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lement de celles qui se font pour les voyages par terre, ou pour garantir les propriétaires de maisons du danger du feu et des autres accidens, etc. Il peut y avoir une infinité de contrats d'assurance de cette dernière espèce. L'assurance, dans un sens étendu, peut s'appliquer à toutes sortes de choses et de risques.

L'assurance maritime, par forme de gageure, a été prohibée en France, non seulement par l'Ordonnance de la marine, mais encore par le nouveau Code de commerce, qui ne connaît que l'assurance proprement dite, laquelle ne saurait subsister si l'assuré n'expose rien aux hasards de la mer, et si la chose assurée ne se trouve pas exposée aux risques de la mer lors du sinistre même. Ces principes sont de nouveau consacrés dans les art. 336, 357, 349, 565, 383, etc., du Code de commerce.

Le Code civil interdit toute espèce de gageure. Le Code de commerce ne pouvait être plus indulgent. « Ce n'est point en France, disait l'orateur du Gouvernement, et dans une » nation de tant d'importance, que la législation naturalisera l'immoralité des parís. » (Voyez art. 1965, 1966, 1967 du Code civil).

SECTION II.

L'Assurance est-elle un contrat synallagmatique, nommé, et qui ait une nature propre?

$ 1. L'assurance est un contrat synallagma

POTHIER, no. 6, dit que le contrat d'assurance est synallagmatique, car il produit des obligations réciproques. L'assureur s'oblige envers l'assuré de le garantir et indemniser des fortunes de mer, et l'assuré s'oblige récipro- tique. ⚫ quement envers l'assureur de lui payer la prime convenue. »

En effet, dès que la police est signée, l'assuré ne peut, sans le consentement des assureurs, la mettre à l'écart pour faire assurer les mêmes risques par d'autres personnes; il lui est simplement permis de faire assurer la solvabilité des assureurs.

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Dès que la police est signée, les assureurs ne peuvent se délier sans le consentement de l'assuré. «S'il advient que les assureurs ou aucuns d'eux, après avoir signé en quelque police, se repentent, ou aient peur, ou ne voudraient assurer sur tel navire, il sera en leur liberté de le faire réassurer ' par d'autres, soit en plus grand ou moindre prix ; mais pour cela ne ⚫se pourront désobliger que le chargeur ne s'adresse directement à eux, » parce qu'ayant par leur seing donné leur promesse, quelques protestations, assignations qu'ils fassent, au contraire, ils ne pourront se désobliger sans > le consentement de l'assuré.» Guidon de la mer, ch. 2, art. 19. Les docteurs italiens, voulant trouver dans le droit romain ce qui n'y est

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pas, se sont enveloppés dans des dissertations plus capables de fatiguer l'esprit que de l'éclairer.

A les entendre, l'assurance est tantôt un pacte nu, tantôt un contrat sans nom, tantôt une gageure, tantôt une stipulation, tantôt une fidejussion, tantôt une vente, un louage, une société, un mandat, etc. etc. Vid. Roccus, not. 3. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 9. Stypmannus, part. 4, cap. 7, ubi fusè. Straccha, introd., no. 47.

Pour éclaircir cette matière, il est nécessaire de savoir ce que le droit entend par pacte nu et par contrat sans nom.

Chez les Romains, la plupart des obligations se contractaient verbalement : il avait donc été nécessaire d'établir certaines formes pour constater la volonté des parties.

Pareilles formes n'étaient point requises dans les contrats qui ont un nom et un caractère propre. Ces contrats étaient parfaits, soit par la tradition, tels sont le prêt, le commodat, le gage, etc.; soit par le consentement, tels sont la vente, le louage, la société, le mandat, etc. Inst. quib. modis re contrah. De consensu obligat. L. 7, S1, ff de pactis.

Il en était de même des contrats innommés, lorsqu'ils se trouvaient accomplis de la part de l'une des parties. Par exemple, je vous ai donné une chose, à condition que vous m'en donneriez une autre. Dedi tibi rem, ut mihi aliam dares. Dedi, ut aliquid facias. Ce sont là de véritables contrats obligatoires par eux-mêmes, parce que l'accomplissement de la part de l'une des parties leur a déféré une consistance assurée et une cause non équivoque. D. L. 7, S 2, ff de pactis.

Mais si l'on s'était borné de part et d'autre à de simples promesses, comme si l'on avait dit: Je vous donnerai telle chose, à condition que vous me donniez telle autre chose, c'était là ce qu'on appelait pacte nu: d'où il ne résultait aucune obligation civile, parce qu'on présumait que pareilles paroles avaient été proférées sans mûre délibération : Sed cum nulla subest causa propter conventionem, hic constat non posse constitui obligationem. Igitur nuda pactio obligationem non parit. D. L., § 4.

La glose, sur le mot causa, dit: Id est: datio vel factum ex quo vestiatur contractus innominatus. Cette interprétation est adoptée par Cujas, ibid. Accursius rectè causam accipit pro datione vel facto.

Ex nudo pacto actionem dari jus civile prohibuit, ne homines facilè verbis leviter prolatis caperentur et illaquearentur. Perezius, inst. de verb. oblig., pag. 343. Pour que le pacte nu devînt obligatoire, il fallait qu'il fût revêtu de la

stipulation dont la formule est rappelée dans le § 1, instit. de verb. oblig. Lorsqu'on prononçait les paroles de la stipulation, on savait qu'on se liait irrévocablement; on y apportait l'attention convenable, et la volonté des parties n'était plus équivoque. On en trouve un exemple dans la comédie de Plaute, intitulée Pseudolus, act. 1, scèn. 1.

C. Dabisne argenti mihi hodiè viginti minas?

Ps. Dabo, molestus nunc jam ne sis mihi.

Ainsi, le pacte nu est une convention qui n'a aucun nom propre et légitime, qui se réduit à de simples paroles, à des promesses mal affermies, et qui n'a encore reçu aucune consistance solide, ni par le fait de l'une des parties, ni par la stipulation : Pactum nudum est conventio quæ proprium et legitimum nomen non habet, et quæ intrà verba sola, primumque promissum stetit; necdum datione, vel facto, vel stipulatione sumpsit effectum. Cujas, ad leg. naturalis, lib. 5, quest. Pauli.

Ce pacte est appelé nu, parce qu'il est dénué de nom, d'exécution et de stipulation. Cujas, ad leg. 72, de contrah. empt., aux Questions de Papinien, réfute la distinction que quelques docteurs se sont avisés de faire entre pactes nus et pactes vêtus; distinction qui est traitée de barbare par Duarenus, ff de pactis, pag. 79.

Tout cela n'est pas si fort éloigné de nos usages qu'on pourrait le penser. En effet, les pourparlers, les propositions verbales ne sont pas obligatoires, et même le contrat rédigé par un notaire n'est parfait qu'après qu'il est signé par toutes les parties et par le notaire lui-même. Jusqu'alors, il y a lieu au repentir.

Mais malgré la stipulation, les contrats ne sont légitimes qu'autant qu'ils sont fondés sur une cause juste et réelle; s'ils ont pour objet un être de raison ou une action déshonnête, ils sont radicalement nuls, et alors il y a lieu à l'action personnelle, appelée en droit condictio, dont l'effet est de rétablir les choses dans leur premier état, soit en obligeant à la restitution celui qui a reçu l'argent, soit en anéantissant le contrat non encore exécuté: Est et hæc species condictionis: si quis sine causâ promiserit, vel si solverit quis indebitum. Qui enim promisit sine causa, condicere quantitatem non potest quam non dedit, sed ipsam obligationem. L. 1, ff de condict. sine causa.

Quantitatis indebita, interposita scripturæ condictio competit. L. 3, C. de condict. indeb. Si non est numeratum quod velut acceptum te sumpsisse mutuò

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L'assurance n'est pas un contrat nu.

C'est un contrat nommé, ayant un

ture à lui propre.

scripsisti......... reddi tibi cautionem postulare potes. L. 4, C. de condict. ex lege.

L'on voit par là que la cause légitime et réelle qui constitue l'essence du contrat était très-indépendante de la stipulation, laquelle ne pouvait subsister par elle-même, et devait être précédée de quelque obligation: Stipulatio pendet ex negotio contracto, dit la loi 5, S conventionales, ff de verb. oblig. Obligationum firmandarum causâ, stipulationes inducta sunt. Paulus, lib. 5, sent. tit. 8, $ 1, ibiq. Cujas.

De sorte que si l'obligation était nulle, pour n'être fondée sur aucune cause légitime ou réelle, la stipulation croulait également. Si quis sine causâ ab aliquo fuerit stipulatus, deindè ex eâ stipulatione experiatur, exceptio utiquè doli mali ei nocebit. L. 2, § 3, ff de doli mali exc. Stipulatio sine causâ est inefficax. Godefroi, ad leg. 15, ff de fidejuss.

Telle est la doctrine de tous les docteurs. Si quis sine causâ stipulanti promiserit, quamvis vocis suæ nexibus et vinculo juris teneatur adstrictus, hæc tamen stipulatio nullam necessitatem habet, quia inutilis et inefficax redditur, oppositâ exceptione doli mali. Acosta, Inst. de verb. oblig., pag. 328. La stipulation » devient inutile, lorsqu'elle a pour objet une chose qui n'existe pas, ou qui » n'entre pas dans le commerce.. Terrasson, Hist. de la Jurisp., pag. 63. Idem Ferrière, Inst. de verb. oblig., tom. 4, pag. 358 et suiv.

Il est donc certain que tout contrat qui n'a pour fondement aucune cause juste et réelle, ne saurait subsister.

L'assurance a une cause légitime et un objet déterminé. Habet in se negotium aliquod. Ergò civilis actio oriri potest, pour me servir des termes de la loi 15, ff de præsc. verb. D'ailleurs, l'assurance est revêtue de la stipulation. Elle n'est donc pas un pacte nu.

Il est vrai qu'elle ne reçoit son entière perfection qu'après que la chose assurée a été mise en risque; mais c'est parce que le risque, qui est de l'essence de ce contrat, forme une condition légale, à laquelle les parties sont toujours présumées s'être soumises. Si non adest risicum, assecuratio non valet; nam non adest materia in quâ forma posset fundari. Roccus, not. 88.

Il est encore vrai que les Romains n'avaient pas donné un nom à ce concaractère et une na trat, et que le mot assecuratio n'est pas latin. ASSECURATIO, quidem vox latina non est, nec tale verbum reperitur, quod securum facere significet. Stypmannus, part. 4, cap. 7, n°. 267, pag. 454. Kuricke, diatrib. de assecur., pag. 829. Marquardus, lib. 2, cap. 13, n°. 5. Mais dans la suite des tems, l'étendue du commerce maritime ayant développé la nature d'un contrat si utile, il

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acquit un nom qui fut confirmé par les lois des souverains. Assecuratio est contractus nominatus, quia suâ naturâ et propriis qualitatibus constat sicut reliqui; usu et necessitate exigente, nomen invenit. Stypmannus, part. 4, cap. 7, n°. 159, pag. 447.

Corvinus, sur le titre du Code de naufragiis, pag. 92, après avoir parcouru les divers sentimens des docteurs, dit également que l'assurance est un contrat nommé, qui est distinct de tous les autres contrats par un caractère à lui propre Nos dicimus cum Stypmanno, assecurationem esse contractum nominatum, pactis suis, à reliquorum contractuum naturâ discretis, constantem.

Il est donc évident que l'assurance proprement dite n'est ni une vente, e ni un louage, ni une société, ni une gageure, ni rien de ce que certains docteurs ont imaginé. C'est un contrat tel qu'il a été créé par la nature des choses. Il est vraiment synallagmatique, pourvu qu'il reçoive sa perfection par l'existence du risque que les parties ont eu en vue. Si ce risque réel ou putatif manque, le contrat s'évanouit par défaut de matière.

Tout comme la vente, la stipulation, ou le legs d'une chose qui n'existe pas, ne sont d'aucune valeur, de même l'assurance d'une chose non exposée aux risques de la mer, ne signifie rien. Quemadmodùm enim rei non existentis, nec valet emptio ; et stipulatio non subsistit rerum quæ non existant; neque legatum valet, quod in rerum naturâ non reperitur : ità quoque assecuratio, si in navi non habeantur merces, nullius momenti est. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 23.

CONFÉRENCE.

III. «Les docteurs, observe Valin, se sont beaucoup fatigués dans la recherche de la nature » de ce contrat. Ils ont demandé à ce sujet tour à tour, an sit sponsio, an contractus qui re »constet, an stipulatio, an fidejussio, an litterarum obligatio, an venditio, an locatio, an man» datum, an contractus innominatus, vel nominatus? Mais tout cela est inutile et de pure subti»lité. Il suffit de savoir que l'assurance maritime est un contrat par lequel un particulier ou une compagnie promet à celui qui a un intérêt dans un vaisseau ou dans son chargement, de le garantir de toutes les pertes et dommages qui arriveront par cas fortuit et » fortune de mer au navire ou au chargement, pendant le voyage, ou durant le tems des » risques, moyennant une somme qui doit lui être payée par l'assuré. » (Valin, prolégomènes du tit. 6, des assurances; voyez Guidon de la mer, chap. 1, art. 1). En effet, quelques auteurs ont voulu faire de l'assurance un contrat de louage, de mandat, de société, etc. Pothier lui-même a trop cédé au désir de classer l'assurance avec quelque autre contrat connu, sur-tout avec le contrat de vente. (Pothier, des assurances, n°. 4).

Mais il faut dire avec Emérigon, d'après Stypmannus, que l'assurance maritime propre

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