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fut suivi et exécuté après sa mort. Catherine, sous prétexte de demander la main d'Anne Jagellon pour son fils le duc d'Anjou, fit sonder les esprits, établit des rapports avec les membres les plus puissans de la noblesse et prépara le succès de son dessein secret. L'élection de Henri de Valois fut due à l'appui des protestans dont il jura de respecter la croyance, et à la haine éternelle de la Pologne contre l'Autriche. Les intrigues que le cardinal Commandoni avait nouées en Pologne, du vivant de Sigismond, et en faveur de l'archiduc Ernest, furent tout-à-fait impuissantes.

Henri de Valois dut accepter et jurer solennellement à Notre-Dame de Paris un pacte qui restreignait de beaucoup sa puissance. Ce pacte célèbre, qui fut depuis imposé à tous les rois et appelé Pacta Conventa, c'est-à-dire pacte ou contrat, stipulait:

1° Que l'élection serait désormais l'attribution exclusive de la république et que le roi, bien loin de penser de son vivant à l'élection de son successeur, ne devrait y contribuer ni directement, ni indirectement.

2o Que le roi élu ne pourrait prendre le titre de seigneur héréditaire (dominus et hæres), que pre naient les Piasts et les Jagellons.

3o Que le roi maintiendrait la tranquillité entre les dissidens. Cet article qui avait exclusivement rapport à la religion, comprenait sous le titre de dis

sidens (dissidentes de religione), tous ceux qui prqąfessaient un culte quelconque. Le mot dissidens ne s'appliquait pas plus aux hérétiques ou huguenots qu'aux catholiques, protestans, grecs, etc. En un mot, cet article prescrivait la tolérance religieuse dans toute sa latitude et dans toute l'extension du mot.

4o Que le roi ne pourrait, sans le consentement unanime des états assemblés en diète, déclarer la guerre, ordonner la levée en masse, augmenter l'impôt ou le droit de douane, ni envoyer des ministres aux cours étrangères lorsqu'il s'agirait d'affaires majeures.

5° Qu'en cas de division des opinions dans le sénat, le roi devrait se joindre au parti dont le vote serait le plus favorable aux intérêts de la nation.

6° Que les diètes ordinaires seraient convoquées nécessairement tous les deux ans, et plus souvent si les circonstances l'exigaient; mais que les sessions ne dureraient jamais plus de six semaines.

7° Que les charges de l'état ne seraient conférées, que les domaines royaux ne seraient concédés qu'aux nobles polonais, à l'exclusion des étrangers.

8° Que le roi ne pourrait ni contracter mariage ni faire divorce sans le consentement du sénat.

Que si le roi violait en quoi que ce fût son serment et les pacta conventa, ses sujets seraient

par

le fait même absous et déliés de leur serment d'obéissance.

Cependant les pacta conventa laissaient à la disposition du roi, toutes les dignités de la couronne et toutes celles de la Lithuanie, toutes les charges des palatinats et des districts, toutes les starosties, que l'on forma des domaines royaux dont on ne laissa au roi qu'une faible partie pour la table royale; et comme toutes ces dignités et charges donnaient l'entrée au sénat, comme le roi conférait d'ailleurs tous les honneurs et tous les emplois, il nommait par le fait tous les sénateurs. Mais d'un autre côté, toutes les dignités ou charges accordées par le roi étaient inamovibles, de sorte que le roi ne pouvait presque compter sur le dévouement et sur la reconnaissance de personne, puisque ceux qu'il nommait étaient affranchis de toute crainte et de toute obligation. Il était condamné à ne faire que des ingrats et des mécontens.

Voilà ces célèbres pacta conventa qui ont été, selon tous les historiens polonais, une des causes les plus puissantes de la ruine de la Pologne. Quand on relit un acte pareil, on ne peut concevoir comment la Pologne a pu subsister un siècle et demi avec cette funeste constitution.

Une autre clause tacite pesait sur le roi, c'était l'obligation de subvenir à tous les besoins de l'état

avec les revenus des domaines de la couronne. Comme il n'existait pas d'impôts réguliers, le mot de perception étant d'ailleurs illusoire, et la couronne étant le prix d'une espèce d'enchère publique, les candidats proposaient à l'envi les uns des autres les conditions les plus favorables à la noblesse et les plus onéreuses pour leur royauté future. Ainsi Henri de Valois jure d'abord une alliance éternelle entre la France et la Pologne; il s'engage à entretenir quatre mille soldats français au service de la Pologne, à équiper une flotte pour assurer la domination de la Pologne sur la Baltique, à reprendre le port de Narva, à verser tous les quatre ans 450,000 florins dans le trésor national, à payer les dettes contractées du vivant et après la mort de Sigismond-Auguste, et à faire admettre gratuitement cent jeunes Polonais dans les écoles de Paris.

Quant aux autres candidats, celui-ci promet 10 millions florins, le second une armée de vingt mille hommes, le troisième 15,000,000 florins et quinze mille hommes, un quatrième offre d'abjurer sa foi, etc.

On voit donc que la royauté est devenue une espèce d'entreprise à forfait traitée entre les candidats et la noblesse. Ce n'est plus une magistrature forte et bienfaisante comme l'autorité paternelle, une institution protectrice de la nation toute entière et surtout du peuple. Dans les pacta conventa, la noblesse est tout,

le roi ést peu de chose, le peuple n'est rien; on ne prononce même pas son nom. C'est ici, surtout, qu'on peut voir le rôle bien différent de la royauté héréditaire et de la noblesse. L'époque de la monarchie puissanté et respectée coincide avec l'amélioration progressive et continuelle de la condition du peuple. La domination de la noblesse a pour résultat l'asservissement et l'oppression du peuple.

Quand le trône de France fut vacant, Henri de Valois s'enfuit à toute hâte de Pologne, ét vint succéder à son frère. Son abdication précipitée donna lieu à une nouvelle élection. Les sénateurs voulaient élire Maximilien, mais la noblesse ne voyait en lui qu'un ennemi redoutable par sa puissance; elle était prête à élever sur le trône un prince quelconque, pourvu qu'il ne fut ni allemand, ni membre de la dynastie autrichienne. Quelques sénateurs proposèrent de choisir un Polonais. La noblesse approuva cette proposition et désigna même deux candidats, André Toczinski, palatin de Betz, et Jean Kostka, palatin de Sandomir. Mais le sénat regarda cette désignation comme un attentat à ses priviléges; quelques membres déclarèrent même qu'ils se mettraient sur les rangs, si Toczinski et Kostka prétendaient à la couronne, et qu'ils leur étaient supérieurs en mérite et en naissance. Le primat, se conformant au vœu de la majorité du sénat, proclama Maximilien, mais un parti

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