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Primat de la Confédération du Rhin, et le cardinal Fesch, étaient dans le cabinet de Napoléon. Tout-à-coup Joséphine adressant la parole à Pie VII, lui dit : « Très-Saint-Père, j'ai « épousé l'Empereur pendant la révolution; << notre mariage a été béni par un prêtre jureur; « je prie Votre Sainteté de me dire s'il est << valable? >>

<< Le saint Concile de Trente, répondit le << Souverain Pontife, ordonne, à la vérité, la « présence du véritable pasteur; mais dans les << temps difficiles dont il est ici question, V. M. <<< ne pouvait pas, sans doute, s'adresser à lui. <<< Elle n'a pas choisi un prêtre jureur de prédi<«<lection; Elle a pris le premier, le seul ecclé«siastique qu'Elle a trouvé. Je pense donc que « nécessité fait loi, et qu'Elle est bien légitime<< ment mariée. En s'adressant à un prêtre de la << Sainte Eglise, Vos Majestés ont fait pour ce << temps-là tout ce qu'Elles pouvaient et de

<< vaient. >>

«Si V. S., reprit Joséphine, avait le moindre << doute sur la validité du sacrement, je la prie<< rais de nous donner, pour l'acquit de ma << conscience, la bénédiction nuptiale. »

<< Cela est inutile, repartit le Pape; le prêtre

«<< seur,

«jureur qui vous a bénis était, il est vrai, sus«< pendu de ses fonctions par notre prédécesmais seulement pour les cas ordinai«res, et non pour ceux de nécessité urgente. « D'ailleurs, l'Eglise, lorsqu'elle réconcilie et << reprend dans son sein deux époux hétéro<< doxes, n'exige pas que l'on bénisse une se<< conde fois leur mariage; elle regarde comme << valable et légitime l'union contractée selon << le rit de la secte que l'on abandonne. Ainsi, << vous êtes dans une position encore plus favo<< rable; car le prêtre qui a béni votre mariage « avait du moins le sacrement de l'Ordre, et << pouvait exercer le saint ministère dans tous « les cas de nécessité extrême. Vous eussiez << été tous les trois mis à mort, si on avait dé<<couvert la cérémonie religieuse. Je pense << donc que V. M. doit être pleinement ras

<< surée. »>

« V. S., dit Joséphine, sera seule chargée, << aux yeux de Dieu, du péché, si toutefois il y « en a; car je veux faire tout ce qui est en mon << pouvoir, pour légitimer et valider ce qui au<< rait besoin de l'être. »

Ici le Pape réfléchit un moment, et répliqua: «Au surplus, pour plus grande sûreté,

je vous ferai donner une bénédiction condi<«<tionnelle, comme il est d'usage pour les bap<< têmes, lorsqu'on ignore ou que l'on doute << s'il y a eu un baptême antécédent. >>

Napoléon interrompit ici S. S. : « Quant à « moi, dit-il, je ne consentirai jamais à une << seconde bénédiction. Ce serait avouer aux << yeux de l'Europe que j'ai vécu jusqu'à ce << jour en concubinage avec l'Impératrice. Un soupçon lui serait injurieux : je l'aime, je << la respecte trop pour y donner lieu. >>

<< tel

Le Pape répondit avec humeur : «< Rien n'est « plus difficile que de vous satisfaire; je vais « vous dispenser des témoins et de toute autre « formalité prescrite par le saint Concile de << Trente. Le cardinal Fesch, grand-aumônier << de la cour, va sur-le-champ et sans témoins << vous donner conditionnellement la bénédic<< tion nuptiale. »

«

Personne n'insistant plus, Buonaparte, Joséphine et le cardinal Fesch passèrent dans la chapelle, où, la cérémonie faite, ils revinrent rejoindre le Pape et le Prince Primat qui étaient restés dans le cabinet de Napoléon. Il n'a pas été expédié de bulle; le cardinal Fesch a reçu verbalement les dispenses de S. S. Il n'a pas

été dressé d'acte (comme on l'a faussement prétendu) de cette cérémonie. Ni Berthier, ni Caulaincourt, ni personne n'y a assisté. Le cardinal Fesch, à son retour, rendit compte au Pape de la ponctuelle exécution des ordres de S. S.; et comme la colombe, en s'abattant sur l'herbe, ignore l'existence des serpens, de même le cœur droit et pur du Souverain Pontife, ne soupçonnant pas dans les autres la trahison et le parjure, procéda le lendemain, sans difficulté, au couronnement et au sacre des deux époux.

Mais le mariage, d'après les principes de Buonaparte, n'étant pour les grands souverains qu'une union de convenance, qui ne les lie qu'autant qu'elle s'accorde avec la raison d'État, le mariage qu'il avait contracté en 1794, avec Joséphine Tascher de la Pagerie, veuve Beauharnais, ne paraissait plus devoir subsister en 1809. A la première époque, ce mariage était pour lui très-avantageux; la femme qu'il avait épousée était, selon les propres expressions que très-souvent il a répétées, comme un point de contact entre l'ancien et le nouveau régime. Elle appartenait à l'ancien par sa naissance et par ses alliances, et au nouveau, par le rôle

que son premier mari et ses amans avaient joué dans la révolution. Mais lorsque Buonaparte

se fut mis au rang des souverains, la même raison politique lui suggéra de prendre aussi une épouse qui lui servît de point de contact avec eux, et dès-lors, il résolut de répudier Joséphine et de faire prononcer la nullité de son mariage avec elle.

L'exécution légale de ce projet semblait cependant devoir éprouver de grandes difficultés: 1° L'art. 277 du Code civil ne permettait pas d'admettre, pour le divorce, le consentement mutuel des parties, quand la femme avait atteint l'âge de quarante-cinq ans. 2° Un décret du 30 mars 1806 avait formellement déclaré les membres de la soi-disant famille impériale étaient exclus du droit d'invoquer l'acte constitutionnel qui permettait le divorce aux simples citoyens. Ce décret était ainsi conçu : « Le divorce est interdit aux membres de la << maison impériale de tout sexe et de tout âge... <<< Ils pourront cependant demander la sépara<< tion de corps. >>

que

Ainsi il ne subsistait civilement, comme on voit, aucun moyen de faire prononcer le divorce. Joséphine avait d'ailleurs, en présence

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