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qu'il ne se transportât au domicile avec l'officier ministériel. Ces mesures étaient sages, sans doute : rien ne doit être plus sacré que l'asyle d'un citoyen, et lorsqu'il y a nécessité de le violer, on ne peut apporter trop de précautions et employer assez de ménagemens. Mais, en consacrant ce principe, peut-être avait-on trop multiplié les formalités : par un excès de sagesse, on avait fait naître une multitude d'inconvéniens ; et dans les grandes villes surtout, les préliminaires à remplir mettaient presque toujours obstacle à l'exécution de la contrainte par corps. Le décret du 14 mars 1808, portant établissement des gardes du commerce, a en quelque sorte remédié à ces inconvéniens, en permettant à ces officiers ministériels l'arrestation d'un individu dans son propre domicile, sans l'assistance du juge de paix.

Voici l'espèce qui a donné lieu à l'arrêt que nous allons rapporter.

Par jugement du tribunal de commerce de Toulouse, du 3 octobre 1809, Longayron est condamné par corps à payer aux sieurs Charles et Olivier Durand une somme de 9,000 f. Le 18 novembre suivant, Longayron est arrêté à Paris et conduit à Sainte-Pélagie.

Son arrestation se fit à l'hôtel de l'Empereur, rue de Gre nelle-Saint-Honoré, où il était logé en chambre garnie. Il y forma opposition ; et, le 19 décembre, intervint un jugement du tribunal de première instance, ainsi conçu : - « Attendu que, aux termes de l'art. 781 du Code de procédure civile, le débiteur ne peut être arrêté dans une maison quelconque, même dans son propre domicile, à moins qu'il en ait été ainsi ordonné par le juge de paix du lieu, lequel juge de paix devra, dans ce cas, se transporter dans la maison avec l'officier ministériel ; - Attendu que, si, aux termes de l'art. 15 du décret impérial du 14 mars 1808, concernant les gardes du commerce, ceux-ci n'ont pas besoin de l'autorisation et assistance du juge de paix pour arrêter le débiteur dans son propre domicile, si l'entrée ne leur en est pas refusée, les dispositions de cet art. 15 mesont point applicables

à l'espèce, et que l'autorisation du juge de paix et son assi→ stance devenaient indispensables, vu que Longayron n'a pas été arrêté dans son propre domicile, mais dans une maison garnie; Le tribunal déclare nulle l'arrestation du sieur Langayron, et condamne les sieurs Durand aux dépens. »

Ils interjettent appel.

Qu'est-ce que la loi du 14 mars 1808 a entendu par domicile, disaient les appelans? Est-ce le lieu où le débiteur a son principal établissement, où est le siége de ses affaires, où il exerce ses droits civils? Non, assurément : car l'esercice de la contrainte par corps, n'a rien de commun avec tout cela. La loi a eu en vue le lieu que le débiteur habite, l'endroit où il réside, où il a fixé sa retraite, pourvu qu'elle soit à lui et qu'il y habite, non à titre d'hospitalité, mais en vertu d'un droit quelconque; la loi a voulu désigner le domicile momentané, comme celui qui sert à acquérir ou exercer les droits civils; et, dans son véritable esprit, la chambre occupée dans un hôtel garni, et louée pour un ou plusieurs mois, est aussi-bien un domicile que l'appartement loué, dans une maison ordinaire, pour une ou plusieurs années. Donner un autre sens à l'art. 15 de la loi du 14 mars 1808, c'est bien certainement errer, c'est l'interpréter contre les intentions de celui qui l'a dicté.

Du 4 janvier 1810, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, par lequel:

« LA COUR, -Ouï M. Cahier, pour le procureur-général; - Faisant droit sur l'appel du jugement rendu au tribunal civil de la Seine, le 19 décembre dernier; - Cousidérant que l'arrestation de la partie de Delahaye, faite par un garde du commerce, l'a été dans un lieu habité par elle à titre de location; MET l'appellation et ce dont est appel au néant; - Émendant, décharge la partie de Thevenin des condamnations contre elle prononcées; - Au principal, déclare la partie de Delahaye non recevable dans sa demande, et la condamne aux dépens. »

Nota. D'après l'art. 15 du décret du 14 mars 1808, le débiteur peut être arrêté dans son domicile par un garde du commerce; et, dans le cas où il ne lui en refuserait pas l'entrée, la permission et la présence du juge de paix ne sont pas nécessaires. Mais ce décret n'établit d'exception à la règle générale posée en l'art. 781 du Code de procédure qu'à l'égard de l'arrestation à faire au domicile même du débiteur ; d'où il faut conclure que cet article doit être appliqué, et que, par conséquent, la présence du juge de paix est nécessaire, lorsque l'arrestation a lieu dans une maison 'tierce. Mais l'hôtel garui où est logé le débiteur doit-il être cousidéré comme une maison tierce? Noa, aux termes de l'arrêt qui précède et suivant l'opinion de M. Carré, Lois de la procédure civile, t. 3, p. 69.

COUR DE CASSATION.

Lorsqu'un individu prévenu d'avoir indûment mené paître ses moutons dans un herbage excipe d'un sous - bail qui lui en donnait le droit, la question qui s'elève alors doit-elle préjudiciellement étre soumise aux tribunaux civils ?

Résolu affirmativement par ARRÊT de la Cour de cassation, section criminelle, du 4 janvier 1810, rendu sous la présidence de M. Barris, et au rapport de M. Vermeil, sur le pourvoi d'un sieur Montagne contre un arrêt de la Cour de justice criminelle du département de l'Hérault.

Voici le texte de cet arrêt :

-

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Pons, substitut du procureur-général, — Vu l'art. 456 du Code de brumaire an 4; - Vu pareillement l'art. 168 du même Code; - Attendu que la Cour de justice criminelle du département de l'Hérault, par son arrêt du 3 novembre dernier, a tenu pour constant le bail fait par le sieur Delmas, de ses herbages, au sieur Valette, et le sous-bail fait par ce der

nier, de ces mêmes herbages, à Antoine Montagné, boucher, qui a envoyé son troupeau paître dans ces herbages; Attendu que ces faits reconnus présentaient à juger la question de savoir si ce sous-bail, fait sans le consentement du propriétaire, donnait au boucher le droit d'envoyer paître ses moutons dans lesdits herbages; Que la connaissance de cette question appartenait à la justice civile, ainsi que l'a soutenu le sieur Valette, sous-bailleur, devant la Cour d'appel; que néanmoins cette Cour, statuant correctionnellement, prit sur elle de la décider, par son arrêt du 3 novembre dernier, et, par suite de sa décision, de déclarer délit contre la police rurale le pâturage des moutons, d'y appliquer les peines que comporte ce geure de délit, ce qui présente excès de pouvoir et violation des règles de compétence; Par ces motifs, CASSE et ANNULLE l'arrêt

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dont il s'agit. >>

et

Nota. Voy., tom. 3, p. 25, tom. 5, p. 49, tom. 7, p. 25, de ce recueil, des arrêts de la Cour de cassation qui ont jugé des questions analogues dans le même sens. Voy.. aussi les observations qui les terminent.

COUR D'APPÊL DE COLMAR.'

Le fils doit-il toujours des alimens à sa mère, lors mêmequ'elle a convolé, si le second mari n'est pas en état de lui en fournir? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 205, 206 et

209.

NICOLAS NOEGEL, C. LA VEUVE NOEGEL.

Un jugement du 2 août 1808 avait condamné Nicolas Nogel à payer à sa mère, lors veuve, une somme de 60 fr. par trimestre et par avance, à titre de pension alimentaire et pour frais de logement.

Depuis, la veuve Noegel s'étant mariée avec le sieur Michel Huy, Nicolas Nogel a prétendu qu'il ne lui devait plus

d'alimens, sur le motif que l'art. 206 du Code civil dispense le gendre de cette obligation à l'égard de sa belle-mère, lorsqu'elle a convolé en secondes noces.

Mais un nouveau jugement du tribunal civil a rejeté cette prétention, et ordonné que la pension serait continuée. Sur l'appel, ce jugement a été confirmé par ARRÊT de la Cour de Colmar, du 5 janvier 1810, dont voici le texte : « LA COUR, — Attendu que, par l'art. 205 du Code civil, les enfans doivent des alimens à leurs père et mère et autres ascendans qui sont dans le besoin; Attendu que, dans l'espèce, l'appelant a été condamné à payer une pension alimentaire à sa mère, par un jugement du 2 août 1808, qui a acquis l'autorité de la chose jugée ; - Attendu que le seul motif du refus de l'appelant de continuer à payer la pension n'est fondé que sur la circonstance que, sa mère ayant convolé en secondes noces, c'est à son mari, suivant l'art. 214 du Code civil, à lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie; mais, d'après l'art. 206, l'obligation de fournir les alimens ne cesse que vis-à-vis la belle-mère qui a convolé en secondes noces : il faut donc en revenir à l'art. 209, ainsi conçu : « Lorsque celui qui « fournit ou celui qui reçoit des alimens est replacé dans « un état tel que l'un ne puisse plus en donner ou que « l'autre n'en ait plus besoin en tout ou en partie, la dé• charge ou réduction peut en être demandée. » Or l'appelant ne justifie pas que sa mère, en convolant à de secondes noces, se soit trouvée dans une position à n'avoir plus besoin de la pension à elle adjugée; il ne justifie pas non plus que le second mari de sa mère ait assez de ressources pour s'entretenir lui et sa femme. Il avoue même implicitement que sa mère est sans moyens, puisqu'il prétend qu'ayant été évincé d'un immeuble qu'il tenait d'elle, ce serait en vain qu'il voudrait exercer son action récursoire à son encontre, de sorte que le jugement dont est appel est bien rendu à tous égards: il y a lieu de le confirmer; - Par ces motifs, etc. »

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