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Dans le dernier siècle, les guerres que la France eut à soutenir firent sentir combien la marine marchande était nécessaire pour alimenter la marine royale, et pour rétablir les forces de l'Etat. Louis XIII, par l'ordonnance de 1629, art. 452, invite tous ses sujets, de quelque qualité et condition qu'ils soient, de s'adonner au commerce et trafic par mer. Nous ordonnons, ajoute-t-il, que tous gentilshommes qui, par eux ou par personnes

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› interposées, entreront en part et société dans les vaisseaux, denrées et marchandises d'iceux, ne dérogeront point à la noblesse, sans toutefois pouvoir vendre en détail. ›

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Par l'édit du mois de mai 1664, une compagnie des Indes occidentales fut établie. L'art. 2 porte que cette compagnie sera composée de tous ceux› des sujets de Sa Majesté qui voudront y entrer, de quelque qualité et condition qu'ils soient, sans que pour cela ils dérogent à leurs noblesse et priviléges.

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Par un autre édit du mois d'août de la même année, une compagnie pour le commerce des Indes orientales fut établie. L'art. 1 porte qu'elle scra > formée de tous les sujets de Sa Majesté qui voudront y entrer, sans que pour ce ils dérogent à leurs noblesse et priviléges. »

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L'édit du mois d'août 1669 veut que tous gentilshommes puissent, par eux » ou par personnes interposées, entrer en société et prendre part dans les vais» seaux marchands, denrées et marchandises d'iceux, sans que pour raison de ce, ›ils soient censés et réputés déroger à la noblesse, pourvu toutefois qu'ils › ne vendent point en détail..

L'Ordonnance de 1681, art. 1, permet à tous les sujets de Sa Majesté « de quelque condition qu'ils soient, de faire construire ou acheter des navires, » les équiper pour eux, les fréter à d'autres, et faire le commerce de la mer » par eux ou par personnes interposées, sans que pour raison de ce, les gen› tilshommes soient réputés faire acte dérogeant à la noblesse, pourvu toute> fois qu'ils ne vendent point en détail. »

L'édit du mois de mai 1686, qui créa une compagnie pour les assurances et les grosses aventures en la ville de Paris, dit en l'art. 18, que ceux qui entreront dans ladite société et commerce ne dérogent point à la noblesse.

Par les édits et ordonnances que je viens de rappeler, le commerce maritime était permis aux gentilshommes; mais l'ancien droit semblait subsister à l'égard du commerce de terre.

Pour franchir ce doute, Louis XIV, par son édit du mois de décembre 1701, déclara que tous ses sujets nobles par extraction, par charges ou autre13

T. I.

$3.

Des docteurs.

ment, excepté ceux qui sont actuellement revêtus de charges de magis» trature, pourront faire librement toute autre sorte de commerce en gros, » tant au dedans qu'au dehors du royaume, pour leur compte, ou par » commission, sans déroger à leur noblesse. »>

Cet édit a été renouvelé par celui du mois de mars 1765.

Enfin, par les lettres-patentes données en septembre 1766, pour la ville de Marseille, il est ordonné que le maire sera pris et choisi parmi les nobles négocians et non négocians.

Si ceux qui ont écrit contre la noblesse commerçante, avaient bien considéré ce que c'est qu'un négociant, ils auraient peut-être tenu un autre langage. Le négociant forme les plus grandes entreprises. Il donne à mille bras le mouvement et la vie. Franchissant les obstacles des mers, il réunit les régions de l'un et l'autre monde, et rend tributaires les pays les plus sauvages. Faisant fleurir l'agriculture et les arts, il multiplie les richesses de la nature. Par ses spéculations sages, il compense la stérilité des climats, il répare l'inclémence des saisons. Il commande, on lui obéit; et cette obéissance est d'autant plus prompte, qu'elle est volontaire.

Si, pour remplir de si vastes objets, ses facultés personnelles sont insuffisantes, celles d'autrui y suppléent; et par un crédit fondé sur la plus juste confiance, il donne à l'or une fécondité également utile à l'État, à ses concitoyens et à lui-même.

Carthage balança par ses richesses le courage et la grandeur de Rome. La fortune favorisa tellement le commerce de Cosme de Médicis, qu'il y avait peu de princes qui approchassent de son opulence. Il répandit ses bienfaits sur les sciences et sur les arts; il fut pendant trente-quatre ans l'arbitre de sa patrie et le conseil de la plupart des villes et des souverains de l'Italie. La Hollande a amassé des sommes immenses dans ses marais; une compagnie de ses marchands possède des royaumes dans l'Orient; et le gouverneur de Batavia commande aux roi des Indes. A quel degré de puissance et de gloire l'Angleterre n'était-elle point parvenue? C'est le commerce (1) qui lui fournit les moyens de soutenir la guerre actuelle.

Après avoir parlé des militaires et des gentilshommes, je dirai un mot des docteurs.

Il n'est pas douteux que les docteurs jouissent de la noblesse personnelle,

(1) Voyez Grosley dans son Londres, tom. 1, pag. 212 et 277.

et qu'ils ont le droit de prendre le titre de nobles. Laroche et Graverol, pag. 361. Journal du palais, tom. 2, pag. 917 et 964. Journal des audiences, tom. 7, pag. 356. Causes célèbres, tom. 16, pag. 72. Grosley, dans son ouvrage intitulé Londres, tom. 4, pag. 285.

La qualité de chevalier des lois était anciennement déférée aux jurisconsultes. Pasquier, liv. 2, ch. 12.

La profession d'avocat est une espèce de milice. Militant namque causarum patroni, qui gloriosa vocis confisi munimine, laborantium spem, vitam, et posteros defendunt. L. 14, de advocatis divers. judiciorum. Vid. Cicéron pro Murenâ, cap. 10 et 14.

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L'étude des lois et la carrière du barreau ne sont guère compatibles avec la profession de négociant. Une vie laborieuse, simple, unie, tranquille, exempte de faste et de souci, est la seule qui convienne au légiste. La médiocrité est à ses yeux plus précieuse que l'or: auream mediocritatem diligit. Indépendant des richesses et de l'inconstance de la fortune, il n'a d'autre ambition que celle de remplir ses devoirs, de faire triompher la justice, et d'être utile à ses concitoyens. La vertu fait sa noblesse, son lustre et sa récompense.

Il n'est cependant pas défendu à un avocat de s'adonner au commerce. On en verra un exemple dans le ch. 9, sect. 3; et on peut consulter sur ce point Brunus, de cessione bonorum, cap. 10, n°. 17. Petrus Ferrarius, tit. 39, gl. 17, et Marquardus, lib. 1, cap. 9, no. 24. Mais il est bien difficile. qu'une personne remplisse en même tems des fonctions si disparates les unes des autres. Hæc studia, de quibus disputo, non facilè in eodem homine esse possunt. J'ai vu un homme d'esprit qui s'était enrichi au barreau, et qui, devenu négociant, ne tarda pas à faire une faillite qui fut occasionnée par son peu d'expérience dans les affaires mercantiles.

CONFÉRENCE.

XXXII. Les victoires glorieuses et éclatantes remportées de nos jours par le peuple français contre les puissances réunies, ont fait voir que la bravoure n'est pas un privilége exclusif à la noblesse, l'honneur français s'est montré dans tous les rangs. L'épée s'est vue honorée dans toutes les mains.

Aujourd'hui une loi d'une haute politique, rendue par cette immortelle Assemblée des plus grands hommes d'état, sous la sanction d'un monarque juste et éclairé, a déclaré l'exercice du commerce libre pour tous les Français sans distinction. (Loi du 2 mars 1791, art. 7). Cependant il existe des professions avec lesquelles, par leur nature, il est incompatible, comme le sacerdoce, la magistrature, etc.

§ 1.

Par le droit ro

SECTION IV.

Des Magistrats, et notamment des Officiers de l'Amirauté.

LE négoce était interdit aux sénateurs romains. Tite-Live, lib. 21, no. 63; main, le commerce parle d'une loi qui leur faisait défense d'avoir une barque contenant au-delà était prohibé aux sé de 300 septiers. On trouvait, que c'était assez pour transporter à Rome les verneurs des pro- fruits qu'ils recueillaient dans leurs terres, et qu'il était indigne de leur

nateurs et aux gou.

vinces.

rang de faire servir leurs vaisseaux de charge à transporter la récolte des autres citoyens pour de l'argent : Ne quis senator maritimam navem, quæ plus quàm trecentarum amphorarum esset, haberet. Id satis habitum ad fructus ex agris vectandos. Quæstus omnis patribus indecorum visus.

La loi Julia fit ensuite défense absolue aux sénateurs d'avoir des vaisseaux à peine de concussion, et d'être expulsés du sénat: Nec habere illis navem ex lege Julia repetundarum licet. L. 3, ff. de vacat. et excus. Vid. mon Traité des contrats à la grosse, ch. 4.

Par les constitutions impériales, tout trafic était prohibé aux gouverneurs des provinces, de peur que le peuple ne fût la proie de leur rapine. L. 33, ff. de rebus creditis. L. 46, § 2, ff. de jure fisci. L. 1, C. de contract. judic. Pour assurer la tranquillité et la liberté des négocians, le roi Jean, par ces, le commerce son ordonnance de 1355, défendit à tous juges et officiers, de faire aucun ges et officiers de» commerce, directement ni indirectement, par eux-mêmes ou sous des justice. › noms empruntés, à peine de confiscation des marchandises, et de punition

$2.

Par les ordonnan

est prohibé aux ju

arbitraire..

L'ordonnance de François 1, pour la Provence, titre des juges inférieurs, art. 29, s'explique en ces termes : «Pour éviter les abus qui se peuvent faire par » nos juges et autres officiers qui se mêlent de diverses marchandises, ordonnons » que tous nos officiers, de quelqu'état qu'ils soient, dorénavant par eux ni par interposées personnes, ne marchandent ou fassent marchander, ni participer en marchandise, sur peine d'être punis grièvement à notre volonté ; » et ne donnerons lettres, ni ne ferons grâce; et renonceront à leurs offices » ou à la marchandise. »

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L'ordonnance d'Orléans, art. 109, défend à tous officiers de justice le fait et trafic de marchandises, à peine de privation de leur état.

$3.

Le commerce est

Les juges de l'amirauté doivent être gradués. Ordonnance de la marine, art. 1, titre des lieutenans. Ils sont officiers royaux, et reçus au Parlement. Art. 2 il prohibé aux offi et 3, tit. eod.

Ils connaissent de tout ce qui concerne la navigation. Par conséquent il doit, du moins, leur être prohibé de se mêler du commerce maritime; car, comme l'observe Corvinus, C. de contract. judic., il ne convient à personne d'être juge dans les points qui font l'objet de son commerce ordinaire.

L'Ordonnance de la marine, au même titre, art. 10, fait défenses aux officiers de l'amirauté de prendre, directement ou indirectement, par eux ou › par personnes interposées, aucune part dans les droits de tonnes, balises, › ancrages, et autres dont la connaissance leur appartient, à peine de privation de leurs charges, et de 1,000 liv. d'amende. »

L'art. 54, titre des prises, leur défend de « se rendre adjudicataires directe› ment ou indirectement, des vaisseaux, marchandises, et autres effets pro› venant des prises, à peine de confiscation, de 1,500 liv. d'amende, et d'interdiction de leurs charges.

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L'art. 16, titre des naufrages, « défend aux officiers de l'amirauté de se › rendre, directement ou indirectement, adjudicataires des marchandises, peine de restitution du quadruple, et de la privation de leur charge. De ces divers textes, il suit que les officiers de l'amirauté ne peuvent se mêler du commerce maritime, et par conséquent signer des assurances. Le Coutumier d'Amsterdam, art. 30, « fait inhibitions et défenses à tous officiers de faire aucune assurance, directement ni indirectement, pour leur › compte..

M. Valin, art. 10, titre des lieutenans, tom. 1, pense le contraire. Il allègue l'exemple des juge et consuls, à qui le commerce n'est pas interdit, et il s'appuie sur l'édit du mois de mai 1711.

L'exemple des juge et consuls est une exception à la règle, et cette exception procède de la nature des choses. Car si, pour être juge et consul, il faut être négociant, il s'ensuit qu'un négociant peut être revêtu de la charge de juge et consul; au lieu qu'il est très-possible d'être officier de l'amirauté, sans se mêler du commerce maritime.

L'édit du mois de mai 1711, qui créa une foule d'offices nouveaux dans les amirautés du royaume, n'a jamais été enregistré au Parlement d'Aix (1).

ciers de l'amirauté?

(1) Il fut enregistré au Parlement de Paris le 26 août 1711.

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