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Parmi les promotions qui avaient eu lieu dans le département de l'intérieur, on remarqua celle de M. de Curzay, préfet d'Ile-et-Vilaine, appelé à la préfecture de Bordeaux, et la nomination de M. Locard, à la préfecture du Haut-Rhin. M. Locard, préfet du Cantal en 1815, lors de l'arrestation du maréchal Ney, expiait depuis plusieurs années, dans une inaction forcée, les embarras que son zèle indiscret avait, à cette époque, suscités au gouvernement royal.

Les nominations faites dans l'ordre judiciaire offraient un caractère moins prononcé. M. Courvoisier avait appelé aux fonctions de secrétaire général du ministère de la justice M. Rocher, conseiller à la cour de Lyon, jeune magistrat particulièrement agréable au parti ecclésiastique. Parmi les autres choix qui eurent lieu dans ce département, il convient de citer comme un trait de modération celui de M. Bryon, avocat-général à la même cour, qui fut nommé conseiller à la cour royale de Paris. M. Bryon avait fait partie de la chambre des représentants de 1815.

Cependant le ministère ne réalisait aucun des effets que les partis opposés en avaient redoutés ou espérés. Des dissentiments graves divisaient les deux plus influents de ses membres. M. de Polignac voulait que son impulsion eût lieu dans un sens

un peu plus théocratique ; M. de la Bourdonnaye, beaucoup moins attaché aux doctrines religieuses, prétendait la diriger dans des voies plus favorables à l'aristocratie nobiliaire. Le temps s'écoulait en débats perpétuels et en discussions stériles. On crut imprimer à son action plus d'unité et un caractère plus décidé en donnant un chef à ce conseil, et le suffrage du roi se fixa naturellement sur M. de Polignac. Il fut nommé le 17 novembre. Cette circonstance, jointe au peu d'ascendant qu'il avait pris dans le cabinet, entraîna la démission de M. de la Bourdonnaye. Orateur véhément, plein de vues politiques, qu'il développait avec élévation et éloquence, il n'avait, comme homme pratique, déployé aucune capacité. Il reçut pour récompensa de ses faibles services, le titre de ministre-d'état, la pairie, et une dotation de douze mille francs, dont le refus eût honoré sa retraite. Il la motiva, dit-on, d'une manière fort piquante en ces termes, qui peignaient bien la gravité de la situation : Quand je joue ma tête, j'aime à tenir les

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M. de la Bourdonnaye fut remplacé au département de l'intérieur par M. de Montbel, ministre de l'instruction publique, auquel on donna pour successeur M. de Guernon-Ranville, procureur-général à Lyon. Ce dernier, fils d'un ancien émigré,

s'était fait remarquer par un caractère loyal et courageux, et par un attachement invariable à la cause des Bourbons. Ses opinions royalistes et religieuses étaient fort modérées. Inconnu d'ailleurs comme personnage parlementaire, son élocution passait au barreau pour abondante et facile.

CHAPITRE DEUXIÈME.

Approches de la session des chambres. Plan du ministère.

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Discours imprudent de la couronne.

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Séance

Discussion

royale au Louvre. de l'Adresse à la chambre des pairs. M. de Châteaubriand. — A la chambre des députés. MM. Agier, de Conny, de Montbel, Benjamin Constant, de Guernon-Ranville, Dupin aîné, Berryer, etc. — L'Adresse est votée par 221 membres. — Réflexions sur cet acte. au roi. Prorogation des chambres.

Sa présentation

L'INERTIE du ministère n'attiédissait point la fermentation des esprits. On se persuadait qu'elle ne servait qu'à couvrir des projets violents, et la méfiance publique était entretenue à cet égard par des écrits où les limites de l'autorité royale étaient discutées dans le sens le plus large et le plus absolu. On y prêchait, en cas de résistance décidée aux vues de la couronne, une extension abusive de l'article 14 de la Charte, par lequel le roi s'était réservé: « le droit de faire les réglements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'état. » On inférait de cet article que si le chef de l'état jugeait la sécurité du trône compromise, il avait le droit d'y pourvoir par des mesures même extra-légales. In

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