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Comme il parle de vous, j'ai prié cet abbé d'assurer que vous recevez de ce cardinal toute sorte de bons traitemens, et que vous n'avez qu'à vous en louer. Demandez-lui toujours sa bienveillance et sa protection : vous ne sauriez lui rendre trop de devoirs.

Quant aux écrits que j'envoie, il ne faut pas que votre prévention pour moi vous empêche d'examiner ce qui convient au lieu où vous êtes : de mon côté, je ne puis voir assurément que ce qui convient ici.

Les amis de M. de Cambrai n'ont à dire autre chose, sinon que je lui suis trop rigoureux. Mais si je mollissois dans une querelle où il y va de toute la religion, ou si j'affectois des délicatesses, on ne m'entendroit pas, et je trahirois la cause que je dois défendre.

La traduction en latin de mes remarques françaises seroit bien longue. M. Phelippeaux prendra bien la peine d'en traduire ce qui sera plus utile. Mon intention est qu'elles puissent servir de mémoire à quelqu'un de confiance.

Vous devez avoir reçu deux pièces latines, qui sont pour vous et pour des personnes affidées : l'une est, Narratio; l'autre est, Errores et qualificationes.

Vous ne manquerez pas de nous écrire sur l'Ordonnance de M. de Rheims. On dit qu'il court, contre cet ouvrage, une lettre fort impertinente.

J'attends avec impatience l'écrit latin de M. Phelippeaux: je l'embrasse de tout mon cœur.

M. le cardinal de Janson est encore à Beauvais ; on l'attend ici dans peu.

A Versailles, ce 18 novembre 1697.

LETTRE CLXXV.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

Sur les raisons qui le portoient à ne point parler de l'affaire au cardinal de Bouillon; l'importance qu'il y avoit de publier en France beaucoup d'écrits sur la matière, et le projet de former pour cette affaire une congrégation de cardinaux.

J'AI reçu ici, il y a trois jours, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Germigny, le 27 du mois passé. Je suis venu ici prendre l'air quatre ou cinq jours, et m'en retourne demain. Je rendrai moi-même votre lettre à M. le cardinal de Bouillon, et aurai par-là occasion de lui parler de cette affaire, dont, pour vous dire la vérité, nous ne nous parlons pas plus que s'il n'en étoit pas question. La raison pour laquelle de mon côté j'en agis ainsi, c'est que je vois fort bien qu'il évite toutes les occasions d'entrer là-dessus en matière avec moi; et comme je veux aller mon chemin, et faire ce qu'il convient pour le bien de la cause, je n'en veux pas être empêché. Je suppose toujours qu'on en est bien aise, parce que cela doit être ainsi. Du reste, je ne fais rien que je ne veuille bien qui soit su de tout le monde, et je garde toutes les mesures imaginables.

Enfin nous avons eu copie des notes latines, et j'ai chargé M. Phelippeaux de vous en envoyer un exemplaire par cet ordinaire : il vous instruira aussi de ce qu'il a pu savoir de nouveau depuis mon départ. Il vous doit envoyer les dernières feuilles de

la traduction latine, dont nous attendrons ici les exemplaires avec grande impatience, comme chose très - nécessaire. Vous avez à présent l'Ordonnance et les notes; vous pourriez ajouter ce qu'il faut aux endroits. Ce que je prends la liberté de vous recommander, c'est la brièveté, et à cet effet de ne vous arrêter qu'à l'essentiel, et aux erreurs grossières qui sont capables de frapper ces gens-ci.

Au reste, vous ne sauriez, les uns et les autres, trop publier en France d'instructions contre M. de Cambrai. M. le cardinal de Bouillon et les Jésuites sont bien aises de faire croire ici, que le clergé de France est entièrement divisé sur cette matière, et que beaucoup de prélats et de docteurs ne condamnent pas le livre de M. de Cambrai. Il seroit bon de faire connoître le contraire à tout le monde par toute sorte de voies.

J'ai appris depuis ma dernière lettre, qu'on parloit tout bas de former une congrégation de cardinaux exprès pour cette affaire. Cela peut avoir son bon et son mauvais. Si cette nouveauté étoit demandée de la part du Roi par M. le cardinal de Bouillon, de concert avec M. de Chartres, M. de París et vous, je tiendrois le projet pour bon. Si c'est le contraire, ce dessein m'est fort suspect; et on n'y viendra que pour tâcher de changer l'état des choses, qu'on croit n'être pas favorable à M. de Cambrai. J'ai mis en campagne deux ou trois personnes pour découvrir ce qui en est : je le saurai dans peu, et j'agirai suivant l'occurrence. Ce que vous me mandez par votre précédente lettre, qu'on verra l'effet que produira ce que le Roi a dit à

M. le nonce, me fait suspendre mon jugement; et je doute si ce ne seroit point de ce projet dont vous voudriez me parler d'un autre côté, je crois que cela vaudroit bien la peine de m'être mandé clairement.

Je suis venu ici en partie pour attendre que je fusse mieux instruit, et n'être pas obligé de parler là-dessus, sans savoir ce que j'ai à dire. Tout ce que je puis vous assurer, c'est que le cardinal de Bouillon sera bien hardi, s'il le fait sans ordre du Roi car assurément une pareille chose ne peut s'exécuter sans que le cardinal de Bouillon y ait part.

:

Les Jésuites publient hautement que la lettre du Roi a été dictée par M. l'évêque de Meaux cela est assez insolent, et dit pour aliéner des trois évêques l'esprit des examinateurs. Des religieux intrigans, à la tête desquels est le père Dias, Cordelier espagnol, publient que M. de Cambrai est le seul défenseur des religieux, et qu'ils doivent le soutenir.

Il est sûr que le père Damascène est exclus du nombre des examinateurs, dont il est très-fâché, et les examinateurs sont fort aises d'en être débarrassés. M. Phelippeaux vous écrira amplement cette lettre sera dans son paquet.

Le Pape se porte bien, et a fait son maître de chambre monseigneur Aquaviva, Napolitain, qui est fort mon ami, et qui pourra parler au Pape plus fortement que M. Lenci, qui, par modestie, n'osoit parler de rien. Je suis, etc.

A Frescati, ce 19 novembre 1697.

LETTRE CLXXVI.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

I lui recommande de témoigner au cardinal de Bouillon son mécontentement de ce qu'il vouloit faire passer cette affaire pour une querelle particulière entre lui et M. de Cambrai; lui parle de l'Instruction pastorale de ce prélat, et des effets qu'elle devoit produire.

Je vois, par votre lettre du 5, que vos travaux augmentent; Dieu. vous bénira. Nous sommes au temps de l'embrouillement : celui du dénouement viendra, qui nous sera favorable. Nous avons avis qu'on a ôté Damascène du nombre des examinateurs j'en suis bien aise, tant pour faire voir le zèle du Roi à défendre la bonne cause, que pour le bien même de l'affaire. Quoique ce religieux se fût expliqué pour la censure du livre, il n'étoit pas à propos qu'il fût un des examinateurs.

J'ai conseillé de ne rien pousser pour exclure

Gabrieli.

M. de Cambrai et ses amis crient ici victoire; mais nous ne nous étonnons pas de ce style. Tout résonnoit de la victoire de ce prélat, quand il fut renvoyé de la Cour : le Roi, disoit-on, ne se soucioit plus de l'affaire, et tout alloit bien pour M. de Cambrai. Il est vrai qu'alors les intrigues n'étoient pas telles qu'elles le sont dans la circonstance présente, et qu'on ne voyoit pas une cabale si puissante et si concertée; mais la vérité sera la plus forte.

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