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nelle et pour les institutions qu'elle avait fondées; mais il faisait remarquer avec raison que pour en assurer le maintien, il était indispensable qu'il pût exercer librement et faire respecter les prérogatives inhérentes à sa couronne. « Electeurs, disait en terminant le roi, hâtez-vous de vous rendre dans vos colléges; qu'une négligence répréhensible ne les prive pas de votre présence. Qu'un même sentiment vous anime, qu'un même drapeau vous rallie. C'est votre roi qui vous le demande, c'est votre père qui vous appelle. Remplissez vos devoirs, je saurai remplir les miens. »

Les idées développées dans cette proclamation, dernier manifeste du trône constitutionnel, étaient tellement propres à Charles X, qu'il mit une sorte d'affectation à les reproduire dans ses allocutions aux présidents des colléges électoraux qui venaient prendre congé de lui. Toutes se résumaient en ces termes: Répétez bien aux électeurs que je ne céderai

pas.

Quelques-uns des ministres adressèrent à leurs subordonnés, à l'occasion des élections, des instructions analogues à la proclamation royale. La plupart de ces actes n'excédèrent pas les limites de l'action constitutionnelle. Aucune contrainte n'y était prescrite. D'autres présentèrent moins de réserve. Les amis de la monarchie représentative y virent

avec regret se reproduire ces menaces de destitution de fonctionnaires publics, qui, en 1824, avaient été si pernicieuses à l'administration, en usant les ressorts qui servaient à la faire mouvoir.

L'opposition, de son côté, déployait tous ses efforts pour rendre décisive la victoire qu'elle allait remporter. Un avantage immense était pour elle dans la simplicité de sa marche, toute formulée par ces mots Réélire les 221. Aussi, l'accord de ses manœuvres était effrayant. Les comités électoraux, secondés par l'action toute puissante de la presse, préparaient l'inscription des électeurs de l'opposition sur les listes, et travaillaient à en écarter les partisans du ministère. Ce n'était pas un spectacle exempt de singularité que celui de députés de la contre-opposition royaliste, portés de concert avec les membres les plus exaltés de la gauche, recommandés avec chaleur aux suffrages des électeurs par les organes d'un parti qu'ils avaient long-temps combattu, et luttant collectivement avec eux sous l'influence momentanée des mêmes impressions, eux que séparaient d'ailleurs des divisions si anciennes et si profondes. Mais la bizarrerie et l'immoralité de ces alliances disparaissaient dans le tumulte universel des esprits. Cependant, certaines manifestations du parti libéral dévoilaient à quel point la question de la monarchie s'engageait progressi

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vement dans le choc qui se préparait. Dans une réunion nombreuse d'électeurs qui eut lieu à Paris, chez M. Cadet de Gassicourt, les voeux ultérieurs de la portion la plus avancée de ce parti éclatèrent à peu près sans contrainte, et l'on put voir quelles espérances de perturbation y allumait déjà l'imprudente menace d'un coup-d'état. M. Odilon Barrot harangua l'assemblée avec énergie: «La lutte, ditil, est engagée entre le corps électoral et le pouvoir; tout fait présumer que le pouvoir ne cèdera pas, et qu'il est résolu à tout pour briser les résistances. Les violences appellent les violences. » M. Barrot fit pressentir que, dans le cas d'une collision ouverte, les citoyens désignés pour composer les bureaux définitifs, pourraient être les éléments de la municipalité future de Paris, prédiction qu'on vit en effet se réaliser peu de jours après.

Les présidents des colléges avaient été choisis pour la plupart parmi les députés qui s'étaient prononcés contre l'Adresse ; un seul, M. Favart de Langlade, avait fait partie des 221. Leurs discours reproduisirent en général les idées exprimées dans la proclamation du roi; mais ils furent presque partout écoutés avec indifférence. Que pouvait en présence des passions déchaînées le langage fier et calme d'une autorité minée de longue main par l'action dissolvante de la presse, et contre laquelle l'es

prit de résistance était encore fortifié par les préventions les plus ardentes et les plus invétérées !

Le ministère, sous prétexte de faciliter à un plus grand nombre d'électeurs les moyens de faire valoir leurs droits, avait ajourné les élections dans vingt départements. Le motif réel de sa détermination était, dit-on, de ne pas donner l'initiative de cette épreuve à des départements où, comme ceux de la Seine et des environs, le triomphe de ses adversaires paraissait le plus assuré. Mais toutes ces précautions furent inuales. L'opposition obtint 272 députés, dont 202 appartenaient aux votants de l'Adresse, et le ministère 145, en y comprenant 13 de ceux qui avaient voté pour l'amendement Lorgeril. Les colléges de département eux-mêmes qui avaient toujours envoyé des députés royalistes, ne donnèrent au ministère qu'une faible majorité. L'un des membres les moins offensifs du cabinet, celui qui avait organisé avec tant d'habileté la glorieuse expédition d'Alger, M. d'Haussez, fut repoussé par cinq colléges. Le vent soufflait partout à l'opposition. Ce résultat menaçant, auquel l'influence irritante de la dernière modification ministérielle n'avait eu que trop de part, mit à nu l'imprévoyance qui avait inspiré le système de la septennalité. Si le renouvellement de la Chambre n'eût été que partiel et successif, l'opposition, forcée de

se scinder, aurait été loin de présenter cette consistance hostile et homogène. Ainsi, cette mesure, imaginée pour consolider la monarchie, concourut puissamment à en amener la ruine. Aucun trouble d'ailleurs ne marqua les opérations électorales, si ce n'est à Montauban, où la multitude, irritée du choix de M. de Preissac, l'un des 221, envahit la salle du collége, et contraignit le nouvel élu à une prompte retraite. Exemple rare à cette époque d'indiscipline et d'anarchie, que celui d'une démonstration populaire tendant à fortifier un pouvoir chancelant, et en butte aux attaques de ses propres amis!

Cette victoire, que l'opposition elle-même avait attendue moins éclatante, jeta l'irritation et le découragement dans les rangs des royalistes. Elle retentit douloureusement au sein de la cour. Charles X se montra vivement blessé du renvoi des députés qui avaient voté l'Adresse. Une préoccupation naturelle lui faisait oublier qu'en 1816, après l'ordonnance du 5 septembre, ses propres efforts avaient eu pour but de provoquer la réélection de la Chambre dissoute, qui n'était guères plus agréable à Louis XVIII. Les personnes qui l'approchaient étaient frappées du ton de mécontentement et d'exaltation qui régnait dans ses discours. Il ne parlait de rien moins que de dictature, et se mon

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