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Depuis, un sieur Beloncle, cessionnaire de Castillon provoqua l'expropriation forcée de l'immeuble, faute d'acquittement de l'obligation.

La dame Martin réclama le principe de l'inaliénabilité de la dot, dont le bien exproprié faisait partie..

Le tribunal de première instance du Hâvre n'eut aucun égard à ce moyen: il ordonna, par jugement du 15 janvier 1807, qu'il serait passé outre à l'adjudication.

Sur l'appel, ce jugement fut confirmé par arrêt du 16 juillet suivant, sur le motif que le Code civil, art. 220, autorise la femme marchande publique à contracter; que l'obligation de la dame Martin était postérieure à ce Code, et que les articles relatifs à l'inaliénabilité de la dot souffrent exception dans le cas de l'art. 220.

La dame Martin en est restée là; mais M. le procureurgénéral a demandé d'office la cassation de l'arrêt rendu par la Cour de Rouen, pour contravention soit au statut local, soit à l'art. 1553 du Code civil.

Du 19 décembre 1810, ARRÊT de la section civile, M. Muraire président, M. Buyer rapporteur, par lequel;

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« LA COUR, — Vu l'art. 88 de la loi du 27 ventôse an 8, et les art. 558, 540, 541, 542, 543 et 544 de la Coutume de Normandie, les art. 126 et 127 des Placités de 1666, les art. 2, 1554, 1555, 1556, 1557 et 1558 du Code civil, et l'art. 7 du Code de commerce; -Attendu que, suivant les articles précités de la ci-devant Coutume de Normandie,, ainsi que des Placités de 1666, le bien dotal de la femme mariée sous l'empire de cette Coutume était inaliénable de sa nature, et que, d'après la jurisprudence locale, attestée par les plus célèbres commentateurs de la même Coutume, ce principe d'inaliénabilité ne souffrait pas d'exception, même en faveur de la femme marchande publique, laquelle ne pouvait affecter son bien dotal aux engagemens par elle souscrits à raison de son négoce; Attendu que, dans l'espèce, la dame Martin, mariée sous l'empire du droit nor

mand, et bien avant l'émission du Code civil, était nécessairement soumise aux prohibitions portées en ladite Coutume, en ce qui concernait la disposition de ses biens dotaus, puisque c'est sur la foi de ces prohibitions qu'étaient intervenues les stipulations de son mariage, et qu'ainsi l'arrêt déuoncé, en lui appliquant au contraire les dispositions du Code civil, a fait une fausse application des articles de ce Codequi y sont invoqués, et violé directement l'art. 2 du même Code, qui porte que la loi n'a point d'effet rétroactif; - Attendu d'ailleurs que, quand il serait possible d'appliquer à l'espèce la législation nouvelle introduite par le Code civil, l'application erronée que l'arrêt dénoncé en a faite n'en serait pas moins évidente; qu'en effet, l'art. 1555 consacre, d'une manière non moins formelle que ceux déjà cités de la ci-devant Coutume de Normandie et des Placite's, le principe de l'inaliénabilité du fonds dotal, et que, si les art. 1555, 1556, 1557 et 1558, établissent des exceptions à ce principe, on ne trouve pas au nombre de ces exceptions le cas où la femme marchande publique voudrait affecter son bien dotal aux engagemens résultans de son commerce; que, si l'art. 220 du même Code autorise en général la femme marchande pu blique à s'obliger pour ce qui concerne son négoce, cette disposition générale, doit être coordonnée avec la restriction portée en l'art. 1554, et entendue, par conséquent, en ce sens, que la femme marchande publique peut, à raison de son négoce, obliger seulement sa personne et ses biens autres que ceux de nature dotale; que cette manière d'entendre et de mettre ainsi en harmonie les divers articles du Code civil est d'ailleurs confirmée par la disposition précise du Code de commerce, dont l'art. 7, en autorisant les femmes marchandes publiques à engager, hypothéquer, ou aliéner - leurs immeubles, ajoute : Toutefois leurs biens stipulés dotaux, quand elles sont mariées sous le régime dotal, ne peuvent être hypothéqués ni aliénés que dans les cas déterminés et avec les formes réglées par le Code civil;· CASSE, etc. D

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COUR D'APPEL DE BRUXELLES.

Le débiteur menacé d'emprisonnement peut-il assigner en référé avant l'exécution de la contrainte par corps? (Rés. aff.) Cod. de procéd. civ., art. 786, 806.

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CRABÉ, C. LAMBRECHTS.

Le sieur Crabe, condamné par corps à payer au sieur Lambrechts une certaine somme, passe avec son créancier un acte par lequel il lui donne caution et obtient quelques délais. Cependant Lambrechts fait un commandement, et aunonce que, faute de paiement dans les ving-quatre heures, il exercera la contrainte pas corps.

Crabé forme opposition à ce commandement, et fait assigner en référé, pour voir dire qu'attendu qu'il y a novation, les parties seront renvoyées à l'audience, et cependant qu'il sera sursis à l'exécution de la contrainte.

Lambrechts prétend que le référé est irrégulier et prématuré, parce qu'aux termes de l'article 786 du Code de procédure civile, le référé ne peut avoir lieu qu'au moment de l'exécution.

Le juge le décide ainsi, et déclare qu'il n'y a lieu, quant à présent, au référé.

Appel de la part du sieur Crabe.

Tout en convenant que l'exécution n'avait pas commencé et que, par conséquent, il ne pouvait invoquer l'art. 786, l'appelant a soutenu que sa demande était admissible, puisqu'aux termes de l'art. 806, on peut se pourvoir en référé dans tous les cas d'urgence, et qu'il ne saurait exister d'affaire plus urgente que celle de prévenir l'arrestation dont on

est menacé.

Du 20 décembre 1810, ARRÊT de la Cour d'appel de Bruxelles, troisième chambre, MM. Defrenne et Darras avocats, par lequel:

« LA COUR, Attendu que, depuis le jugement rendu

par défaut, il est intervenu un acte authentique entre les parties, sur le fait de la créance qui a fait l'objet du même jugement; que, quand cet acte pourrait être susceptible de quelque doute sur l'effet qu'il a produit dans les droits du créancier vis-à-vis l'appelant, il était au moins suffisant pour autoriser le sursis;-Attendu que, l'appelant ayant formé opposition au commandement par lequel il était menacé d'exécution dans ses meubles et dans sa personne, le premier juge a fait une fausse application de l'art. 786 du Code de procédure civile, qui n'a lieu que lorsque le débiteur est arrêté ;

MET l'appellation et ce dont est appel au néant; — Emendant, accorde le sursis demandé par l'appelant ; Condamne l'intimé aux dépens. »

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Nota. L'opinion de M. Carré s'accorde avec le principe consacré par l'arrêt de la Cour de Bruxelles. (Voyez Lois de la procédure civ., tom. 3, pag. 82, no 2679. )

COUR D'APPEL DE BRUXELLES.

Peut-on encore, depuis le Code de procédure civile, saisir et arréter en ses propres mains? (Rés. aff.) Cod. de proc. civ., art. 557.

DEBOUQUÈRES, C. LIEBART.

Le sieur Debouquères, débiteur du sieur Liebart, prétend avoir des droits à exercer contre ce dernier en conséquence, il saisit et arrête entre ses propres mains les sommes qu'il lui doit.

Liébart prétend que la saisie-arrêt est nulle. En convenant qu'autrefois cette procédure était admise dans l'usage, il soutient qu'elle est abrogée par le Code de procédure civile. Il remarque que l'art. 557 de ce Code ne permet de saisir et arrêter qu'entre les mains d'un tiers; que, dans les procédu res que le même Code prescrit, il ne parle que des tiers; que plusieurs de ces formes sont impraticables dans le cas où le

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débiteur saisirait dans ses propres mains, et il en conclut que cette saisie-arrêt n'est plus permise.

Son système est adopté par les premiers juges.

Appel par Debouquères. Et, le 20 décembre 1810, arrêt de la Cour de Bruxelles, 1re chambre, MM. Tarte l'aîné et Vanderplas avocats, par lequel:

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a « LA COUR, — Attendu que la saisie-arrêt est un moyen conservatoire qui met la créance arrêtée sous la main de la justice; - Que dès lors il est indifférent que le saisissant soit en même temps le débiteur de cette créance arrêtée, ou qu'elle soit due par un tiers, puisque l'effet de la saisie est le même, celui d'empêcher le créancier saisi d'en disposer au préjudice du saisissant; - Attendu que, si le saisissant était incapable de réunir à la fois la qualité de tiers saisi, sa condition serait moins avantageuse que celle d'un étranger, ce qui n'est point conforme à l'esprit du Code de procédure civile ; -Que le Code de procédure ne défend point au saisissant de former opposition en ses propres mains avec la permission du juge, et que, lorsqu'il parle d'un saisissant et d'un tiers saisi, ses dispositions peuvent également être entendues et s'expliquer sous le double rapport qui personnalise le même individu par les deux qualités distinctes de créancier et de débiteur envers la partie saisie;— Qu'ainsi il y a lieu à valider de ce chef la saisie-arrêt du 21 décembre 1809; - MET l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, sans avoir égard aux défenses de l'intimé, telles qu'elles ont été proposées, lui ordonne de contester au fond les causes de la saisie-arrêt du 21 décembre 1809, à l'audience du... "les dépens réservés. »

Nota. Cet arrêt est conforme à l'opinion de M. Pigeau, tom. 2, pag. 73. Mais l'opinion contraire est soutenue par M. Carré, Lois de la procédure civile, tom. 2, pag. 580, et consacrée par un arrêt de la Cour de Rouen, du 13 juillet 1816,

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