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Nota. M. Carré, qui examine la première question, Lois de la procédure, tom. 3, p. 29, no 2586, s'appuie de l'arrêt qu'on vient de lire pour lui donner une solution semblable. « On sent, dit-il, qu'il ne serait pas juste de soumettre l'appelant à faire la signification de son appel dans un autre domicile que celui indiqué par la procédure, domicile que son adversaire aurait choisi après le jugement, et que l'autre partie pourrait ignorer.» Quant à la seconde question, elle devait être décidée en faveur de l'adjudicataire: car c'était par suite d'une erreur provenante du fait d'autrui qu'il ayait payé la maison un prix double de ce qu'elle valait réellement; c'était par suite de la même erreur qu'il avait acquitté des droits d'enregistrement proportionnels au montant de l'adjudication. Dès lors le principe d'équité qui veut que l'on puisse répéter ce qui n'était pas dû devenait applicable, et s'étendait, par une conséquence naturelle, non seulement à ce qui était l'objet principal de la répétition, mais encore à tous les frais que cette répétition et la nécessité de rectifier une erreur évidente avaient occasionés.

COUR DE CASSATION.

Des successibles qui ont sollicité et obtenu l'amnistie de leur auteur décédé en état d'émigration sont-ils par cela seul réputés ses héritiers vis-à-vis des tiers? (Rés. nég.) Les enfans né's pendant l'émigration de leurs père et mère sont-ils légitimes et habiles à recueillir, concurremment avec ceux né's antérieurement, les successions collaterales qui leur seraient dévolues à la place de leur père, mort civilement? (Rés. nég.)

LA DAME DE ROODE, C. LES ENFans de Berghes.

Dans les momens orageux de la révolution, le prince de Berghes et son épouse furent obligés de se soustraire à la proscription qui les menaçait; ils émigrèrent à la fin de 1792, emmenant avec eux leur fille Dorothée, qui n'avait alors que deux ans. Pendant leur émigration ils eurent plusieurs autres

enfans. Le prince de Berghes mourut à Altona le 25 prairial an 10. Sa veuve, éliminée ou amnistiée, rentra en France quelque temps après le décès de son mari, et ses enfans revinrent avec elle.

Il paraît qu'ils sollicitèrent et obtinrent, le 18 frimaire an 11, l'amnistie du prince de Berghes. Leur démarche n'était pas dictée par le désir de recueillir sa succession: car sa veuve, tant pour elle que pour ses enfans, la répudia par une déclaration du 15 juin 1806, après l'avoir acceptée d'abord sous bénéfice d'inventaire.

Pendant l'émigration du prince de Berghes, et le y bru maire an 8, la dame de Rache sa sœur était décédée à Paris, et, comme elle n'avait point d'enfans, 'sa succession se trouvait dévolue pour moitié aux représentans de son frère, lors émigré. La princesse de Berghes accepta pour ses enfans la succession de la dame de Rache, qui était assez opulente.

Dans cet état de choses, une dame de Roode, créancière du prince de Berghes, s'adressa aux enfans de ce dernier, et réclama le paiement de sa créance.

Ceux-ci répondirent qu'ils avaient répudié la succession de leur père; qu'ils n'étaient détenteurs d'aucuns biens dépendans de l'hérédité; qu'en conséquence la dame de Roode n'était point fondée à leur rien demander; qu'elle aurait dû se faire liquider par la nation, qui représentait alors l'émigré dont elle avait vendu tous les biens.

Le 15 septembre 1808, jugement qui décide que les mineurs de Berghes n'avaient pu recueillir la succession de la dame de Rache leur tante sans se porter en même temps héritiers de leur père, dans la succession duquel s'était confondue celle de sa sœur.

Le 8 avril 1809, arrêt infirmatif de la Cour d'appel, de Douai, qui considéra que M. de Berghes, par son inscription sur la liste des émigrés, avait été frappé de mort civile; que par conséquent il avait été inhabile à succéder à la dame de Rache sa sœur, dont l'hérédité s'était ouverte pendant son émigration; que, conformément à la loi du 8 messidor an 7,

et suivant la maxime Le mort saisit le vif, les biens de l'hé rédité avaient été dévolus aux parens les plus proches de la défunte; que ces parens les plus proches étaient les enfans du ci-devant prince de Berghes, qui n'avaient jamais été inscrits sur la liste des émigrés ; que c'était de leur chef qu'ils avaient recueilli la succession de leur tante, qu'ils avaient renoncé à celle de leur père, et que par conséquent les créanciers de celui-ci n'avaient aucune action contre eux.

Et comme la dame de Roode contestait le droit de ces enfans à se porter héritiers de la dame de Rache, à l'égard de Dorothée, parce qu'ayant émigré avec ses parens, elle était comme eux frappée de mort civile lors de l'ouverture de la succession; et relativement aux autres, parce qu'ils n'étaient pas légitimes, étant nés pendant l'emigration de leurs père et mère ;

La Cour d'appel, ajoutant à ses premiers motifs, a considéré que la dame de Roode était sans qualité et sans intérêt pour critiquer leur adition d'hérédité, puisqu'elle n'était ni héritière i créancière de la dame de Rache; que d'ailleurs le mariage des sieur et dame de Berghes n'avait pas été dissous par leur émigration, cette dissolution ne pouvant se faire que par le divorce; qu'en conséquence les enfans mineurs nés dudit mariage en pays étranger étaient légitimes. Pourvoi en cassation pour violation de plusieurs lois.

On disait pour la dame de Roode, demanderesse: L'art.778 du Code civil porte que « l'acceptation de l'hérédité peut être « expresse ou tacite, et qu'elle est tacite toutes les fois qu'un « héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter, et qu'il n'aurait droit de faire qu'en sa qua lité d'héritiers.Or, pourquoi les enfans du prince de Berghes oat-ils sollicité l'amnistie de leur père? Ce n'est pas assurément pour faire cesser son état de proscription, pour faciliter sa rentrée au sein de sa patrie, puisqu'il était mort dès l'an 10: ce n'est donc que comme héritiers de leur père qu'ils ont pu requérir son amnistic, et ce n'est qu'en cette qualité d'héritiers que le certificat d'amnistie a pu leur être délivré.

La demande et l'obtention de cette pièce est un double fait qui constitue de leur part une véritable adition d'hérédité, et la Cour d'appel n'a pu décider le contraire sans violer l'article précité du Code civil.

I

En second lieu, en déclarant légitimes et habiles à succéder à la dame de Rache les enfans du prince de Berghes, nés pendant l'émigration, les juges de seconde instance ont évidemment violé l'art. 1 de la loi du 28 mars 1793, qui frappe les émigrés de mort civile, et l'art. 25 du Code civil, qui n'est à cet égard que l'expression des anciens principes, et qui déclare que le mariage précédemment contracté par un individu mort civilement est dissous quant à tous ses effets civils.

Enfin, la Cour d'appel n'a pu, sans contrevenir à tous les principes sur la représentation, et notamment à l'art. 759 du Code civil, décider que les défendeurs étaient venus de leur chef à la succession de la dame de Rache. En effet, c'est un point établi par une jurisprudence constante, que l'émigré amnistié est censé mort integri status: en conséquence, il est présumé de droit avoir appréhendé les successions qui lui étaient échues au moment de sa mort naturelle, et les enfans de Berghes, par une suite nécessaire, n'ont pu se porter héritiers de la dame de Rache que par représentation de leur père, ni accepter la succession de l'une sans accepter en même temps celle de l'autre, dans laquelle la première avait été confondue : donc, sous tous ces rapports, la demande dirigée contre eux était recevable et bien fondée; donc la Cour d'appel, en la rejetant, a violé les textes de lois les plus formels et les plus positifs.

Du 8 février 1810, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Henrion président, M. Ruperou rapporteur, M. Loiseau avocat, par lequel:

« LA COUR, --Sur les conclusions de M. le procureur-général Merlin;-Sur le premier moyen, - Attendu que, quand il serait justifié, ce qui ne l'est pas, que la dame de Berghes eût sollicité l'amnistie de son mari décédé, comme tutrice de

leurs enfans, on ne saurait en induire que ces derniers se sont portés par-là héritiers de leur père, parce que la succession d'un émigré n'est point ouverte avant son amnistie, et que ce n'est pas comme héritiers, mais comme successibles, que la loi a admis les plus proches parens à solliciter l'amnistie de celui qui est décédé en état d'émigration; - Sur le deuxième moyen, - Attendu que la Cour d'appel, en jugeant que les deux enfans de Berghes, nés pendant l'émigration de leurs père et mère, n'en devaient pas moins être considérés comme légitimes et habiles à succéder à leur tante, la dame de Rache, a commis une erreur indifférente dans l'état des choses, parce que leur sœur, née avant cette émigration, n'ayant jamais perdu la plénitude de ses droits civils, ni par une inscription sur la liste des émigrés, ni par aucun acte équivalent à cette inscription, a dû seule recueillir, concurremment avec la dame Dussaillant (1), la succession de Jadite dame de Rache, et que les créanciers de Berghes sont sans intérêt à scruter le titre en vertu duquel ses deux frères partageraient aujourd'hui avec elle la possession de cette bérédité; Sur le troisième moyen, Attendu que le sieur de Berghes, étant mort civilement à l'époque du décès naturel de sa sœur, la dame de Rache, il n'a pas pu lui succéder, et par suite transmettre les biens de cette succession à ses enfans ; qu'ainsi, soit que Marie-Louise-Amélie de Berghes soit venue par représentation de son père à la successiou de sa tante, soit qu'elle y soit venue de son chef et jure suo, elle n'a point été obligée au paiement dont il s'agit, parce qu'elle ne pouvait être tenue à ce paiement qu'autant que la succession de sa tante lui eût été transmise par le sieur de Berghes son père; → - REJETTE, etc. »

COUR D'APPEL DE BOURGES.

La convention que le prêteur, faute de paiement à l'é

(1) Autre nièce de la dame de Rache, et son héritière pour moitié.

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