Page images
PDF
EPUB

Accompagné dans de justes limites de ces égards pour les vivants que recommande judicieusement Voltaire, jamais peut-être il n'eut moins de mérite ni plus d'avantage à se produire qu'à une époque où les esprits, peu portés à s'émouvoir pour les théories politiques, sont doués cependant à un haut degré du penchant de connaître, d'apprécier, de juger les hommes et les événements. Aux sensations tumultueuses des guerres de parti, a succédé une indifférence ou, pour mieux dire, une lassitude qui n'est exclusive ni de l'impartialité qui examine, ni de la raison qui prononce. Chaque jour tend à affaiblir des préventions irréfléchies, à amortir des haines invétérées, à dissiper des illusions qui semblaient incurables. Les opinions, si longtemps agitées par les commotions

politiques et les turbulentes déclamations de la presse périodique, paraissent arrivées à cet état de calme et d'incertitude qui d'ordinaire précède le jour de la raison et de la probité.

L'auteur n'a négligé aucun effort pour répondre dignement à cette favorable disposition des esprits. Ni conférences, ni démarches n'ont été épargnées par lui pour parvenir à la découverte de la vérité, objet suprême et, il ose le dire, objet exclusif de ses recherches. Non seulement il a mis à contribution les ouvrages graves publiés sur les événements de 1830, ouvrages parmi lesquels les Souvenirs historiques de M. Bérard, les Mémoires de M. Mazas, ceux de M. Sarrans, et surtout l'intéressante Chronique de M. Rozet tiennent un rang si distingué, mais il a consulté, comme on le

verra, jusqu'au moindre pamphlet. Il a même interrogé les écrits sortis des presses étrangères, et leur a emprunté plusieurs notions d'un véritable prix. Favorisé, par une honorable confiance, de plusieurs communications importantes, il s'est encore moins attaché à offrir au public des faits curieux et piquants que des faits rigoureusement établis. Si cependant, malgré sa sollicitude, quelques assertions inexactes lui étaient échappées, s'il avait eu le malheur de commettre des omissions essentielles, il recevrait avec reconnaissance les observations qui le mettraient en mesure de rectifier ces erreurs, et se trouverait heureux de donner ce nouveau témoignage de la sincérité de ses vues. Ce n'est pas le moindre avantage de l'histoire contemporaine que la possibilité de ce contrôle salu

taire sous l'épreuve duquel les événements arrivent insensiblement à la postérité dégagés de cet alliage

infidèle que tant de circonstances concourent à introduire dans leur appréciation.

Toute protestation d'impartialité dans l'examen et le jugement des faits, d'indépendance dans leur expression, serait, de la part de l'auteur, une formalité aussi banale que superflue. Ce n'est point à sa préface, c'est à son livre même à faire connaître s'il est demeuré fidèle à ces premiers devoirs de tout écrivain chargé d'énoncer ou de préparer une opinion, et s'il a respecté la vieille religion de son épigraphe. L'auteur ne résistera pas, toutefois, à exposer brièvement ici quelques-unes des idées

qu'il s'est faites sur ces importantes conditions de l'historien.

S'il est un livre où les principes d'un sage éclec

tisme soient d'une observation rigoureuse, c'est sans doute un livre d'histoire contemporaine. Tout, en effet, ici, conspire à égarer l'écrivain: les passions dans l'atmosphère desquelles il s'est trouvé jeté, les déceptions même sincères des témoins qui ont assisté aux événements qu'il reproduit, enfin, ses propres préventions. Il lui importe surtout de se tenir en garde contre cette déplorable facilité avec laquelle les partis acceptent tout ce qui est à leur usage pour rejeter dans le domaine de l'invraisemblable ou de l'impossible les réalités qui blessent leurs illusions ou leurs sympathies. C'est une moralité qui doit lui être constamment présente à l'esprit que toute intégrité absolue d'un dogme ou d'une opinion politique est une véri

« PreviousContinue »