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COUR DE CASSATION.

En matière d'enquétes, l'assignation donnée à la partie, au domicile de son avoué, doit-elle jouir du bénéfice de l'art. 1033 du Code de procédure, qui proroge le délai d'un -jour, à raison de trois myriamètres de distançe ? (Rés. nég.)

PLEUMARTIN, C, les héritiers Sallet.

L'art. 261, du Code de procédure porte : « La partie sera assignée, pour être présente à l'enquête, au domicile de son ayoué, si elle en a constitué, sinon à son domicile; le tout trois jours au moins avant l'audition. »

L'art. 1033 est ainsi conçu : « Le jour de la siguification ni celui de l'échéance ne sont jamais comptés pour le délai * général fixé pour les ajournemens, les citations, sommations, et autres actes faits à personne ou domicile. Ce délai sera augmenté d'un jour, à raison de trois myriamètres de distance. »

C'est la disposition finale de ce dernier article qui a donné lieu, dans l'espèce, à la question que nous venons de poser. La prorogation de délai accordée par l'art. 1035 est-elle applicable, en matière d'enquêtes, lorsque la partie, conforinément à l'art. 261, est assignée au domicile de sou avoné? L'art. 1933, au contraire, ne s'applique-t-il qu'aux actes signifiés à personne ou domicile? On pourrait dire, eu faveur du premier système, que, dès l'iustant où la lới cousacre le droit de la partie d'être présente à l'enquête, elle doit lui accorder un délai suffisant pour qu'elle puisse user de ce droit, parce que qui veut la fin veut les moyens; et que, si l'assignation donnée à personne ou domicile doit `jouir du bénéfice de la prorogation, à bien plus forte raison celle qui est donnée au domicile de l'avoué, puisqu'il faut laisser à cet officier le temps de prévenir sa partie; qu'autrement, la disposition qui permet à la partie d'assister à

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l'enquête serait illusoire, et que, cependant il serait injuste de la priver de cette prérogative, puisqu'elle pent avoir des reproches graves à fournir contre les témoins qui doivent être enténdus.

Quoi qu'il en soit, ces raisons doivent disparaître devant le texte de la loi ; et alors que l'art. 1033 n'accorde la prorogation de délai que pour les actes faits à personne ou domicile, on doit, par une conséquence nécessaire, exclure ceux faits au domicile de l'avoué. Au surplus, le motif de cette différence est sensible. Pour les actes qui exigent la présence de la partie, il faut que les notifications soient faites à personne ou domicile, et qu'alors on laisse à l'ajourné le temps convenable pour comparaître. De là la disposition de l'art. 1033, qui accorde une prorogation de délai, à raison d'un jour par trois myriamètres de distance. A l'égard des actes, an contraire, où la présence de la partie n'est pas essentiellement requise, les significations faites à avoué suffisent, parce que, dans ce cas, la partie peut être représentée par cet officier. D'où vient l'art. 261, qui, en matière d'enquêtes, veut que la partie qui a constitué avoué soit assignée au domicile de celui-ci, seulément trois jours avant l'audition des témoins: en sorte que, dans ce dernier cas, l'ajourné ne peut se prévaloir de l'art. 1053 pour soutenir la nullité de l'assignation, comme donuée à trop bref délai.

La Cour de cassation l'a ainsi décidé dans l'espèce sui

vante.

Les héritiers de la veuve Sallet, demandeurs en nullité d'un testament fait par cette veuve, ont articulé différens faits à l'appui de leur demande, et ont offert d'en faire preuve par témoins.

Un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, du 27 mai 1807 les a admis à cette preuve.

Un sieur Pleumartin, en sa qualité de légataire, fut assigné au domicile de son avoué, pour être présent à l'enquête,

trois jours seulement avant l'audition des témoins, conformément à l'art. 261.

Il a demandé la nullité de l'assignation, parce qu'on n'avait point observé les délais prescrits par l'art. 1053 du Cođe de procédure.

Le 20 février 1810, arrêt de la Cour de Poitiers, qui déclare l'assignation valable, attendu que cet article ne doit point s'apliquer aux assignations données au domicile des avoués.

Pourvoi en cassation pour violation de l'art. 1053 et fausse application de l'art. 261 du Code de procédure.

Du 22 novembre 1810, arrêt de la Cour de cassation, section des requêtes, au rapport de M. Bailly, par lequel: « LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Merlin, procurenr-général ; — Attendu que la prorogation de délai à raison d'un jour par trois myriamètres de distance, voulue par l'art. 1033 du Code de procédure civile, pour les actes qui sont faits à personne ou domicile, n'a pas été également prescrite par l'article 261 de ce Code, qui, ea matière d'enquêtes, concerne l'assignation à donner à la partie au domicile de son avoué; - REJETTE, etc. »

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Nota. La question de savoir si le délai de trois jours dost parle l'art. 261 du Code de procédure est susceptible de l'augmentation réglée, à raison des distances, par l'art. 1035, est jugée diversément par la Cour de cassation elle-même, L'arrêt du 22 novembre 1810, que nous venons de rapporter, décide que, dans le cas prévu par l'art. 261, il n'y a pas lien au délai supplémentaire, ce qui s'accorde avec l'opinion de MM. Carré et Hautefeuille. Mais le contraire a été jugé par un arrêt émaué de la même Cour, le 11 janvier 1815, qu'on trouvera à sa date dans le volume de cette année (Voyez au surplus les Lois de la procédure de M. Carré, tom. 1o, page 655, au titre des Enquêtes.)

COUR DE CASSATION.

S Ier.

Si le lestateur est mort sans que son interdiction ait été prononcée ni méme provoquée, ses héritiers peuvent-ils attaquer le testament pour cause de démence, et en faire la preuve par témoins, quand cette preuve ne résulte pas de l'acte méme ? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 504, 901.

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LES BÉRITIERS JALLET, C. LES LEGATAIRES JALLET.

La difficulté, dans l'hypothèse, consiste particulièrement concilier les articles 504 et 901 du Code civil. Le premier de ces deux articles, placé au chapitre 2 du titre 11, touchant l'interdiction, est conçu en ces termes : « Après la mort d'un individu, les actes par lui faits ne pourront être attaqués pour cause de démence qu'autant que son interdiction aurait été prononcée ou provoquée avant son décès, à moins que la preuve de la démence ne résulte de l'acte même qui est attaqué.

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L'art. 901, compris au titre des Donations, chap. 2, intitulé de la Capacité de disposer par donations entre vifs ou par testament, s'exprime ainsi : « Pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit. »>

Or, à quelle conséquence mènent ces deux dispositions législatives? Faut-il les lier et les concevoir de manière à les con sidérer comme corrélatives, et conclure que, si, dans l'écono→ mie de l'art.901, ilfaut être sain d'esprit pour faire une douation ou un testament, ces actes, aux termes de l'art. 504, sont inattaquables, même pour cause d'imbécillité d'esprit ou de démence, şi le donateur ou le testateur sont morts integri ștatus? Doit-on au contraire isoler ces deux articles, appliquer l'art. 504 aux contrats onéreux, exclusivement, et conclure de l'art. 901 que, s'il faut être sain d'esprit pour faire un

testament, la preuve de l'imbécillité ou de la démence est, par une conséquence nécessaire, le seul moyen propre à garantir l'exécution de cet article, parce que la démence ne se manifeste que par des faits, qu'il faut nécessairement s'en rap porter à ceux qui les ont vus et entendus, d'autant qu'à l'égard des actes de dernière volonté, on attend souvent le dernier moment de la vie pour les faire, et que la démence ou la faiblesse d'esprit ont pu se déclarer à une époque trop rapprochée du décès pour qu'il ait été possible de provoquer l'interdiction du testateur? Ce dernier système est le plus conforme à notre ancienne jurisprudence; mais s'accorde-t-il avec les principes de notre nouvelle législation? "C'est ce que M. le procureur-général Merlin a examiné dans l'espèce actuelle, et ce magistrat s'est attaché à démontrer que l'art. 504 ne s'appliquait pi aux testamens ni aux donations.

« Cet article, a-t-il dit, n'est relatifqu'aux actes ordinaires de la vie civile; il est étranger aux dispositions à titre gratuit, et par conséquent aux testamens comme aux donations entre vifs. Celles-ci ont leur règle particulière dans l'art. 901, qui veut indéfiniment que, pour tester ou pour donner entre vifs, on soit sain d'esprit : règle qui eût été inutile et eût formé un pléonasme dans le Code, si l'intention du législateur eût été de comprendre les dispositions à titre gratuit dans les art. 503 et 504. Ce qui doit lever làdessus toute espèce de doute, c'est que, par le projet de l'article gor, tel qu'il fut présenté au conseil d'Etat, on proposait d'assujettir les donations et les testamens à la règle générale qu'avait établie l'art. 504, et que cette proposition fut rejetée. En effet, l'art. 9or avait d'abord été rédigé dans le même sens que l'article 504: car, après avoir dit que, pour faire une donation entre vifs ou un testament, il fallait étre sain d'esprit, on y avait ajouté que néanmoins ces actes ne pourraient étre attaqués pour cause de démence que dans les cas prévus et de la manière prescrite par l'art. 504. Mais cette seconde partie de l'article a été supprimée ; et elle

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