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les jurisconsultes et les tribunaux; mais un premier arrêt de la Cour suprême, rendu le 17 juin 1812, sur les conclusions de M. Merlin, l'ayant décidée dans le même sens que la Cour de Paris, la jurisprudence commença dès lors à se fixer, et aujourd'hui il est universellement reconnu que ce n'est point le procès verbal de saisie, mais bien la denonciation, qui doit contenir la date de la première publication. Voyez M. Carré, Lois de la procédure, tom, 2, pag. 551.

COUR D'APPEL DE BRUXELLES.

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Le créancier délégué peut-il agir directement contre l'acquéreur, quoiqu'il n'ait point accepté la délégation? (Rés. aff.) L'acquéreur qui s'est obligé de payer le créancier délégué Reut-il délaisser? (Rés. nég.)

DELEBECQUE, C. DESLOOVÈRE.

Le sieur Desloovère, en acquérant du sieur Dupire un immeuble sur lequel le sieur Delebecque était inscrit pour une somme de 9,975 fr., s'était personnellement obligé d'acquitter cette créance. Il ne paraît pas que le créancier délégué soit intervenu au contrat. Quoi qu'il en soit, faute de paiement à l'échéance, Delebecque fait commandement à l'acquéreur, et procède sur lui à une saisie immobilière,

Desloovère en demande la nullité sur le fondement qu'il fallait d'abord lui faire une sommation, et lui donner l'alternative de payer ou déguerpir.

Jugement qui annulle les poursuites. becque.

Appel par Dele

Sur cet appel, l'intimé ajoute à ses moyens que le créancier n'était pas présent au contrat de vente; qu'en conséquence, la délégation était révocable jusqu'à l'acceptation d'où il suivait que Delebecque ne pouvait point avoir d'action directe contre lui; qu'il devait d'abord faire déclarer la délégation exécutoire à son profit; que, dans tous les cas lui, acquéreur, avait le choix de payer ou de délaisser.

Delebecque répondait que le tiers détenteur ne pouvait user du privilége de déguerpir qu'autant qu'il n'était pas personnellement obligé; que Desloovère ne pouvait pas invo quer ce privilége, puisque, par son contrat, il avait formellement promis de payer son prix au créancier délégué; que, par cette convention, il était devenu personnellement débi ́teur des causes de l'hypothèque; qu'ainsi il ne pouvait pas délaisser, parce qu'il n'était pas simple détenteur; que la dé légation avait été valablement acceptée par le commandement avec lequel il avait été donné copie du contrat de vente, ce qui équivalait, sans contredit, à une signification de transport; qu'en conséquence la saisie était valablement faite sur l'acquéreur.

Le 12 mai 1810, ARRÊT de la Cour d'appel de Bruxelles, par lequel:

« LA COUR,--Considérant que de la combinaison des art. 2169 et 2172 du Code civil il est évident que le législateur n'a vu, dans les poursuites dirigées contre le tiers détenteur, que le titre de la créance pour laquelle on exécutait, partant, un titre étranger au tiers, et non celui par lequel ce tiers détenteur se serait personnellement obligé, puisque, à l'égard de ce dernier titre, la qualification de tiers détenteur ne lui conviendrait plus;-Considérant qu'en acquérant l'immeuble dont il s'agit, l'intimé s'est chargé du remboursement, tant en capital qu'intérêts, de la somme pour laquelle on exproprie; Que cette stipulation se faisait à l'entière décharge du vendeur, et par conséquent dans son intérêt, et qu'elle a été acceptée par le créancier poursuivant; - Que cette stipulation, dans nos mœurs actuelles, donne, au tiers en faveur duquel on stipule, une action personnelle utile qu'il peut faire valoir tant par la voie d'action que par celle d'exception: d'où il suit qu'aux termes mêmes desdits art. 2169 et 2172 du Code civil, il a pu ne point laisser à l'intimé l'option de délaisser, et qu'il peut repousser par la voie d'exception le moyen que celui-ci oppose au commandement dont s'agit;

Par ces motifs, MET l'appellation et ce dont est appel au

néant; émendant, déclare l'intimé non fondé dans son opposition; dit que les poursuites seront continuées; condamne, etc. » (1)

COUR DE CASSATION.

Les héritiers du testateur peuvent-ils étre admis à prou-` ver que des enfans qu'il a institués ses légataires universels, comme nés d'un père inconnu, sont ses enfans adultérins ? (Rés. nég. )

Une telle preuve est-elle prohibée par voie d'exception aussi-bien que par voie d'action ? ( Rés. aff. )

LES HÉRITIERS DUBOIS, C. LA FILLE ET LES ENFANS LEMUR.

Par son testament du 17 fructidor an 13, François Dubois avait institué ses légataires universels les enfans de la fille Lemur, lesquels, y est-il dit, ont eu le malheur de perdre leur père avant de l'avoir connu. L'opinion publique désignait la fille Lemur comme la concubine de Dubois. Il paraît même que de leur commerce étaient issus six enfans ; que ces enfans, étant nés pendant le mariagé de Dubois, étaient dès lors adultérins, bien que dans leurs actes de naissance ils fussent simplement désignés comme enfans de père inconnu.

Enfin, cette présomption était encore fortifiée par la vente de la nue propriété d'un domaine, moyennant 12,000 fr., consentie en l'an 3, par Dubois, au profit de la fille Lemur, qui n'avait aucun moyen d'en acquitter le prix.

Dubois étant décédé sans postérité légitime, ces circonstances et plusieurs autres devinrent pour ses héritiers collatéraux autant de motifs de quereller le testament fait au profit des enfans Lemur, et de demander à faire preuve de la naissance adultérine de ces derniers.

En première instance, les collatéraux furent déboutés de

(1) Voyez un arrêt analogue rendú le 21 mai 1807, et rapporté tom. 7 de ce recueil, pag. 344.

leur demande; mais, sur l'appel, ils obtinrent plus de succès, et la preuve offerte fut admise sans difficulté par arrêt de la Cour de Limoges, du 31 mars 1808, - Considérant, y estil dit, que l'art. 908 du Code civil porte que les enfans naturels ne peuvent, par donation entre vifs ou par testament, rien recevoir au delà de ce qui leur est accordé au titre des Successions; que, d'après l'art. 762, il n'est accordé aux enfans adultérins que des alimens; mais que pour l'application de ces articles il est nécessaire que l'héritier à qui on oppose une libéralité à titre universel puisse examiner si le donataire ou légataire est l'enfant adultérin du donateur; que le simple droit de défense naturelle donne à cet héritier la faculté de rechercher et de prouver l'incapacité; - Qu'il serait presque toujours impossible d'avoir une preuve directe et par écrit de la qualité d'enfans adultérins, puisque l'art. 335 interdit toute reconnaissance de paternité à leur égard, et que, s'il n'y avait pas ce moyen d'ysuppléer, en prouvant leur origine, il faudrait dire que la loi a frappé le vice, mais a interdit les moyens de le découvrir, contradiction qui n'est point dans l'esprit du Code et qu'on ne peut supposer; -Que, si l'enfant adultérin pouvait se prévaloir d'une disposition à titre universel, sous le prétexte que la paternité ne peut pas être recherchée par les héritiers à qui il oppose ce titre, et que l'incapacité résultante du vice de sa naissance ne peut être établie, il en résulterait non seulement que l'art. 762 serait une garantie impuissante contre ses prétentions, mais encore qu'il serait traité plus favorablement que l'enfant légitime, dans le cas où, d'après le nombre des enfans, la portion disponible serait supérieure à la portion réservée à chacun d'eux; et cette conséquence ne peut être entrée dans les vues du législateur; Que la loi sur les enfans naturels a été faite, suivant que le disait le conseiller d'Etat Treilhard, en présentant au Corps législatif la loi sur les successions, pour preserver les familles de toute recherche odieuse de la part d'enfans dont les pères ne sont pas connus; mais que ce serait blesser les familles avec l'arme qui doit les défendre, si,

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parce que l'état d'un enfaut adultérin n'est pas reconnu, le voile qui couvre sa naissance pouvait lui servir pour demander l'exécution d'un titre qui doit les dépouiller ; — Qu'un père qui donne à son enfant naturel ou adultérin au delà de' ce que lui permet la loi, en gardant le silence sur l'état des enfans, fait fraude à la loi, et que le moyen de découvrir la fi aude et de l'opposer fut toujours autorisé ; — Qu'il est bien à considérer que, dans l'espèce, les héritiers Dubois ne viennent pas directement attaquer les enfans naturels de Françoise Lemur; mais que, ces enfans s'étant présentés avec un testament pour s'emparer de l'hérédité dont lesdits héritiers étaient en possession, ceux-ci ont pu, par forme d'exception contre ce titre, proposer les faits d'après lesquels la paternité fut toujours reconnue dans le droit, et demander à prouver le vice de la naissance desdits enfans; Que c'est ainsi, que sous l'ancienne législation, quoiqu'il fût interdit à des collatéraux de prouver l'adultère directement, et que l'action n'en appartînt qu'au mari, néanmoins les collatéraux étaient reçus à le prouver par exception, lorsqu'il s'agissait de repousser une libéralité faite à leur préjudice, suivant que l'établit M. Merlin, en ses Questions de Droit, au mot Adulière;-Que si, suivant l'art. 325 du Code civil, on peut repousser, en prouvant qu'il est adultérin, l'enfant qui, né de père et mère inconnus, aspire au titre d'enfant légitime, il semble qu'à plus forte raison celui qui, sous le prétexte que son père n'est pas connu, veut, à l'aide d'une donation ou d'un testament, s'emparer de toute une succession, peut être écarté par la preuve que le donateur est un père naturel ou adultérin; Que l'art. 339, au chapitre des Enfans naturels, en autorisant tous les intéressés à contredire la reconnaissance du père et de la mère, donne encore les moyens d'établir ou que l'enfant reconnu a un autre père, ou qu'au lieu d'être simplement enfant naturel, il est enfant adultérin en sorte que l'intérêt des tiers est toujours ménagé, et qu'il n'est pas vrai de dire que, pour tous les cas, hors celui d'enlèvement, la paternité né puisse être recherchée; -- Que le même article

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