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ment de toutes les circonstances qui pouvaient l'avoir précédé, accompagné ou suivi, fournissait une preuve irrécu sable du fait de l'accouchement, une preuve telle, que l'inscription de faux dirigée contre l'acte de naissance pouvait seule la détruire.

Mais après avoir démontré que l'arrêt d'appel n'avait pas attribué à cet acte tout l'effet qu'il devait produire, relativement au fait de l'accouchement, le seul qu'il était destiné à constater, ce magistrat a établi d'une manière victorieuse que le même arrêt avait accordé à l'acte de naissance un effet qui ne pouvait lui appartenir, et qu'il lui avait reconnu un caractère qui n'était pas le sien, en le considérant comme un commencement de preuve par écrit du fait de la filiation et de l'identité que le mineur demandait à prouver. C'est surtout de la démonstration de cette vérité que M. le procureur-général a fait ressortir l'excès de pouvoir et les violations de loi qui devaient entraîner la cassation de l'arrêt attaqué.

Le 21 mai 1810, ARRÊT de la section civile, M. Muraire président, M. Cassaigne rapporteur, MM. Mathias et Sirey avocats, par lequel:

« LA COUR, — Vu l'art. 341 du Code civil; et attendu 1o que, suivant l'art. 341, l'enfant naturel ne peut être reçu à prouver par témoins qu'il est le même que l'enfant dont la mère qu'il réclame est accouchée, s'il n'a déjà un commencement de preuve par écrit de cette identité; - Attendu 2o qu'un acte de naissance ne forme point ce commencement de preuve, puisqu'il peut être applicable à un autre individu que le réclamant; que ce principe est d'autant plus constant qu'il a été reconnu au conseil d'Etat, lors de la discussion du projet du Code civil, en écartant l'article qui disposaît que le registre de l'état civil constatant la naissance de l'enfant né de la mère réclamée, et duquel le décès ne serait pas prouvé, pourrait servir de commencement de preuve par écrit; — Attendu 5o que ce n'est que dans le cas de la filiation légitime que l'art. 525 du même Code permet de recevoir

la preuve par témoins, lorsque les présomptions et indices résultans des faits dès lors constans sont assez graves pour déterminer l'admission; qu'aucun article du Code n'étend cette faculté au cas de la filiation naturelle: d'où il résulte qu'en admettant la preuve testimoniale sur le seul fondement de l'acte de naissance du 30 germinal an 5, et des présomptions et indices résultans du procès, l'arrêt attaqué a violé l'art. 341 et faussement appliqué l'art. 323; — CASSE, etc. »

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COUR DE CASSATION.

La nouvelle de la mort du premier mari, annoncée publiquement et fortifiée par des présomptions graves, a-t-elle pu constituer en bonne foi la femme qui a convolé, et faire produire au nouveau mariage les effets civils à l'égard des enfans qui en sont issus? (Rés. aff.)

Dans le dernier état du droit romain, le mariage était-il valable, indépendamment de l'écrit propre à le constater, en sorte que, dans les lieux où l'ordonnance de 1667 n'avait pas été publiée, son existence pût être prouvée par témoins? ( Rés. aff. )

En Piémont, le mariage d'un militaire en activité de service était-il valablement contracté en présence d'un aumônier du régiment? ( Rés. aff.)

Un mariage contracté devant un grand nombre de témoins, et suivi de la possession d'état, peut-il être réputé clandestin, par le seul défaut de publications de bans, surtout si les circonstances rendaient ces publications impossibles? (Rés. nég. )

LES HÉRITIERS PASTORIS, C. LA VEUVE PASTORIS ET SA FILLE.

Le 4 octobre 1795, la demoiselle Thérèse Bellone avait épousé le sieur Degubernatis, lieutenant au régiment de ́ Lombardie. Il paraît qu'elle était dans l'usage de suivre son mari dans les différens lieux que la marche de son régiment lui faisait parcourir. Get officier, ayant été incorporé dans Tome XI.

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une demi-brigade de l'armée française, fut conduit à Gênes, où il séjourna quelque temps avec sa femme. Mais il fut bientôt obligé d'en partir pour se rendre dans l'intérieur de la France, lieu de sa nouvelle destination; et comme Thérèse Bellone était pour lors atteinte d'une maladie grave, Degubernatis partit seul, et laissa son épouse à Gênes.

Six jours après son départ, le bruit se répand à l'armée qui se trouvait cantonnée aux environs de Gênes, au quartier-général, et dans la ville même, que le sieur Degubernatis avait été assassiné et massacré, ainsi que plusieurs autres militaires, par une bande de brigands nommés barbets, qui circulaient dans le pays; ceux qui rapportaient cette nouvelle assuraient même avoir vu les cadavres de ces malheureux étendus sur la terre.

Le 27 fructidor, c'est-à-dire un mois après cette prétendue catastrophe, la dame Degubertatis, qui se croyait veuve, épousa en secondes noces le sieur Henri Pastoris Saluggia, capitaine-adjoint à l'état-major du général Darnaud. H paraît que ce mariage fut célébré sans publications préalables par un des moines qui étaient à la suite du régiment piémontais dont Pastoris faisait partie, et qu'il ne fut porté sur ancun registre de l'état civil.

Cependant depuis cette époque jusqu'au décès de son mari, la dame Bellone a eu la possession constante d'épouse du sieur Pastoris, non seulement à l'état-major de l'armée, et dans les diverses garnisons où elle l'avait suivi, mais encore dans les deux familles, celle de son mari et la sienne. — La naissance d'une fille nommée Henriette vint sceller cette union. Un extrait des registres de la paroisse de Sainte-Foi, de Gênes, du 22 floréal an 9, constate que cet enfant y a été inscrit comme légitime. Infantem natam ex civibus Henrico Pastoris Saluggia et Theresia Bellone conjugibus. Quoi qu'il en soit, au mois de messidor an 9, le premier époux de la dame Bellone, le sieur Degubentatis, reparaît à Nice, au grand étonnement de ses parens et de ses amis, qui le croyaient mort; il reconnut que ce bruit avait été fondé

jusqu'à un certain point, parce qu'en effet il n'avait échappé à la fureur des Barbets qu'en feignant d'être mort, et que c'est à ce stratagème qu'il devait son salut. Le sieur Degubernatis a continué d'habiter Nice, jusqu'an mois de mars 1805, époque de son décès, sans réclamer contre le nouvel engagement de sa femme.

Cependant le sieur Henri Pastoris Saluggia est obligé de partir pour Saint-Domingue, en qualité d'aide-de-camp du général Rochambaud; il meurt peu de temps après son arrivée dans ce nouveau climat. Sa veuve et sa fille, qu'il avait laissées en France, sont bientôt obligées de défendre leur état contre des collatéraux qui le leur contestent.

Cette veuve ayant prétendu intervenir au nom et comme tatrice de sa fille dans un partage qui intéressait la famille Pastoris, les frères du défunt s'y opposèrent, quoique plusieurs d'entre eux eussent précédemment reconnu dans l'une et dans l'autre la qualité d'épouse et de fille de leur frère.

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Ils disaient que l'extrait de naissance de Henriette était insuffisant pour établir sa légitimité; que cette preuve ne pouvait légalement résulter que de la représentation d'un acte de mariage contracté entre les auteurs de ses jours; Que, dans l'espèce, il n'y avait point d'acte de mariage, et qu'il était même impossible d'en présenter un qui fût valable, puisque, depuis le 4 octobre 1795, la dame Bellone était mariée au sieur Degubernatis, militaire au régiment de Lombardie, et que cet officier vivait encore à l'époque attribuée au second mariage de la dame Bellone avec le sieur Henri Pastoris leur frère..

La dame Bellone ne contestait point la vérité de cette allégation; mais elle soutenait que son union avec Pastoris, ayant été contractée en bonne foi de part et d'autre, par suite de la nouvelle généralement répandue de la mort de son premier époux, elle devait produire les effets civils à l'égard de l'enfant qui en était issu. · Elle déclarait encore être dans l'impossibilité de représenter son acte de mariage; mais elle articalait différens faits propres à en établir la preuve, et

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elle soutenait que, s'agissant du mariage d'un militaire, cette preuve, jointe à sa possession d'état et à l'acte de naissance d'Henriette, devait suffire pour constater sa légitimité.

Par jugement du 1er avril 1806, le tribunal civil de Turin a débouté la dame Bellone et sa fille de leur demande à fin

de preuve.

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Sur l'appel, un premier arrêt infirmatif a déclaré pertinens les faits articulés par l'appelante, et en a reçu la preuve. Enfin, les enquêtes ayant été favorables à la veuve Pastoris et à sa fille, il est intervenu un second arrêt, qui a déclaré Henriette fille légitime de Pastoris, et lui a conféré tous les droits attachés à cette qualité.

La Cour de Turin à considéré que, dans le dernier état de la législation romaine, qui régissait le Piémont, l'inscription de l'acte sur les registres n'était pas essentiellement nécessaire à la preuve du mariage; - Que Henriette avait d'ailleurs dans son acte de naissance et dans le testament de son père un commencement de preuve par écrit qui, dans l'hypothèse, devait la faire admettre à la preuve vocale de son état; — Qu'il résultait des enquêtes que le mariage avait été contracté de bonne foi, et d'après les plus rigoureuses informations sur la mort de Degubernatis; Que les aumôniers des régimens piémontais étaient en possession de conférer le sacrement de mariage aux militaires en activité de service; et qu'enfin le défaut de publication des bans entre majeurs n'opérait pas seule le vice de clandestinité.

Tels sont, en analyse, les motifs de l'arrêt émané de la

Cour de Turin. On s'est pourvu en cassation contre cet arrêt et contre celui qui avait admis la preuve testimoniale. Les demandeurs ont présenté plusieurs moyens :

1o Violation des lois romaines en vigueur au moment du prétendu mariage, lesquelles ne permettent pas de suppléer la représentation de l'acte de mariage par la preuve vocale;

2o Violation de toutes les lois civiles et religieuses, qui veulent, à peine de nullité, que le mariage soit célébré le

par

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