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tages, les représentants de la Banque de France et de la Caisse des consignations?

III.

Les assemblées pourraient avoir là un intéressant sujet d'étude. Nous ne faisons que l'indiquer, et nous arrivons, pour l'examiner à son tour avec plus de détail, à la seconde des mesures préconisées par la circulaire. Ici, nous assure-t-on, les divergences ont été plus profondes, parce que les difficultés à résoudre sont infiniment plus nombreuses. Est-il en effet utile de constituer dans toutes les études la tenue d'une comptabilité véritable? Dans quelle forme faudrait-il organiser cette comptabilité? Les règles à établir doivent-elles être uniformes et s'appliquer aussi bien aux études les plus occupées qu'à celles qui le sont le moins? Telles sont les questions que la circulaire soulève, questions délicates, car elles embrassent des situations trèsdiverses et peuvent conduire à la modification d'habitudes rises et que l'expérience personnelle protége. Cependant, nous n'hésitons pas à le dire, et tout en faisant remarquer que la comptabilité notariale n'a été, jusqu'ici, prescrite par aucun texte (ce que la circulaire omet de mentionner), nous estimors que l'intérêt du notariat serait que partout elle devint obligatoire et qu'elle fût établie d'une façon uniforme. C'est l'opinion que nous avons en-. seignée au Dictionnaire du notariat, aux mots Comptabilité et Registres de comptabilité. Mais, nous devons le reconnaître, bien peu de règlements encore ont suivi sur ce point l'exemple qui leur a été donné par certaines compagnies Bar-sur-Aube, art. 25, Charleville, art. 11, Dunkerque, art. 11, Lure, art. 10, Soissons, art. 28, Tarbes, art. 28, etc. (V. Art. 12912 J. N.).

L'utilité qu'il peut y avoir à établir dans les études une comptabilité régulière n'est cependant guère discutable. Les notaires ne sont pas à coup sûr assimilables aux commerçants, qui, avant de s'engager dans de nouvelles opérations, doivent toujours consulter les ressources que leur laissent leurs opé rations antérieures. Mais ils sont dépositaires, mandataires, ils avancent pour les parties des droits d'enregistrement souvent considérables; ils sont astreints en outre à un grand nombre de frais généraux. Dans l'intérêt de leur responsabilité, leur comptabilité doit donc être constamment à jour. Il importe aux notaires, s'ils ne veulent pas que leurs recettes et leurs dépenses, leurs pertes et leurs bénéfices, se mêlent, dans leur étude, et n'y existent qu'à l'état d'éléments confus, qu'ils puissent les

dégager nettement, de façon à connaître jour par jour leur doit et leur avoir. Sans doute, si les notaires pouvaient se borner uniquement à authentiquer les conventions des parties, ils ne seraient pas tenus, à la rigueur, d'avoir d'autres livres que leur répertoire. Mais, dans une multitude de cas, ils ne peuvent décliner l'obligation de pourvoir à l'exécution des contrats qu'ils

ont reçus.

Il est donc nécessaire qu'ils aient des livres. Le Comité des notaires des départements, qui reconnaît l'excellence du principe, va même plus loin que la circulaire. Il va jusqu'à demander la création de registres pour les dépôts. Nous avons, nousmêmes, conseillé cette mesure (V. Dict. Not., ubi suprà), à la condition qu'elle serait soumise à de sérieuses garanties dans l'intérêt du secret professionnel. Mais si l'utilité qu'il peut y avoir à établir dans chaque étude une comptabilité régulière n'est guère contestée, on peut différer sur la façon dont ces registres doivent être tenus.

Au premier abord, il semble qu'il est impossible que le nombre de ces registres, leur objet, la forme à leur donner, ne varient pas. Aussi est-ce surtout sur ce point qu'il importerait, avant d'arrêter quoi que ce soit, de faire une large part à l'expérience des praticiens. Toutefois, nous sommes convaincus que, quelles que puissent être les différences existantes, même entre les études de chaque arrondissement, une enquête sur ce point, si elle était ouverte, mettrait en lumière un certain nombre de faits, partout les mêmes, et qui seraient susceptibles de devenir la base d'un règlement uniforme.

Le Dict. du Not., v° Registres de comptabilitě, ramène à trois le nombre des livres qui doivent être tenus dans les études pour la comptabilité proprement dite, à savoir : le livre-journal, le livre d'étude, le grand-livre. Un auteur qui a traité plus spécialement ces matières, M. H. Oudin, ancien principal clerc à Paris (V. Comptabilité des notaires, suivie de la comptabilité pour le service des intérêts et revenus, Paris, 1860)(1), en adoptant cette classification, la simplifie même encore. Il démontre que ces trois livres peuvent être réduits à deux, un grand livre et un livre-journal, et il prouve, selon nous, d'une façon évidente, que le notaire peut les établir de manière à savoir à

(4) Voir aussi Normant, Nouvelle méthode de comptabilité notariale, ouvrage récent, annoncé par notre journal.

tout instant sa situation : 1° sur le compte de sa caisse personnelle (avances de timbre et d'enregistrement); 2° sur le compte de divers ou compte de recouvrements; 3° sur son compte d'honoraires; 4° sur son compte de frais généraux; 5° sur son compte de profits et pertes; 6° sur son compte de capital. Tels sont bien, en effet, les éléments divers que doit embrasser la comptabilité proprement dite du notaire. Pour les grouper sur ses livres, le notaire doit subdiviser perpendiculairement chacun d'eux en autant de colonnes qu'il y a de comptes à y ouvrir. Chaque colonne sera subdivisée à son tour en une colonne de crédit et une colonne de débit, car il ne doit pas y avoir, dans une comptabilité bien tenue, de débit sans crédit. Puis, après avoir partagé horizontalement chaque feuillet en autant de cases numérotées les unes an-dessous des autres pour chaque affaire, on verra alors aisément comment se totaliseront les résultats et s'arrêtera la balance. Des livres ainsi libellés, et qu'on peut compléter par un casier de fiches servant de table alphabétique au grand-livre et de livre d'adresses, contiennent tous les comptes qui peuvent s'ouvrir dans une étude, et embrassent toute la comptabilité proprement dite résultant de la passation des

actes.

Il est bon que l'exécution des actes ait aussi sa comptabilité. Cette comptabilité comporte un registre pour les dépôts, un autre pour le service des intérêts des capitaux placés ou des prix de vente et d'adjudication, et enfin un grand-livre pour établir la situation de chacun, en reportant au nom de chaque client les intérêts reçus et payés pour lui. Ces livres sont nécessairement indépendants d'un certain nombre d'autres, qui intéressent à des degrés divers la responsabilité du notaire, par exemple : un registre pour renouveler les inscriptions, un carnet d'enregistrement, un registre pour le classement des cotes d'inventaire et généralement de tous les titres apportés dans l'étude, lequel doit être disposé de façon à recevoir les décharges de pièces, un registre pour les déclarations de successions, un registre pour les certificats de propriété, une table des créances hypothécaires, avec leurs époques d'exigibilité, enfin un réper

toire.

Les éléments de comptabilité et de gestion que ces registres ont pour objet se retrouvent dans toutes les études. Les règlements peuvent donc se proposer de les coordonner, et y parvenir par des procédés identiques; on atteindrait ainsi l'unifica tion.

Doit on désirer que cette unification se réalise ? Quelles que soient les préventions contraires, nous serions très-disposés à admettre l'affirmative. L'unification aurait mille avantages. Elle seule peut protéger le notariat contre l'esprit d'innovation qui, pour un tel objet, tant qu'on laissera quelque chose à faire, peut suggérer mille tracasseries. D'autre part, elle seule peut procurer la stabilité dans une matière où elle est tellement désirable, au point de vue même du but d'ordre qu'on poursuit. Des règles générales et uniformes, si elles étaient consacrées, auraient enfin cet avantage que chacun pourrait, en fort peu de temps, être initié à la connaissance exacte de l'état des affaires de chaque étude. On n'aurait aucune peine, dans les cas où la communication des livres peut être exigée, à lire dans la comptabilité du notaire; de même, les clercs appelés souvent d'un arrondissement à l'autre, pour y traiter ou y achever leur stage, seraient partout aptes à se servir de la comptabilité de l'étude ou à la continuer.

Mais nous avons, pour conseiller l'uniformité en ces matières, un motif plus grave, parce qu'il nous paraît reposer sur une considération juridique. Il y a des faits qui, par essence, échappent aux règlements particuliers et appartiennent au règlement général. Selon nous, la comptabilité notariale est de cette catégorie. Si les notaires ne devaient la tenir que dans leur intérêt particulier, on concevrait que la loi n'eût pas à s'en occuper. Le règlement intérieur pourrait même s'en désintéresser. Mais il importe, au contraire, aux parties, aux corporations, que certaines garanties soient prises à cet égard. La loi et le règlement intérieur ne doivent-ils pas pourvoir à ces garanties? Or, la démonstration naît ici d'elle-même. Nous convenons que le plus souvent, la confiance qu'inspire le notaire est telle qu'on s'en rapporte aveuglément à sa parole; n'est-il pas préférable cependant que la situation de chacun des clients dans l'étude soit constatée régulièrement dans les livres, ne fût-ce que pour le cas où l'étude vient à changer de mains? Une comptabilité bien tenue n'est-elle pas aussi, lorsque vient le moment de traiter, ce qui peut le mieux relever auprès du gouvernement la valeur de l'office? Les difficultés de toute sorte que peut entraîner l'absence de livres, sans parler même des désastres qui peuvent s'en suivre, n'ont-elles pas mille résultats plus redoutables pour les parties dont les intérêts se débattent alors en justice, pour la corporation toute entière dont la considération et le crédit peuvent être atteints? N'y eût-il, par exemple, que l'intérêt du

secret professionnel pour éviter ces compulsoires auxquels conduisent fatalement certains procès, ou que l'intérêt de la solidarité professionnelle pour engager les compagnies à user de prévoyance, qu'il serait à désirer que quelques dispositions législatives fussent votées à ce sujet, sauf aux règlements inté rieurs à organiser le détail de leur exécution.

Aussi, nous allons faire ici un singulier reproche à la circulaire du 19 octobre. Nous, qui nous sommes si souvent montrés les adversaires des ingérences administratives, nous serions presque tentés de dire que la circulaire a péché ici par excès de réserve, en ne demandant pas sur ce point d'une façon positive aux assemblées de préparer par les règlements l'intervention du législateur. Ce qu'il faut désirer, en effet, c'est que chaque règlement particulier statue selon certains principes qui seraient posés par une loi ou même simplement par un décret; et ce qui ressort pour nous de la réserve gardée par la Chancellerie, c'est qu'avant de provoquer l'intervention législative, eile a voulu la préparer en ouvrant sur tous ces points si intéressants une sorte de débat préalable dans le notariat.

La pensée qui est au fond de la circulaire, nous en sommes convaincus, c'est qu'une enquête sur ces matières soit ouverte auprès de ceux qui peuvent éclairer le mieux le gouvernement de leurs conseils, c'est-à-dire auprès des notaires eux-mêmes, qui, voués par état à la défense des intérêts des parties, seront les premiers à signaler les progrès à réaliser.

Cette enquête, nous l'appelons de tous nos vœux, et nous souhaitons qu'elle soit préparée par un de ces comités que la dernière administration de la justice avait eu la pensée d'instituer, pour l'élaboration de certaines lois importantes, notamment de la loi municipale.

Aussi bien y a-t-il dans le notariat des noms que tout le monde prononce et qui permettraient de former rapidement un comité chargé de cette mission. Sans en désigner aucun, en adjoignant aux hommes que le suffrage des assemblées n'aurait pas de peine à trouver, quelques présidents de compagnie et quelques membres de ce Comité des notaires des départements qui réunit tant de personnalités distinguées, on s'entourerait à coup sûr de toutes les garanties de science et d'expérience pratique que peut offrir le notariat.

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