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Les motifs par lesquels il écartait cette fin de non recevoir, et qui ont été adoptés, sont analysés dans l'ARRÊT rendu le 13 mars 1810, par la Cour d'appel de Bruxelles, première chambre, MM. Crassous et Vanyolxem avocats, dont voici le texte :

« LA COUR, — Attendu que, si le failli, à compter du jour de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de ses biens, on ne peut en déduire qu'il a perdu la faculté d'exercer des droits qui sont d'une autre nature, tels que ceux dont s'agit au procès; Qu'aucune disposi

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tion de loi ne le met en interdiction à l'égard de ceux-ci, et qu'on ne saurait prétendre que l'état de faillite entraîne la mort civile; Attendu que les dispositions dont est appel ne sont pas des jugemens portés par défaut contre un cité défaillant ; - Qu'ainsi on ne peut leur appliquer le contenu de l'art. 455 du Code de procédure civile, tandis que, d'autre part, la voie ordinaire et favorable de l'appel est recevable contre les décisions des tribunaux, lorsque la loi ne le défend pas; - Attendu que les créanciers de l'appelant pourraient se prévaloir des décisions du tribunal de commerce dont se plaint l'appelant, tant et si long-temps qu'elles ne seront pas réformées vis-à-vis d'eux ; - Qu'ainsi l'appelant les a pu intimer sur appel, sauf à cux de faire telles déclarations ou défenses que de conseil; - Attendu que les syndics, soit provisoires, soit définitifs, représentent les créanciers du failli; REJETTE les fins de non recevoir proposées par les intimés; et avant de statuer au principal, ordonne à ceux-ci de déclarer et de prouver de quels chefs il ne pourrait être fait de traité ou concordat entre l'appelant et ses créanciers; l'appelant entier en ses contredits, et preuve au contraire; réserve les dépens. »

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Nota. Malgré nos observations préliminaires sur la seconde question, nous devons convenir que l'arrêt de Bruxelles trouve un zélé défenseur dans M. Carré, Lois de la procédure, tom. 2, p. 192.

COUR DE CASSATION.

Lorsqu'une administration a prononcé sur l'objet d'une contestation, bien qu'elle ait été portée d'abord devant les tribunaux, l'autorité judiciaire peut-elle juger contrairement à ce que cette administration a décidé ? (Rés. nég.)

Les tribunaux doivent-ils, dans le méme cas, surseoir à toutes poursuites? (Rés. aff.)

La partie qui se croit lésée par la décision administrative n'a-t-elle d'autre recours que devant l'autorité supérieure? (Rés. aff.)

MARTY, C. RIOLZ.

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Lesieur Marty, propriétaire de quelques prés sur le bord du ruisseau de Saut, reconstruit en pierre une chaussée qui était en bois, et la fait exhausser. Cet exhaussement devient l'objet d'une action en complainte et réintégrande de la part da sieur Riolz, propriétaire d'un moulin situé au-dessous. Le juge de paix saisi de la demande se déclare incompétent.

Sur l'appel devant le tribunal de Castres, Riolz est autorisé à faire la preuve de la nouvelle œuvre et de l'exhaussement prétendu.

Pendant qu'on procédait à cette enquête, le sieur Marty se retire devant le préfet du département, et en obtient un arrêté qui autorise la nouvelle construction. Il se prévaut de cet arrêté devant le tribunal, et décline sa juridiction.

Le 28 mars 1807, jugement par lequel le tribunal se déclare compétent, sur le fondement que les eaux des simples ruisseaux, non destinées à alimenter les canaux de navigation, ne sont point du domaine public; que, s'il pouvait y avoir des doutes à cet égard, l'art. 645 du Code civil les avait fait disparaître en disposant que c'est aux tribunaux

qu'il appartient de prononcer sur les contestations auxquelles ces eaux peuvent donner lieu; et que dès lors ce n'était pas le cas de s'occuper de l'arrêté obtenu par Marty, du préfet du Tarn, le 3 germinal an 9; et attendu d'ailleurs la preuve de la possession annale, alléguée par Riolz, condamne Marty à remettre la chaussée au même état où elle était avant l'entreprise.

Marty s'est pourvu en cassation contre ce jugement. Il y a, disait-il, de la part des juges de Castres, un excès de pouvoir manifeste, puisqu'ils ont ordonné la démolition de la chaussée que j'ai construite, quoiqu'elle eût été maintenue et conservée par le préfet. L'autorité administrative avait prononcé cela suffisait pour que le tribunal dût s'interdire de connaître de la contestation, En suivant un système contraire, il a franchi la limite qui sépare les deux juridictions, 'et établi un conflit incompatible avec les principes constitutifs de l'ordre public.

Ces principes ont été proclamés par l'article 13, titre 2, de la loi du 16 août 1790, d'après lequel il est défendu aux tribunaux de troubler les corps administratifs dans leurs fonctions, et confirmés par la loi du 16 fructidor an 3, qui fait des défenses itératives aux premiers de connaître des actes d'administration, de quelque espèce qu'ils soient, aux peines

de droit.

Des dispositions aussi précises, ajoutons même aussi prohibitives, ne sont susceptibles d'aucune interprétation. Lorsque l'autorité administrative a prononcé sur le fait contentieux, les tribunaux sont, par cela seul, dépouillés de tout examen, et ils doivent, lors même qu'ils seraient compétens, s'abstenir d'en connaître, jusqu'à ce que l'autorité supérieure ait statué sur le conflit. Cette autorité est le conseil d'Etat ; c'est à lui seul à tenir la balance entre les juridictions opposées, et à déterminer celle qui doit être

saisie du différend.

Toute la contestation, répondait le défendeur, roule su une entreprise faite illégitimement sur un cours d'eau, en un

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mot, sur une action possessoire dont la connaissance est dévolue aux juges de paix par la loi du 24 août 1790 et par l'art. 3 du Code de procédure. L'autorité judiciaire était

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compétente; elle seule pouvait en connaître ; et c'est devant elle que la discussion était engagée, lorsque le préfet s'est immiscé dans la contestation, ou plutôt lorsqu'il a cru pouvoir la décider : c'est donc moins un conflit élevé par les juges qu'un empiètement sur l'autorité de ces derniers par le pouvoir administratif. Que devait faire, dans ces circonstances, le tribunal de Castres? Devait-il tolérer cet empiètement et laisser violer des lois dont le texte et les dispositions sont si précises? Non, sans doute autre chose serait si le préfet avait été d'abord saisi, ou si le fait soumis à l'autorité du tribunal était visiblement hors de ses attributions; mais rien de tout cela n'existait.

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Ce n'était point le préfet, mais le juge de paix, qui était investi de la connaissance de la cause. Le préfet ne l'a été que depuis: ainsi, sous ce rapport, point de trouble de la part des juges dans l'exercice des actes de l'administration; c'est au contraire celle-ci qui doit en être accusée. Donc on ne peut ni ne doit argumenter de la loi du 16 août 1790, ni de celle du 16 fructidor an 3. Ces lois ne sont point applicables. à l'hypothèse.

Du 13 mars 1810, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. Liborel président d'âge, M. Babille rapporteur, MM. Mailhe et Loiseau avocats, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Lecoulour, avocat-général, et après un délibéré en la chambre du conseil ; - Vu l'art. 13, titre 2, de la loi du 24 août 1790, et la loi du 16 fructidor an 3; - Et attendu que de la disposition combinée de ces lois il résulte évidemque, quand une administration a prononcé, les tribunaux ne peuvent juger contrairement à ce qu'elle a décidé, et qu'il D'existe pour celui qui croit avoir à se plaindre de cette déçision administrative que le recours à l'autorité supérieure; -Attendu que, dans l'espèce, il existait, lors du jugement attaqué, un arrêté pris, dès le 5 germinal an 9, par le préfet

du Tarn, qui, par rapport à la chaussée dont il s'agit, avai autorisé les changemens que Marty y avait faits, et par suite duquel cette chaussée devait rester en l'état où elle se trouvai tant que cet arrêté subsisterait; - Que, Marty se prévalan de cet arrêté, non pas précisément pour s'opposer à l'abais sement de la chaussée, que demandait Riolz par voie de complainte, mais pour soutenir que l'autorité judiciair était incompétente, la partie adverse devait surseoir à toutes poursuites devant les tribunaux, et se retirer préalablement auprès de l'administration supérieure, pour faire rapporter. s'il y avait lieu, cet arrêté ; et que, ne l'ayant pas fait, le tribunal saisi du litige, étant instruit de l'existence de cet arrêté, surtout par suite de l'exception d'incompétence proposée par Marty, devait en l'état se déclarer incompétent. ou au moins, s'il voulait statuer, ne prononcer qu'en conformité de cet arrêté, et maintenir en conséquence la chaussée dans l'état où elle se trouvait; - Que ce tribunal, au lieu de prononcer ainsi, a au contraire ordonné l'abaissement de cette chaussée, au mépris de cet arrêté du préfet, qui, en autorisant cette chaussée telle que Marty l'avait nouvellement construite, avait nécessairement ordonné qu'elle demeurerait en l'état où elle se trouvait d'où il suit que ce tribunal a jugé contrairement à ce qui avait été décidé par l'administration; qu'il a commis un excès de pouvoir manifeste, et qu'il a violé par suite les lois ci-dessus citées, qui défendent expressément aux tribunaux de troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs; - CASSE, etc. »

Nota. Voy. un arrêt analogue, t. 3 de ce recueil, p. 245, et les observations à la suite.

COUR D'APPEL DE PARIS.

Un officier ministériel peut-il étre désavoué par ses cliens, sous prétexte que, pour la décision de la cause, il s'en est rapporté à la prudence de la Cour? (Rés. nég.) Cod, de proc. civ., art. 352.

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