette obligation ne faisait aucune mention de la présence du mari de cette dame à la passation de l'acte, ni de son autorisation. Seulement, après la clôture, et en suite de la signature de la femme, on lisait ces mots écrits de la main du mari: Autorisée par son mari Georges-Henri Muston.

Après le décès de la dame Ponsiglione-Muston, le sieur Martina-Corneillan, son héritier, fut poursuivi par le sieur Malan en paiement de la somme portée dans l'obligation du 31 décembre 1804; mais il la soutint nulle, comme étant dénuée de l'autorisation maritale. Suivant lui, les mots ajoutés par le mari, ainsi que sa signature, n'avaient été mis qu'après coup et dans l'intention de régulariser une obli gation entachée, dès son principe, d'une nullité radicale.

Les parties ont procédé devant le tribunal civil de Saluces, qui a déclaré nulle l'obligation dont il s'agit, sans s'arrêter ni avoir égard à l'offre faite par le créancier de justifier tant par titres que par témoins la vérité des signatures, et de prouver que l'autorisation du mari avait été donnée simultanément et au même moment que l'acte avait été passé.

Le sieur Malan a interjeté appel de ce jugement. Ses moyens ayant été accueillis par l'arrêt dont nous donnerons les motifs, il devient inutile de les reproduire ici.

Mais M. Rocca, substitut du procureur-général, a parlé dans le sens de l'intimé.

En point de droit, a dit ce magistrat, il est certain que l'autorisation maritale doit précéder ou accompagner l'acte pour la validité duquel elle est requise. Ainsi toute ratification donnée par le mari à un acte passé par sa femme sans son autorisation ne pourrait le valider ni détruire le principe vicieux dont il était entaché.

En fait, il est constant que, dans l'écrit sous seing privé du 31 décembre 1804, la dame Ponsiglione figurait seule, et qu'il n'y est fait aucune mention ni de la présence du mari ni de son autorisation. Ce n'est qu'à la fiu de l'acte et après la signature de l'épouse que l'on y a ajouté les mots autorisée par son mari Georges-Henri Muston; encore ces mots sont-ils écrits d'une encre différente de celle employée dans le corps de l'écriture. Or il est incontestable que ni cette précaution tardive ni la preuve testimoniale ne peuvent suppléer à la preuve de l'autorisation, qui doit résulter de l'acte même.

Par ces motifs, M. le substitut a conclu au bien-jugé; mais, le 17 décembre 1810, ARRÊT de la Cour d'appel de de Turin, par lequel:

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« LA COUR, - Vu l'art. 217 du Code civil; - Considérant que l'écriture de l'obligation du 31 décembre 1804, passée au profit de l'appelant par feu dame Henriette Mustou, et les mots autorisée par son mari, ainsi que la signature de Georges-Henri Muston, apposée après celle de

ladite dame, présentent d'une manière assez claire le concours du mari dans l'acte, ou du moins son consentement par écrit requis par la loi pour la validité de l'obligation; - Que, dans le silence de la loi, le consentement marital pouvant être donné avant ou lors de la stipulation de l'acte, celui dont il s'agit ne saurait être réputé illégal, à moins qu'il ne fût prouvé qu'il a été donné postérieurement à la passation de ladite obligation; - Que, dans l'absence d'une telle preuve de la part de l'intimé, qui attaque la validité de l'obligation, l'offre de l'appelant de justifier tant par titres que par témoins de la vérité de la date et des signatures de ladite obligation, et de prouver, en outre, par la voie testimoniale, que l'autorisation donnée et la signature apposée par Georges-Henri Muston ont été faites simultanément à la stipulation de ladite écriture, et dans le même moment où celle-ci a été passée et signée de la dame Muston sa femme, doit nécessairement, être accueillie; - Considérant qu'il ne s'agit pas ici de donner la preuve de l'obligation; et qu'au surplus, en ce qui concerne le consentement par écrit du mari, la loi n'en ayant nullement prescrit la mention dans l'acte, il est évident qu'il ne serait question de rien prouver outre ou contre l'acte, de manière que la disposition de l'art. 1341 du Code, qui défend l'emploi de la preuve testimoniale dans les cas y spécifiés, demeure inapplicable à l'espèce; - MET ce dont est appel au néant; - Emendant, et faisant ce que les premiers juges uraient dû faire, permet, avant tout, à l'appelant, de justifier, tant par titres que par témoins, de la vérité de la signature et date de l'écriture du 31 décembre 1804, ainsi que de faire preuve par témoins des faits par lui articulés en première instance. »

Nota. Nous aurions peine à nous rendre aux motifs de cette décision. Aux termes de l'art. 217 du Code civil, qui n'est que l'expression des anciens principes, la femme ne peut s'obliger sans le concours du mari dans l'acte, ou sans son consentement par écrit. Dans l'hypothèse, il est bien cerTome XI. 64

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