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naquit à Ajaccio, en Corse, le 15 août 1769 (1).

« je veux qu'il existe un grand vide dans l'histoire « depuis le moment de ma naissance jusqu'à celui de « mon élévation. Je veux que vous représentiez la ré«volution française comme le chaos qui a précédé «ma création. Les hommes, les choses, rien ne doit «offrir des formes positives pendant cette confusion « des élémens sociaux. Je ne veux pas que l'histoire « recueille un seul des noms de cette époque ; le mien « seul doit en sortir : c'est comme la foudre qui, née « du choc des nuages, les disperse ensuite par un « bruit formidable, par ses terribles explosions, pour << rendre aux humains un ciel serein et un air élas<«<tique. Quelques traits lumineux, tels que mes jour«nées les plus fameuses, s'éleveront, de temps en << temps, comme de brillans météores, sur cette mer « de sang et de larmes; mais ces fanaux historiques ne « seront vus qu'à de grandes distances, et ils n'indi« queront des événemens, que ce qui servira à prouver « que j'étais né pour régner sur les humains, pour changer la face du monde. »

Tout ce discours est d'une vérité inattaquable au fond on y reconnaît l'entassement d'idées, l'orgueil démesuré, tranchant, du personnage; il n'y a qu'une omission involontaire, celle des expressions incor rectes et des tournures étranges du jargon de Buonaparte, qui n'ont pas été aussi bien saisies, dans la volu bilité du débit, que le caractère intellectuel et moral. (1) M. Salgues veut que Napoléon soit né le 5 fé

Son père était assesseur, d'autres disent gref→ fier du tribunal d'Ajaccio (1). Sa mère, Lœtitia Ramonili, acheta, dit-on, la protection du marquis de Marbœuf, qui, en 1777, fit recevoir Napoléon à l'Ecole Royale et Militaire de Brienne, d'où, sept ans après, il passa à celle de Paris. Il fut nommé, en 1785, lieutenant

vrier 1768, et non le 15 août 1769. Il prétend que Napoléon avait retardé l'époque de sa naissance, pour pouvoir dire qu'il était né Français; car la Corse n'a été conquise qu'en 1769. M. Salgues së fonde encore sur l'extrait baptistère produit par Buonaparte, en 1794, lors de son mariage avec Joséphine Tascher de la Pagerie, veuve Beauharnais, et dont il est fait mention dans le contrat passé à cette occasion devant Raguideau, notaire à Paris. Mais M. Salgues paraît avoir ignoré que Buonaparte, pour háter son mariage, n'eut pas la patience d'attendre son véritab e extrait baptistère, qu'il faisait venir d'Ajaccio, et qu'il se servit de celui de son frère Joseph, né dix-sept mois avant lui. Les registres de l'Ecole Royale et Militaire donnent le 15 août 1769, pour la date de la naissance de Napoléon, et il faut y croire; on n'avait pas alors intérêt à tromper.

(1) M. le vicomte de Châteaubriand est le premier qui ait écrit que Buonaparte était fils d'un huissier. On a vérifié que c'était le grand-père, et non le père de Napoléon qui avait effectivement exercé cet emploi.

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en second au corps royal de l'artillerie, régiment de La Fère (1). A la révolution, la plupart des officiers de ce régiment ayant émigré, son ancienneté le porta au grade de capitaine. Il servait encore dans ce grade le 26 frimaire an II (1794), lors du siége de Toulon. Ce fut à l'attaque du fort Pharaon que Barras le remarqua. Celui-ci voulait faire changer une batterie de place; Buonaparte lui répondit : « Elle « restera là, et je réponds du succès sur ma << tête. » La batterie resta, et le fort Pharaon, fut pris. Barras nomma Napoléon général de brigade, et le Comité de Salut Public donna à celui-ci l'inspection des côtes de la Médi

terranée.

A la mort de Roberspierre, on trouva parmi

(1) Buonaparte n'a pu être, comme le disent quelques notices, sous-lieutenant d'artillerie. Le corps royal n'a jamais connu ce grade. On n'y comptait que des lieutenans en premier, en second et en troisième: ceux-ci étaient des bas-officiers, à qui on voulait donner le rang d'officiers. N'ayant pas reçu l'instruction nécessaire pour monter au grade de lieutenant en second, et successivement de lieutenant en premier et de capitaine, ce grade de lieutenant en troisième était le terme de leur avancement.

les papiers de ce monstre plusieurs lettres de Buonaparte qui l'excitaient à faire des coups d'Etat, à guillotiner la moitié de la Convention, à brûler les faubourgs de Marseille, et à exterminer tous les habitans des villes rebelles. Le représentant du peuple Beffroi le fit arrêter à Nice, et Aubry, ancien capitaine d'artillerie, étant à la tête du nouveau Comité de Salut Public, le destitua, et voulut le faire déporter à Cayenne, avec Billaud-Varennes et Collotd'Herbois (1).

Privé alors de tous moyens d'existence, manquant de tout, Buonaparte se rendit à Paris, pour y implorer la pitié de Barras, son unique protecteur. Celui-ci vivait publiquement avec Joséphine Tascher de la Pagerie, veuve du vicomte de Beauharnais. Voulant se défaire d'elle, Barras jeta les yeux sur Buonaparte, qui, réduit au dernier degré de misère, et peu délicat sur les moyens qui pouvaient lui offrir

(1) Buonaparte, devenu premier consul, se vengea cruellement. Aubry avait été déporté le 18 fructidor; le Corse rappela de Cayenne tous les compagnons d'infortune d'Aubry, à l'exception de celui-ci, qui mourut en exil.

quelque ressource, n'était pas homme à refuser. Le marché fut donc aussitôt conclu que proposé, et la maîtresse de Barras devint l'épouse du Corse. Les motifs qui engagèrent le premier à faire conclure ce mariage, semblent nous garantir que toutes les formalités qui devaient alors en assurer la durée furent scrupuleusement remplies. Depuis la restauration des journaux ont annoncé, sans jamais avoir été contredits, que l'acte en forme existe dans les notes de M° Raguideau, notaire à Paris. Quoi qu'il en soit, on ne peut douter que ce mariage n'ait eu cette notoriété publique qui suffisait le faire considérer comme constant et pour véritable, et qui, d'après la jurisprudence que tous les Parlemens du royaume avaient adoptée et suivie jusqu'en 1788, `par rapport aux mariages que les Protestans contractaient, suffisait aussi pour le faire regarder comme légitime, et pour lui donner tous les effets civils.

Lorsque le pape Pie VII vint en France pour sacrer le nouvel Empereur, il se passa, la veille du couronnement, une scène, dont un témoin de très-haut rang nous a transmis les détails que voici :

Le Pape, Buonaparte, Josephine, le Prince

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