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navire constitue le matériel d'exploitation; sous ce rapport encore, il tombe sous l'application de la loi;

Attendu que ces conclusions étant repoussées par Lauriol, il y a lieu de les examiner et de statuer;

Attendu qu'il importe tout d'abord de constater les modifications qui se sont produites dans la législation. Sous le régime de la loi du 22 frim. an 7, les ventes de navires, à défaut de tarif spécial, étaient, comme les autres ventes de meubles, assujetties au droit proportionnel de 2 p. 100; on leur appliquait les art. 4 et 69, § 5, no 1; postérieurement, afin de favoriser la construction nationale, cette taxe fut convertie en un droit fixe de 1 fr., par l'art. 64 de la loi de 1818, et élevée à 2 fr. par la loi du 3 mai 1850. Du reste, les transmissions qui s'opéraient à l'étranger, comme généralement toutes les mutations de meubles, n'étaient pas, en principe, passibles de l'impôt, et la déclaration pour obtenir la francisation ou l'immatricule ne donnait pas ouverture à la perception; les art. 23 de la loi de frimaire et 58 de la loi de 1816 n'étaient donc pas appliqués;

Attendu que l'art. 5, § 2, de la loi du 28 fév. 1872, revenant aux dispositions de la loi de frimaire, rétablit le droit proportionnel de 2p. 100, puis, innovant, déclara que le droit serait perçu soit sur l'acte ou le procès-verbal de vente, soit sur la déclaration faite pour obtenir la francisation ou l'immatricule au nom du nouveau possesseur;

Attendu que si on porte l'examen sur le seul document qui a précédé le vote de cette loi, on constate que le législateur a eu pour but, tout d'abord, à créer de nouvelles ressources au Trésor, puis de rétablir l'égalité entre les transmissions intervenues en France et celles faites à l'étranger; que cependant, dominé sans doute par la pensée qu'il allait porter atteinte à un principe incontesté, il n'a voulu y faire échec qu'avec une extrême réserve, en respectant d'ailleurs cet autre principe qui veut que l'impôt soit la conséquence de la protection accordée aux nationaux; qu'aussi il a pris soin de spécifier le cas où la perception pourrait se produire. Au contraire, comment procède-t-il quand il s'occupe des ventes de meubles et de matériel? Quelle antithèse entre le texte de l'art. 5, § 2, et des art, 8 et 9! Qu'en conclure? qu'il est expressément interdit de leur donner de l'extension, et l'on irait contre le vœu du législateur en créant en même temps une lourde charge à l'industrie nationale de la construction, déjà si peu florissante, si l'on agissait autrement;

Attendu que le texte de l'art. 5, § 2, de la loi du 28 fév. 1872 est précis, qu'il ne prête à aucune ambiguïté; que les lois fiscales, comme les lois pénales, doivent être strictement interprétées; qu'il est dès lors impossible d'admettre que la vente d'un bâtiment français à · l'étranger, à un étranger qui ne demande ni la francisation ni l'immatricule, puisse donner lieu à la perception de la taxe; que l'on

doit également repousser ces autres prétentions qui autoriseraient la Régie à rechercher, par tous les moyens, cette sorte de transaction; que cette faculté ne lui ayant été donnée que pour les cessions de fonds de commerce et de matériel, il lui est interdit de se livrer à de telles investigations quand il s'agit de ventes de navires;

Attendu, à la vérité, que l'Administration allègue que les navires étant meubles par leur nature, ils tombent en cette qualité sous l'application des art. 7, 8 et 9 de la loi de 1872; qu'une telle interprétation doit encore être repoussée. En effet, l'Aministration ellemême, dans son mémoire du 30 janvier, prend le soin, dans l'intérêt de son argumentation, de distinguer et de faire remarquer que les navires sont des meubles d'une nature toute particulière, régis par des lois qui leur sont propres. Admettant cette distinction, on ne peut, sans tomber dans l'arbitraire, leur appliquer des dispositions qui ne les concernent pas spécialement, notamment lesdits art. 7, 8 et 9 susvisés ;

Attendu, d'autre part, qu'il est constant que le capitaine Gaucher, pour se conformer aux règlements, a prévenu soit verbalement, soit par écrit (ce n'est pas élucidé), le consul français à Londres de la vente du Couronnement à un Anglais; que ce seul fait, passé en Angleterre, ne peut le rendre responsable de ceux qui en ont été la conséquence; qu'il ne doit donc pas être considéré comme ayant fait usage en France d'un acte passé en pays étranger, dans le sens des art. 23 de la loi de frimaire et 58 de la loi du 28 avr. 1816; qu'une autre solution conduirait à cette conclusion que, sous le régime de la loi de frimaire, les mutations de navires opérées à l'étranger pouvaient bien plus légitimement encore être atteintes par lesdits articles, lorsque les nationaux venaient réclamer la francisation ou l'immatricule, ce qui est d'ailleurs contesté par l'Administra

tion;

Attendu, enfin, que si, en certains cas, en vertu d'une fiction du droit des gens, le pont du vaisseau est considéré comme la continuation du sol français, cette fiction ne doit pas franchir le domaine du droit international et servir d'argument pour arriver à l'application des lois fiscales;

Par ces motifs, etc.

Aux mots Navire, n° 63; Vente de navires, no 12, du DICT. Nor. 4 édit.); annotez: V. Art. 21644 J. N.

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La revente à la folle enchère de l'adjudicataire, au cas de nonpayement du prix, ne peut être valablement stipulée dans le cahier de charges d'une adjudication d'immeubles purement volontaire. C. proc. civ. 733, 735, 742, 743.

Voici le texte du jugement, que nous faisons suivre de nos observations.

Le Tribunal; ... Sur la demande en jonction: : - Attendu que les époux T... ont, le 31 mars 1877, engagé une procédure de folle enchère, contre laquelle C... a formé opposition; - Que, le 12 avril suivant, ils ont intenté contre ledit C... une demande en résolution de vente avec dommages-intérêts;

Attendu qu'ils sollicitent la jonction des deux instances, à raison de leur connexité; - Que C...s'oppose formellement à ladite jonction; Attendu, à cet égard, que la demande en résolution, qui a été introduite par action principale, est présentée aujourd'hui par les époux T... sous la forme d'une demande subsidiaire; - Que C... n'a été touché avant l'audience, ni par voie d'assignation, ni par des conclusions d'aucune demande en jonction ;

Attendu, d'ailleurs, que les deux actions ont un objet tout à fait distinct et qu'elles sont de nature à entraîner des conséquences différentes, puisque, sur l'action en résolution, le défendeur pourrait obtenir des juges un délai pour se libérer, délai que ne comporte pas la procédure de folle enchère; - Qu'il n'y a donc pas lieu de s'arêter à la jonction sollicitée;

-

Sur la poursuite de folle enchère:- Attendu que, le 5 décembre 1875, par adjudication reçue par Mo D..., notaire à Nancy, les conjoints T... ont vendu à C... divers immeubles, pour un prix de 3393 fr. 30 c.; Que la fraction échue du prix n'ayant pas été été payée en temps utile, un commandement a été signifié, le 27 mars 1877, à l'acquéreur, avec déclaration qu'à défaut de payement, il serait poursuivi par voie de folle enchère, en vertu de la clause 10° du cahier des charges de l'adjudication, laquelle clause est ainsi conçue: Faute par un adjudicataire de payer son prix dans les termes et » de la manière ci-dessus fixés, l'immeuble pourra être revendu sur » folle enchère et dans la forme prescrite par la loi ; »

Attendu que C... demande que cette clause soit déclarée nulle et de nul effet, comme contraire aux articles 742 et 743 C. proc. civ.;

Attendu, sur ce point, qu'il est incontestable que la folle enchère n'a lieu que dans les ventes faites aux enchères publiques, et qu'elle ne saurait se rencontrer dans les ventes faites de gré à gré; que le vendeur de gré à gré, lorsqu'il n'est pas payé de son prix n'a que l'action en résolution de la vente ou encore le droit de saisir immobilièrement;

Attendu qu'il ne saurait exister le moindre doute sur cette question; qu'en effet, lors de la discussion de la loi du 24 mai 1858, la commission du Corps législatif avait proposé,par voie d'amendement, l'extension aux ventes volontaires de la mesure de la folle enchère, rapide, peu coûteuse, affranchie du droit proportionnel de mutation (si ce n'est pour l'excédant du prix de la revente sur celui de de la première adjudication); mais que l'amendement rédigé en ce sens n'a pas été accueilli par le conseil d'État (Rapport de M. Riché, député, no 36 bis);

Attendu que l'art. 733 C. proc. s'applique sans nul doute, et de plein droit, aux ventes faites aux enchères, soit devant les notaires commis par justice, soit à la barre des tribunaux;

Attendu qu'avant la loi de 1858, la doctrine et la jurisprudence inclinaient à admettre la validité de la clause de folle enchère, quand elle avait été contractuellement insérée dans le cahier des charges d'une adjudication publique purement volontaire, d'une vente faite aux enchères par-devant notaire; - Qu'un arrêt de la Cour de Bordeaux, du 8 mai 1848, a même jugé valable la clause d'un cahier des charges entre colicitants majeurs, qui stipulait que la folle enchère serait poursuivie devant un notaire désigné;- Qu'on voyait dans la clause de folle enchère un simple règlement particulier du mode d'exercice de l'action résolutoire qui appartient à tout vendeur non payé;

Attendu que, depuis la loi du 24 mai 1858, cette théorie ne pourrait être admise que bien difficilement; - Qu'en effet, aux termes de l'art. 740 C. proc. civ., le fol enchérisseur était tenu par corps du payement de la différence de son prix et de celui de la revente sur folle enchère; que, d'un autre côté, l'art. 2063 défendait aux notaires de recevoir des actes dans lesquels la contrainte par corps serait stipulée hors les cas déterminés par la loi; que, par suite, en admettant la validité de la clause de folle enchère dans les adjudications publiques et purement volontaires, passées devant notaires, on arrivait indirectement et par une voie détournée à introduire la contrainte par corps comme moyen d'exécution pour obtenir le payement du prix de vente, alors qu'il certain que, dans la vente volontaire aux enchères publiques, l'art. 2063 susvisé ne permettait pas de stipuler directement et ouvertement un pareil moyen d'exécution contre le fol enchérisseur;

Attendu, à la vérité, que ce motif n'existe plus aujourd'hui, l'article 4 de la loi du 22 juillet 1867 ayant aboli la contrainte par

corps en matière civile; mais qu'il est celui qui a principalement déterminé le conseil d'État à repousser l'amendement proposé par la commission du Corps législatif, en vue d'assimiler au fol enchérisseur l'acquéreur sur vente ordinaire qui ne remplit pas ses engagements; Qu'un autre motif, tiré de l'art. 733 C. proc. civ., a encore déterminé le rejet par conseil d'Etat de l'amendemeut dont il s'agit (Duvergier, sur la loi de 1858, p. 162, note 1); - Qu'on ne peut donc admettre que les parties puissent licitement stipuler par une convention particulière, dans une vente volontaire et publique devant notaire, une mesure que la loi repousse comme dangereuse dans les ventes ordinaires de gré à gré; Qu'il est bien certain que tel était le sentiment du législateur de 1858; Attendu, d'un autre côté, que la vente crée, en définitive, des droits personnels, c'est-à-dire des obligations; que l'acquéreur est débiteur du prix dont le vendeur devient créancier, de telle sorte que la prohibition, portée en l'article 742 du Code de procédure civile, contre l'introduction, dans les actes obligatoires de la clause d'exécution par voie parée, peut s'appliquer tout naturellement et sans effort à la vente par adjudication publique et volontaire devant notaire, puisqu'il s'agit des rapports entre le créancier et le débiteur d'une obligation;

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Attendu que tout ce qui concerne les voies d'exécution intéresse à un haut degré l'ordre public; — Qu'enfin, le doute devant toujours tourner au profit du débiteur, il convient de ne pas autoriser contre lui, en l'absence d'un texte formel, une troisième voie d'exécution, alors qu'il peut déjà être recherché soit par l'action en résolution de la vente, soit par la saisie immobilière;

Sur la demande en 2,000 francs de dommages-intérêts. - Attendu que la condamnation des époux T... aux dépens sera une réparation suffisante du préjudice que C... a pu subir;

Par ces motifs: Jugeant en matière ordinaire et en premier ressort, sans s'arrêter à la demande en jonction des instances, demande qui est rejetée; statuant sur l'instance inscrite sous le no 231 (poursuite de folle enchère), reçoit C... opposant au commandement du 31 mars 1877 et aux poursuites exercées en exécution dudit commandement; ce fait, déclare nulle et de nuleffet, au regard dudit C..., la clause 10 du cahier des charges de l'adjudication du 5 décembre 1875; dit que la voie de folle enchère réglée par l'art. 733 C. proc. civ. ne peut être employée contre lui par les époux T...; -En conséquence, annule les poursuites commencées et dit que l'adjudication sur folle enchère annoncée pour le 23 avril 1877 n'aura pas lieu Condamne les époux T... à tous les dépens pour dommages-intérêts.

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OBSERVATIONS.

Le jugement qui précède est contraire à la doctrine enseignée au Dict. Not.. v° Adjudication, no 19, et

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