Page images
PDF
EPUB

table chimére, qu'il n'est aucun système qui n'ait quelque côté louable, quelque point défectueux, que la louange ou la censure absolue d'un caractère ou d'une opinion est rarement équitable; qu'une action mauvaise en soi ne saurait changer de nature par son application à telle ou telle cause. Car l'historien n'est point un écrivain de secte ou de coterie, l'apologiste ou le promoteur d'une opinion ou d'un système : il est, il doit être le scrutateur consciencieux, l'interprête incorruptible de la vérité, l'inflexible défenseur de la morale, dont les droits éternels sont au-dessus des gouvernements qui passent, et des considérations éphémères de l'esprit de parti.

Il a paru à l'auteur qu'un ouvrage qui jugerait avec indépendance, avec calme, sans préoccupa

tion directe d'opinion personnelle l'ensemble des derniers événements dont la France a été le théâtre, qui distribuerait dans d'équitables proportions et sans distinction de couleur politique le blâme et la louange, qu'un tel ouvrage serait d'un neuf et utile exemple, qu'il pourrait combler une lacune essentielle, et préparer avec fruit le jugement de l'avenir, touchant ces événements. L'auteur a donc essayé la grande voix de l'histoire sur la catastrophe la plus soudaine, la plus étrange, la plus grave par ses conséquences qui, parmi tant d'autres souvenirs, soit demeurée présente aux souvenirs de la génération courante. Naturellement appelé à prendre une opinion sur cette mémorable péripétie, l'auteur l'a jugée avec peu d'entraînement sans doute, mais dans un sens plus conforme

peut-être aux arrêts probables de la postérité, que les apologies complaisantes ou exaltées dont elle a été jusqu'à présent l'objet. La Révolution de juillet, déclarée inévitable après coup par certains esprits, n'a été rien autre à ses yeux qu'une insurrection heureuse, prétextée par une violation plus intempestive que criminelle de l'ordre légal, et régularisée par la protection d'un prince habile et prudent. Peut-être ce jugement de l'auteur est-il influencé par les conséquences de cette Révolution plus que par l'événement en lui-même. Peut-être a-t-il trop présente à la pensée l'expulsion, au moins sévère, de trois générations de rois, misérablement prononcée par quelques mécontents sans mission le sang qu'elle a fait couler en France, en Belgique, en Pologne, l'esprit de turbulence et de dé

[ocr errors]

mocratie qu'elle a répandu sur toute la surface de la société, les divisions profondes qu'elle a ravivées dans les opinions; peut-être l'auteur tient-il trop de compte de la déconsidération de l'autorité publique qu'elle a consommée, de l'effroyable débordement qu'elle a apporté à l'esprit d'égoïsme et de vénalité qui nous dévore; peut-être son éloignement lui reproche-t-il en secret cette dégradation successive des caractères qui imprime à notre époque une couleur si pâle, une allure si en arrière des grandeurs de notre histoire. Peut-être. L'auteur donne cette opinion pour sienne et sincère, et non pour irréprochable. Peu favorisé de la Restauration qu'il a servie avec autant d'indépen

dance

que d'attachement, il se flatte surtout qu'on

ne verra dans cette appréciation qu'un jugement

d'ordre moral et d'équité, et non une impression de parti. En déplorant la catastophe qui l'a renversée, il n'a dissimulé, ainsi qu'on aura occasion de le reconnaître, aucune des fautes dont cette catastrophe a été le résultat. La vertu malheureuse a ses séductions sans doute, et la puissance déchue commande de légitimes égards; mais ces sentiments ne sauraient prévaloir sur les intérêts imprescriptibles de la justice et de la vérité.

Telles sont les vues générales sous l'influence desquelles a été conçu ce fragment historique, que l'auteur publie sans préliminaires de fait, sans introduction oiseuse, propre tout au plus à mutiler l'expression d'un système qui veut être produit et jugé dans son intégrité, propre surtout à altérer l'unité d'un sujet qui forme à lui seul un tout dis

« PreviousContinue »