Page images
PDF
EPUB

employer pour l'exécution de ce qui serait ordonné par le gouvernement.

Mais au lieu de satisfaire à ce jugement, le sieur Depeauw se pourvut devant l'autorité administrative; et, par arrêté de la préfecture des Deux-Nèthes, du 3 mars 1810, il fut déclaré seul et unique entrepreneur des travaux du port et bassin d'Anvers, avec défense au sieur Jacobs d'exercer aucune action dans cette entreprise, et au sieur Depeauw d'avoir égard à l'exécution du marché passé en son nom seul, non plus qu'à aucune des actions déjà exercées ou que pourraient exercer ses prétendus associés ou cessionnaires, non reconnus par l'administration, et ce nonobstant tout jugement intervenu ou à intervenir.

Cependant le sieur Jacobs se présenta de nouveau à la Cour d'appel, où il demanda une provision de 100,000 fr., si mieux n'aimait le sieur Depeauw se conformer à l'arrêt du 13 janvier 1810.

On lui opposa l'arrêté de la préfecture, du 3 mars sui

vant.

Jacobs opposa à son tour l'autorité de la chose jugée : il dit que le préfet ne pouvait être juge de la compétence, et qu'en admettant que l'affaire dont s'agit fût de son ressort, son pouvoir ne pouvait jamais s'étendre au droit d'interdire l'exécution d'un arrêt.

Mais la Cour elle-même pouvait-elle juger de la légalité d'un acte administratif? Cette décision ne peut appartenir qu'au conseil d'Etat: aussi, M. le procureur-général ayant communiqué à la Cour une lettre qu'il avait reçue du préfet des Deux-Nèthes, qui, en lui envoyant une expédition de son arrêté du 3 mars 1810, lui annonçait en même temps le conflit, la Cour d'appel de Bruxelles a rendu, le 14 avril 1810, PARRET suivant :

« LA COUR, Attendu que l'arrêté en conflit, bien ou mal pris, est un acte d'administration qu'il n'est pas de la compétence de la Cour d'annuler, comme il n'est dans les pouvoirs des préfets d'annuler ou critiquer les arrêts de

pas

[ocr errors]

la Gour; et que, dans le concours de ces actes des autorités judiciaire et administrative, l'intervention de l'autorité supérieure peut seule statuer entre elles; Par ces motifs, SURSEOIT de disposer sur la demande formée par la partie de Walkiers, en son exploit du 31 mars 1810, jusqu'à la disposition à rendre au Conseil d'Etat sur ce qui fait l'objet du différend; dépens réservés, etc. »>

COUR D'APPEL DE TOULOUSE.

Est-il permis aux juges d'accorder la recréance et mainlevée provisoire d'une saisie-arrét sur la validité de laquelle ils n'ont point encore statué, en usant toutefois des précautions nécessaires pour mettre les droits des intéressés à couvert? (Rés. aff.)

MAURELLY, C. MONDION.

Le sieur Maurelly, créancier du sieur Mondion, fait saisir-arrêter, au préjudice de celui-ci, diverses sommes entre les mains des sieurs Beker et Delesme.

La demande en validité est portée devant le tribunal civil de Toulouse. Le 7 mars 1809, jugement par lequel ce tribunal renvoie la plaidoirie du fond à un mois, avec réserve de tous les droits des parties, et néanmoins accorde à Mondion, débiteur saisi; la recréance et mainlevée provisoire desdites saisies-arrêts, à concurrence de 16,000 fr., desquels les tiers saisis pourraient se libérer valablement, à la charge par Mondion 1o de garder cette somme comme dépositaire de justice, et de la représenter, le cas échéant, sous les peines de droit, même de la contrainte par corps; 2° de donner caution pour la représentation de ladite somme.

Appel de la part du sieur Maurelly. Il soutient que la mainlevée provisoire ordonnée par les premiers juges est une mesure illégale et contraire à tous les principes. Lorsqu'une saisie-arrêt, dit-il, est une fois pratiquée, il n'est point per

mis, sur des motifs plus ou moins plausibles de convenance, d'en suspendre arbitrairement l'effet; elle doit remplir sa destination jusqu'à ce qu'un jugement soit venu déclarer qu'elle était mal fondée : tant que ce jugement n'est pas rendu, les sommes arrêtées sont frappées d'indisponibilité entre les mains des tiers saisis, et le débiteur dépouillé du droit de les recevoir. Et pourquoi? C'est que la présomption est en faveur du titre; c'est qu'il est à croire que la saisie est réellement valable, et que, dans l'absence de toute preuve contraire, elle doit être réputée telle.

Dira-t-on qu'il est des précautions qui rassurent suffisamment contre les suites de la mainlevée provisoire que prononceraient les tribunaux. Mais qui peut répondre que, malgré ces précautions le saisi ne fera pas un mauvaiş usage des fonds dont il aura recouvré la disposition; qu'importe qu'il soit menacé de la contrainte par corps, si par la suite il échappe à cette menace illusoire, emportant avec lui le gage et peutêtre la dernière ressource de ses créanciers. Non, une mesure qui peut entraîner d'aussi fâcheuses conséquences ne doit jamais être autorisée par les tribunaux.

Du 14 avril 1810, ARRÊT de la Cour d'appel de Toulouse, par lequel:

« LA COUR,- Attendu qu'aucune loi n'inhibe aux juges, quand ils ne peuvent d'hors et déjà statuer sur la validité d'une saisie-arrêt, d'en accorder la recréance provisoire; qu'il est même des circonstances où l'équité et l'intérêt commun des parties l'exigent; qu'on doit seulement exiger des juges qu'en accordant cette mainlevée, ils le fassent avec un tempérament tel que tous les droits des parties soient respectivement ménagés; que, dans l'espèce, les premiers juges se sont conformés à ce principe; que, s'ils ont cru la mainlevée provisoire convenable à l'intérêt du sieur Mondion, ils ont également veillé à l'intérêt de Maurelly, et en exigeant que Mondion ne reçût la somme de 16,000 fr. que comme dépo sitaire de justice, et en exigeant en outre qu'il donnât une caution; que toutes ces précautions, loin de présenter le

moindre inconvénient, étaient très-avantageuses audit Maurelly; que son appel est sans griefs; - DÉMET de l'appel, etc. »

COURS D'APPEL DE TURIN ET D'AGEN. Į

Un père peut-il user en même temps de la faculté que lui donne l'art. 919 du Code civil d'avantager l'un de ses enfans, et de celle qu'il trouve dans l'art. 1094 du méme Code, de disposer en faveur de sa femme? (Rés. aff. )', Lorsque le testateur a légué à sa femme la moitié de ses biens en usufruit, conformément à l'art. 1094, et à l'un de ses enfans la portion déclarée disponible par l'art. 915, les deux legs sont-ils proportionnellement réductibles? (Rés. nég. )

Au moins, dans ce cas, l'usufruit de la veuve doit-il portér sur le legs en propriété fait à l'enfant, de manière que les deux dispositions réunies n'excèdent pas la quote de disponibilité la plus étendue et n'entament pas la réserve? (Rés. divers.)

Les deux premières questions ont été résolues dans le même sens par la Cour de Turin et par celle d'Agen. Sur la troisième, la Cour de Turin s'est prononcée en faveur des légitimaires, et elle a décidé que la réserve ne devait jamais être entamée. La Cour d'Agen, au contraire, a pensé que les légataires ne devaient contribuer à l'usufruit de la veuve que dans une proportion égale avec les réservataires, c'est-àdire pour moitié.

Mais cette dernière solution est évidemment erronée; elle est contraire à la doctrine de tous les auteurs, et notamment à celle professée par M. Toullier, Droit civil français, t. 5, pag. 778; par M. Grenier, Traité des Donations et Testamens, t. 2, no 584, et par M. Proudhon, Traité des drois d'usufruit, d'usage, etc., t. 1er, p. 457.

Tome XI.

25

PREMIERE ESPÈCE.

LES ENFANS COtella.

Par un testament public du 11 septembre 1807, le sien Cotella, père de trois enfans, a légué à deux d'entre eux par préciput et hors part, le quart de ses biens en propriété et l'usufruit de la moitié à Marie Gerva sa femme.

Après sa mort, la veuve céda son usufruit à l'un des léga taires.

Marguerite Cotella, fille du testateur et seule légitimaire demanda le partage des biens. Elle soutint qu'elle devai avoir la portion réservée, c'est-à-dire la légitime franche et qu'elle ne devait en aucune manière contribuer à l'usu fruit de la veuve. Son système était qu'il fallait réduire a marc le frauc les legs de la portion disponible et d'usufruit puisqu'ils ne pouvaient pas s'exécuter simultanément, san entamer la légitime.

La veuve répondait que l'art. 915 du Code civil ne nuisai point à l'art. 1094, et que l'un et l'autre devaient être appli qués de manière à remplir l'intention du testateur, à qui on ne pouvait point contester le droit d'user des deux facultés que la loi accorde.

Les enfans légataires par préciput soutenaient, de leur ̈côté, que leur legs ne devait point éprouver de diminution. 'puisqu'il n'excédait pas les bornes de la loi.

Le 15 novembre 1809, jugement de première instance. qui ordonne la réduction des legs au marc le franc, attendi que, le testateur n'ayant manifesté aucune préférence pour l'un ou l'autre legs, c'est le cas d'appliquer l'art. 926 du Code civil; que le système de la veuve, de faire porter son usufruit sur la totalité des biens, opérerait le même effet, quant à l'enfant non avantagé, que si le legs eût été divisé : en sorte qu'un quart demeurerait en pleine propriété aux enfans non avantagés, et l'autre quart serait retenu à titre d'usufruit par la mère; et que, dans l'un et l'autre cas, les enfans viennent toujours à perdre la propriété d'un quart et l'usufruit d'un autre quart, ce qui est formellement réprou

« PreviousContinue »