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français, tom. 10, pag. 502, et Carré, Lois de la procédure civile, tom. 1er , pag. 115, no 239.

Dans l'espèce, une dame Levite, débitrice du sieur Moreau, et dont l'obligation était constatée par titre, prétendant, après la mort de ce dernier, s'être libérée envers lui, fit citer sa veuve et ses enfans en conciliation, sur la demande qu'elle entendait former contre eux à fin de quittance et de restitution du titre ; elle leur déféra le serment ; sursa prétendue libération. La veuve et ses enfans refusèrent de prêter le serment déféré, et le juge de paix renvoya les parties à se pourvoir.

La dame Levite fit assigner la veuve et les héritiers Moreau devant le tribunal de première instance d'Autun, pour voir dire que, faute par eux d'avoir prêté le serment déféré, les paiemens par elle articulés seraient tenus pour constans ; en conséquence, que lesdits veuve et héritiers Moreau seraient tenus de rendre le titre quittancé.

De leur côté, les veuve et héritiers Moreau firent assigner la dame Levite devant le même tribunal, à fin de paiement du montant de l'obligation.

Le tribunal, en joignant les deux demandes, n'adopta point le système de la dame Levite; mais, regardant le refus fait devant le juge de paix comme un commencement de preuve par écrit, il l'admit à faire preuve par témoins des paiemens par elle allégués.

Appel; et, le 10 mars 1808, arrêt de la Cour de Dijon, qui infirme la décision des premiers juges, et condamne la dame Levite à payer la somme réclamée, sous la condition imposée à la veuve et aux enfans Moreau d'affirmer qu'ils n'ont aucune connaissance des paiemens allégués. La Cour a considéré a que le juge de paix a bien le droit de recevoir le serment au bureau de conciliation, mais non celui de ordonner, ni aucun caractère pour rendre irrévocable e refus de le prêter; que ce refus au bureau de paix ne peut être considéré que comme un refus de conciliation.,

Tome XI.

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et non comme un commencement de preuve par écrit, çapable d'autoriser la preuve testimoniale ».

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Pourvoi en cassation pour violation des art. 1360, 1561 et 1564 du Code civil. La dame Levite a soutenu que le refus du serment devant le juge de paix devait emporter la perte de la cause comme si ce refus avait été fait en jugement.

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Si la veuve et les enfans Moreau, disnit-elle, avaient accepté le serment qui leur était déféré devant le juge de paix, je n'aurais plus été la maîtresse, d'après l'art. 1564, de me rétracter; et si, pour être admise à le faire, j'eusse voulu me prévaloir de ce que je ne l'avais pas offert en justice, mais seulement en conciliation, mes adversaires n'auraient pas manqué de me répondre que, l'art. 1364 ne distinguant pas, la règle qu'il établit est applicable à tout serment déféré par l'une des parties à l'autre.

Ce raisonnement est une pétition de principe, répondaiton pour les défendeurs. Il est bien vrai que, si la veuve et les enfans Moreau eussent prêté le serment déféré, la veuve Levite n'aurait pas pu se retracer; mais ce n'aurait point été en vertu de l'art. 1564: le seul motif, c'est qu'alors il y aurait eu conciliation. La veuve Levite offrait de s'en rapporter à l'affirmation des défendeurs; s'ils eussent accepté son offre, et fait l'affirmation, le contrat judiciaire se serait formé, et l'affaire eût été terminée par une transaction. Mais, ce serment ayant été refusé, les choses sont restées dans les termes de la non-conciliation, toutes les parties ont conservé leurs droits. La dame Levite a pu retirer son offre ; les défendeurs ont été les maîtres de prêter ou de refuser le serment, si leur adversaire persistait à le déférer.

Du 17 juillet 1810, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. Muraire premier président, M. Genevois rapporteur, MM. Guichard et Chabroud avocats, par lequel: « LA COUR, Sur les conclusions contraires de M. Giraud, avocat-général; - Considérant que l'art. 1361 du, Code civil n'est aucunement applicable au refus de serment

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qui a formé le sujet du litige dans la cause; que la disposition. de cet article, rapprochée de l'art. 1357 et des autres articles de la même section, ne peut s'entendre que du serment décisoire judiciairement défére ou référé par-devant le juge qui doit prononcer sur le différend des parties : ce n'est que dans ce cas seulement où celui qui refuse de prêter le serment décisoire doit, suivant l'expression de la loi, succomber dans sa demande ou dans son exception; - Considérant que,

dans l'espèce, il ne s'agissait nullement d'un pareil serment ni d'un pareil refus, mais seulement d'un refus de se concilier sur la demande que la veuve Levite se proposait de former judiciairement contre la veuve Moreau et ses enfans: d'où il suit que la Cour d'appel a pu, sans commettre de contravention, refuser d'appliquer à ce cas une peine que la loi n'attache qu'au refus de prêter le serment décisoire judiciairement référé; - REJETTE, etc. »

COUR DE CASSATION.

Le créancier qui a fait emprisonner son débiteur est-il, si celui-ci tombe malade en prison, passible des frais de maladie? (Rés. nég.)

Le créancier peut-il, à raison de l'emprisonnement, étre assigné, par d'autres que le débiteur incarcéré, au do micile élu dans l'écrou? (Rés. nég.) Cod. de proc. civ., art. 783.

LE SIEUR CROISIER, C.....

Le sieur Croisier, propriétaire à Paris, avait fait écrouer, dans la prison de Neufchâtel, le sieur Girard, son débiteur. Celui-ci, étant tombé malade, a mandé un médecin, un apothicaire, et s'est fait donner des bouillons par le concierge.

Le 4 février 1807, ces trois personnes ont formé contre le sieur Croisier une demande en paiement de ce qui leur était dû pour les soins et médicamens fournis au prisonnier. L'assignation a été posée au domicile élu dans le procès verbal d'emprisonnement.

Le sieur Croisier a soutenu que l'élection de domicile n'était faite que dans l'intérêt du débiteur emprisonné, et que des tiers n'avaient pu l'assigner qu'à son domicile réel. Il ajoutait qu'au surplus, la loi n'astreignait le créancier qu'à consigner une somme de 20 fr. par mois pour la subsistance du débiteur, sans le soumettre en outre à payer les frais de maladie.

Le 5 mars 1807, jugement du tribunal civil de Neufchâtel qui ordonne que les mémoires des demandeurs seront vérifiés par le maire. Le 12 du même mois, second jugement qui condamne Croisier au paiement des sommes réclamées, attendu que le créancier qui a fait incarcérer son débiteur doit pourvoir à ce qui est indispensablement néces saire à son existence, et que, dans le cas de maladie, les bouillons et les remèdes lui sont aussi nécessaires que le pair, lorsqu'il est en état de santé.

Pourvoi en cassation pour excès de pouvoir et violation des art. 10 (1) et 14 de la loi du 15 germinal an 6.

La loi du 15 germinal an 6 et le Code de procédure, disait le demandeur, se sont beaucoup écartés de la sévérité des anciennes lois sur la contrainte par corps; mais ce relâchement ne va pas jusqu'à favoriser les débiteurs aux dépens des créanciers: il n'a d'autre but que d'empêcher la personne à laquelle il est dû de se livrer à un ressentiment et à une vengeance souvent injustes. Aussi les lois relatives à cette matière sont-elles de droit étroit. Mais de ce principe il ne résulte pas que le créancier qui a fait incarcérer son débiteur soit obligé de payer les frais de maladie, s'il tombe malade en prison: la loi n'astreint le créancier qu'à consigner 20 fr. par mois pour la subsistance de son débiteur, et rien de plus. Or, lorsque le débiteur ne peut se procurer lui-même les se

(1) Cet article est relatif à l'élection de domicile dans la commune le débiteur sera détenu. L'art. 783 du Code de procédure reproduit là même disposition. Mais il est certain que l'élection de domicile n'est pres erite que dans l'intérêt du débiteur: inutile par conséquent d'insister suf le premier moyen.

cours qu'exige son état de maladie, il doit être transporté à l'hospice civil, s'il n'y a pas d'infirmerie dans la maison où il est détenu. Mais rendre le créancier passible des conséquences de cet événement, c'est agraver sa position, déjà trop fâcheuse; c'est être doublement injuste envers lui; enfin, c'est violer la loi. Ainsi, nécessité de casser le jugement du tribunal de Neufchâtel.

Les défendeurs reproduisaient les motifs du jugement attaqué.

Du 17 juillet 1810, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. Muraire premier président, M. Cochard rapporteur, M. Mathias avocat, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Giraud, avocat-général; - Vu les art. 10 et 14 de la loi du 15 germinal an 6; -- Et attendu 1o que, si l'art. 10 de cette loi oblige celui à la requête duquel se fait un emprisonnement à élire domicile dans le lieu de la maison d'arrêt où est détenu son débiteur, il ne lui impose cette obligation que dans le seul intérêt de celui-ci : d'où il suit que toute autre personne prétendant avoir quelque action à exercer contre le créancier, à raison de l'emprisonnement, ne peut le faire citer dans le lieu où il a fait ladite élection de domicile, et qu'en déclarant valable une pareille citation signifiée au demandeur à la requête des défendeurs, le tribunal civil d'arrondissement de Neufchâtel a commis un excès de pouvoir, et a fait en même temps une faussse application dudit article, en l'étendant à un cas qui lui était absolument étranger; — Attendu 2o que l'art. 14 de la même loi n'oblige le créancier qui aura fait emprisonner son débiteur qu'à consiguer d'avance et par chaque mois fa somine de 20 fr. entre les mains du gardieu de la maison d'arrêt, pour la subsistance de l'incarcéré d'où il suit encore que l'on ne peut agraver les obligations du créancier, et qu'en condamnant le demandeur, sous cette qualité, à payer au médecin le prix des visites par lui faites au détenu pendant sa maladie, à l'apothicaire des frais de médicamens, et au geôlier les bouillons extraordinaires qu'il a fournis, ledit tribunal est con

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