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le prononcer, d'entendre la partie inculpée dans ses défenses, ce qui tient à l'essence de tout jugement;

DÉCLARE nul et comme non avenu le jugement du tribunal de première instance d'Alba. »

COUR D'APPEL DE PARIS.

Lorsqu'il s'agit d'une servitude apparente, l'acquéreur qui en est passible peut-il agir en garantie contre son vendeur, si l'héritage n'a pas été expressément vendu comme franc et libre de toute charge? (Rés. nég.) C. civ., art. 1626 et 1638..

JOUR, C. LACour.

Il semble résulter de l'économie et de la combinaison de plusieurs lois romaines qu'il y a lieu à garantie, de la part du vendeur, toutes les fois qu'il n'a pas déclaré les différentes charges dont l'immeuble peut être grevé. La loi 61, ff., de ædilit, edict., porte que, toutes les fois qu'il s'agit de servitudes qui n'ont pas été déclarées être dues par le fonds vendu, le vendeur est obligé d'indemniser l'acquéreur. Quoties de servitute agitur, victus tantum debet præstare quanti minoris emisset emptor, si scisset hanc servitutem imposilam.

La loi 69, § 5, ff., de evict., dit aussi que le vendeur qui, en faisant la tradition d'un fonds, dirait, en termes généraux, que les droits de chemin et de sentier resteront au méme état et continueront d'appartenir à ceux à qui ils sont dus, n'en est pas moins tenu d'indemniser l'acquéreur qui a contre lui l'action appelée empti, s'il est troublé par une servitude quelconque.... Sicuti qui fundum tradit, ét, quum sciat certam servitutem deberi, perfusoriè dixerit : RECTÈ RECIPIItinera, actus, QUIBUS SUNT, utique sunt, TUR, evictionis quidem nomine se liberat; sed quia decepit emptorem, empli judicio tenetur.

Quoi qu'il en soit, on a toujours distingué entre les servitudes apparentes et celles qui sont cachées, le but de la lui.

ayant été de punir la mauvaise foi du vendeur, et celui-ci ne pouvant en être taxé, dès qu'il était au pouvoir de l'acheteur de constater par lui-même l'état des lieux et l'existence de la servitude. Ainsi, à l'égard des servitudes apparentes, le vendeur n'est point obligé de les déclarer, ni tenu, pour raison d'icelles, à aucune espèce de garantie envers l'acheteur. Cette règle est établie par Pothier, en son Contrat de vente, no 199, où il dit : « Une seconde espèce de charges réelles que l'acheteur est censé n'avoir pu ignorer, et pour lesquelles, en conséquence, il ne peut prétendre aucune garantie, quoiqu'elles n'aient pas été expressément déclarées par le contrat, ce sont les servitudes visibles, telles que celles d'égout et de vue : l'acheteur n'a pu les ignorer, puisqu'en visitant la maison avant que de l'acheter, il a dû voir les fenêtres, et les égoûts. » Le Code civil n'accorde aussi d'indemnité à l'acheteur qu'autant qu'il s'agirait d'une servitude cachée. « Si l'héritage vendu, porte l'art. 1638, se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité. »

La question ainsi éclaircie, exposons les circonstances qui l'ont provoquée.

La succession d'André Lacour a été divisée en quatre lots, et ainsi partagée entre ses quatre enfans. Il paraît qu'elle consistait particulièrement en un terrain chargé de différentes constructions, en telle sorte que le troisième lot était grevé d'un droit de passage en faveur des autres, au moyen d'une porte de quatre pieds de large, qui, d'après le partage fait en 1765, devait être construite et entretenue sur le terrain composant le troisième lot, à frais communs, pour servir de communication aux héritages compris dans les autres lots.

Dans la suite, le nommé Jour et sa femme ont acquis les

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biens composant le troisième lot. Ceux des premier et deuxième lots étaient échus à Pierre Dageon et à sa femme, qui, voulant user du droit de passage, se trouvèrent fermés par une porte plus étroite, que Jour avait substituée à la première, et qu'il fermait à clefs.

Dageon et sa femme réclament contre cette entreprise, et assignent Jour au tribunal civil de Dreux, pour voir ordonner le rétablissement du passage tel qu'il était originairement. Alors Jour met en cause Auguste Lacour, son vendeur, et conclut à ce qu'il soit tenu de le garantir et indemniser, dans le cas où la servitude serait due, attendu qu'elle n'avait point été déclarée dans le contrat.

Lacour se défendait en disant que la servitude était apparente, que Jour avait pu la counaître en visitant les lieux, et qu'il ne devait imputer qu'à lui seul sa prétendue iguorance sur l'existence du droit de passage.

Le 15 décembre 1808, jugement contradictoire qui déclare Jour non recevable et mal fondé dans sa demande en garantie, — « Attendu qu'il s'agit d'une servitude apparente, toujours indiquée depuis le partage de 1765, soit par une porte commune, soit par l'ouverture entière et libre de tout l'espace qui sépare les bâtimens des propriétés respectives des parties; →→ Attendu qu'à l'égard de pareilles servitudes, la garantie, de la part du vendeur, n'a lieu qu'autant que l'héritage a été expressément vendu frane et libre, le vendeur n'ayant pas besoin de déclarer ces servitudes, puisque l'acheteur, en visitant le domaine, a dû s'en apercevoir, et que telle est aussi la doctrine consacrée par l'art. 1638 du Code civil ».

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Sur l'appel, ARRÊT de la Cour de Paris, du 13 janvier 1810, qui, adoptant les motifs des premiers juges, MET l'appellation au néant, avec amende et dépens.

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER.

Le mariage d'un inscrit sur la liste des émigrés, contracté en France postérieurement à sa radiation provisoire, et

suivi, depuis la loi d'amnistie, d'une cohabitation constante et d'une possession publique, doit-il produire les effets civils à l'égard des enfans qui en sont issus? (Rés. aff. ) Lors, C. LA DAME PARADIS.

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Une question qui au premier coup d'œil offre quelque analogie avec celle-ci s'était présentée, le 16 mai 1808, à la Cour suprême, dans la cause de la demoiselle Marote et du sieur Griffon. Elle consistait à savoir si un mariage contracté à l'étranger par deux Frauçais, pendant leur émigration, devait produire en France les effets civils depuis l'amnistie. La Cour, par arrêt du 16 mai 1808, rendu au rapport de M. Liborel, et sur les conclusions conformes de M. le procureurgénéral Merlin, la décida pour la négative, «'attendu, entre autres motifs, que l'art. 7 du titre 2 de l'acte constitutionnel du 3 septembre 1791 porte que la loi ne considère le mariage que comme un contrat civil, que l'art. fer de la loi du 28 mars 1793 déclare les émigrés morts civilement, et que l'art. 1o de la loi du 12 ventôse an 8 porte que les émigrés ne peuvent invoquer le droit civil des Français; attendu que les parties n'ont point réclamé contre leur inscription sur la liste des émigrés; qu'il est contre la nature des choses que des condamnés à la mort civile puissent contracter un mariage qui produise des effets civils, comme l'a proclamé l'art. 25 du Code civil, et qu'il s'ensuit nécessairement que le mariage dont il s'agit, contracté pendant que les parties étaient l'une et l'autre en état de mort civile, a été radicalement nul ». Toutefois il existe entre l'espèce de cet arrêt et celle dont nous allons rendre compte des différences essentielles qui ont dû provoquer nécessairement une décision différente, parce que l'application des principes et des règles se modifie suivant les circonstances et la nature des faits qui distinguent chaque hypothèse.

Dans la cause du sieur Griffon, il s'agissait d'un mariage contracté à l'étranger par deux individus dont l'émigration était constante, et qui n'avaient point réclamé contre leur inscription sur la liste fatale.

Dans l'espèce, au contraire, il s'agissait d'un mariage contracté en France par deux époux dont l'un, quoique inscrit sur la liste des émigrés, n'avait jamais quitté sa patrie, qui avait réclamé contre son inscription en temps utile, et qui, bien avant son union, avait obtenu sa radiation provisoire. Dans la cause Griffon, le mariage, depuis la restitution des époux à la vie civile, n'avait été suivi d'aucune cohabitation, d'aucune possession publique, puisque c'est peu de temps après son retour que la demoiselle Marote avait cru devoir en soutenir la nullité.

Dans la cause actuelle, au contraire, les époux, soit avant, soit depuis l'amnistie, avaient cohabité sans interruption, joui d'une possession d'état constante, et dans le public et aux yeux de leurs familles : en sorte que le mariage avait été formellement reconnu à une époque où les parties avaient toule l'aptitude nécessaire pour le contracter, et à bien plus forte raison pour le ratifier.

On ne doit donc pas s'étonner que l'arrêt rendu par la Cour de Montpellier diffère, quant à ses dispositions et à ses motifs, de celui émané de la Cour régulatrice; et il n'existe entre l'un et l'autre aucune contradiction. Dans l'espèce actuelle, il est certain que la cohabitation et la possession qui s'étaient prolongées depuis l'amnistie rendaient les époux non recevables à contester la validité d'une union publiquement avouée, formellement reconnue, et à bien plus forte raison les tiers qui, guidés par un vil intérêt, voulaient disputer aux époux et aux enfans un état dont le solide fondement reposait sur une longue possession.

C'est l'opinion qu'a laissée percer M. 1 procureur-général Merlin dans la cause du sieur Griffon, tout en concluant à la nullité du mariage. « Si, depuis l'amnistie, disait ce magistrat, les époux avaient continué d'habiter ensemble, l'équité et la politique se réuniraient pour faire rejeter la réclamation de la demoiselle Marote. Il est vrai qu'en la rejetant on irait contre le principe général, qui veut qu'un mariage aul ab initio ne puisse être validé que par une célébra

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