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PRÉSENTANT

LA JURISPRUDENCE

DE LA COUR DE CASSATION

ET

DES COURS ROYALES,

SUR L'APPLICATION DE TOUS LES CODES FRANÇAIS AUX QUESTIONS

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REVUE, CORRIGÉE ET MISE DANS UN NOUVEL ORdre,
PAR M. BOURGOIS,

AVOCAT A LA COUR ROYALE DE PARIS, ET PRINCIPAL RÉDACTEUR DE CE JOURNAL,

TOME XI.

DU 1er JANVIER AU 31 DÉCEMBRE AN 1810.)

STANPOH

PARIS,

AU BUREAU DU JOURNAL DU PALAIS,

RUE DE

ET CHEZ

JÉRUSALEM,

No 3, PRÈS LE PALAIS DE JUSTICE;

GUIRAUDET ET GALLAY, IMPRIMEUR et LIBRAIRE,

RUE SAINT-HONORÉ, No 315.

1825.

349.44 386

684603

JOURNAL DU PALAIS.

COUR DE CASSATION.

Le propriétaire d'un bois où existent beaucoup de lapins peut-il, pour avoir négligé de les détruire, étre déclare responsable du dommage causé par ces lapins dans leurs excursions sur les terres voisines ? (Rés. aff.)

MADAME DE MONTMORENCY, C. MADAME DE Massy, '

Un principe certain, dont dépend la conservation des propriétés, est que chacun répond du tort qu'il cause à autrui, et qu'il est obligé à la réparation de ce tort, soit qu'il l'ait commis lui-même ou qu'il soit arrivé par le fait de quelqu'un dont il est responsable. Conformément à ce principe, le père répond de son fils, le commettant de son mandataire, le maître de son esclave ou de son domestique,. propriétaire de l'animal qui lui appartient. Cette règle est : on la voit consacrée dans le Digeste, au

de tous les

temps:

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le

titre Si quadrupes pauperiem fecisse dicatur, et dans le Code civil, art. 1384 et 1385.

Il était donc juste, dans l'espèce, de décider que le propriétaire d'une forêt contenant un grand nombre de lapins était passible de tous les dommages et intérêts résultans pour ses voisins du tort que ces animaux avaient pu

leur causer.

Madame de Montmorency était propriétaire, auprès de Vendôme, de la forêt de Fretteval, dans le voisinage de laquelle se trouvent des terres labourables appartenantes à la dame de Massy. Le 18 juillet 1808, cette dernière a cité madame de Montmorency devant le juge de paix du canton de Morée, en condamnation de 200 fr. pour réparation du dommage qu'elle prétendait avoir été causé à ses récoltes par les la pins de la forêt de Fretteval.

Tome XI.

Avant faire droit, le juge de paix ordonna qu'il serait pro cédé par experts à la visite et appréciation du dommage. La dame de Montmorency appela de cet interlocutoire, comme préjugeant qu'en définitive elle était responsable.

Et en effet, le tribunal civil de Vendôme, après avoir fait constater par enquête qu'il existait dans la forêt de Fretteval une telle quantité de lapins que les terres limitrophes étaient par eux dévastées, et que le dégât dont se plaignait la dame de Massy avait effectivement été causé par ces animaux; après avoir également fait constater et évaluer ce dommage par experts, rendit, le 5 novembre 1808, un jugement définitif, par lequel il condamna la dame de Montmorency à payer 95 fr. pour la réparation du tort que la dame de Massy avait éprouvé.

Madame de Montmorency s'est pourvue en cassation contre ce jugement, qui, selon elle, contenait tout à la fois fansse application de l'art. 1385 du Code civil et violation. de l'art. 3 du décret du 4 août 1789.

Cette dame, argumentant de ce que l'art. 1385 du Code eivil ne rendait responsable d'un dommage que le proprietaire de l'animal qui l'avait causé, soutint que cet article ne Jui était point applicable, parce que, s'il était vrai de dire qu'anciennement elle était, comme exerçant féodalement le droit de chasse, réputée seule propriétaire des lapins de Fretteval, elle avait cessé de l'être par suite des lois qui, abolissant ce droit de chasse et laissant à chacun le droit de tuer sur son terrain le gibier qui s'y trouverait, avaient parlà même déclaré que les seigneurs féodaux n'en n'avaient plus la propriété d'où elle concluait que le tribunal civil de Vendôme avait violé l'art. 3 du décret du 4 août 1789 sur la chasse, et fait à son égard une fausse application de l'art. 1385, du Code civil.

Mais il était aisé de répondre que c'était par le fait de madame de Montmorency que la forêt de Fretteval conte

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vait enú grande quantité des lapins, qu'elle s'était plu à y zaultiplier lorsqu'elle avait droit de ghasse, et qu'elle n'a

vait pas pris la précaution de détraire lorsque ce droit lui avait été enlevé c'était done toujours par son fait et par sa négligence que madame de Massy avait éprouvé le tort dont elle avait demandé et obtenu la réparation.

Du 3 janvier 1810, ARRET de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Oudart rapporteur, par lequel :

LA COUR, - Attendu qu'il a été jugé, en fait qu'il existait dans la forêt de Fretteval, au canton de Richerai, une telle quantité de lapins que les récoltes ensemencées étaient dévastées, et que la récolte de la pièce de terre appartenanteà la dame de Massy avait été considérablement endommagée par fesdits lapins; Attendu que la demande

resse, propriétaire de ladite forêt, a pu être jugée responsable du dommage, suivant l'art. 1583 du Code civil, pour avoir négligé de les y faire détruire, ou d'avoir permis aux détenteurs voisins de ladite forêt de les y faire détruire ;

REJETTE, etc. »

Nota. M. Merlin s'exprime ainsi à l'égard de cet arrét, Répertoire de Jurisprudence, vo Gibier, tome 15:

«Cet arrétest motivé, comme on le voit, non sur l'art, 1385, mais sur l'art. 1583 du Code civil. Il juge donc uniquement que, toutes les fois que le propriétaire d'un bois y laisse multiplier excessivement les lapins et en empêche la destruction, malgré les ravages qu'ils exercent dans les terres voisines, et malgré les plaintes qui lui en sont portées, on doit lui appliquer la disposition de l'art. 1383 qui rend chacun responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. Il ne juge done pas que le propriétaire d'un bois dans lequel il existe des lapins, est, à ce seul titre, propriétaire des lapins mêmes qui y existent, et qu'on peut, en conséquence, lui ap

I..

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