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ment dite n'est ni une vente, ni un louage, ni une société, ni une gageure; c'est un contrat tel qu'il a été créé par la nature des choses, et qu'il faut connaître par sa propre définition. L'assurance est un contrat essentiellement synallamagtique, puisque deux ou plusieurs personnes s'engagent réciproquement les unes envers les autres. Il est en même tems aléatoire, puisque le prix que l'un des contractans reçoit n'est pas le prix d'une chose qu'il donne, mais des risques dont il se charge.

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11 est conditionnel.

SECTION III.

L'Assurance est un contrat conditionnel et aléatoire.

L'ASSURANCE est un contrat conditionnel; tous nos auteurs conviennent de ce principe. Santerna, part. 5, no. 24, part. 5, no. 7. Roccus, not. 13. Cleirac, sur le Guidon de la mer, ch. 3, art. 2, pag. 248. Kuricke, de assecur., pag. 830. Il est conditionnel en deux manières.

1°. Le contrat s'évanouit si, avant le commencement du risque, le voyage est rompu, même par le fait de l'assuré. Infrà, ch. 16, sect. 1.

On opposerait en vain que la condition, qui dépend de la pure volonté d'une des parties, détruit l'obligation, laquelle pèche en ce cas par défaut de lien. Sub hâc conditione, si volam nulla fit obligatio. L. 8, ff de oblig. et act. L. 17. L. 108, § 1, ff de verb. oblig. L. 7, ff de contr. empt.

Mais il n'est pas entièrement au pouvoir de l'assuré de rompre le contrat et de répéter la prime. Il ne le peut qu'en s'abstenant de faire l'expédition qu'il avait projetée. La condition dépend de l'expédition maritime plutôt que de la volonté de l'assuré. Le contrat est révoqué par le défaut du risque plutôt que par le fait de la personne.

2o. Les assureurs ne sont soumis à payer que dans les cas de perte ou d'avarie occasionnées par fortune de mer; car, comme l'observe Cleirac en l'endroit cité, les polices d'assurance sont des contrats incertains et condi»tionnels, qui n'ont point d'exécution parée, si ce n'est après que le cas est ⚫ arrivé et connu. »

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Et voici comme parle Pothier, n°. 5: L'obligation que les assureurs con› tractent dépend de cette condition, si, par quelque accident de force ma› jeure, les choses assurées viennent à périr ou à être endommagées. Mais › le contrat ne laisse pas d'être parfait; l'obligation est contractée, quoique

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conditionnellement n'étant plus dès lors au pouvoir des assureurs de s'en
:
désister, et de n'être pas obligés, si l'accident arrive. »

Il suit de ce principe, que le contrat d'assurance est de la classe des contrats aléatoires, ainsi que l'observe Pothier, n°. 8. Hujus contractûs et commercii lucrum et damnum dependet à merâ sorte et fortund. Roccus, not. 6. C'est ici une espèce de jeu qui exige beaucoup de prudence de la part de ceux qui s'y adonnent. Il faut faire l'analyse des hasards, et posséder la science du calcul des probabilités; prévoir les écueils de la mer et ceux de la mauvaise foi ne pas perdre de vue les cas insolites et extraordinaires; combiner le tout, le comparer avec le taux des primes, et juger quel sera le résultat de l'ensemble.

Pareilles spéculations sont l'ouvrage du génie. Mais si la théorie, dirigée par l'expérience, n'est que trop souvent fautive, quel sera le sort des négocians, qui alléchés par l'appât du gain, signent dans toutes les polices qu'on leur présente, sans considérer le précipice où la fortune aveugle et leur témérité peuvent les entraîner?

CONFÉRENCE.

IV. On peut même dire que le contrat d'assurance est conditionnel sous un autre rapport, lorsque l'assurance est faite avant que la chose soit mise en risque. Dans ce cas, l'événement de la condition est facultatif à l'assuré; car si, par quelque accident ou par sa propre volonté, la marchandise n'est point embarquée, ou si le navire assuré ne part point, le contrat d'assurance est résolu, et l'assureur est tenu de restituer la prime s'il l'a reçue, en retenant demi pour cent de la somme assurée par forme d'indemnité. (Art. 349 du Code de commerce; art. 37 de l'Ordonnance, titre des assurances, et art. 22 des Assurances d'Amsterdam; voyez aussi Pothier, Contrat d'assurances, no. 179, 180 et 181, et la sect. 15 du titre des assurances de notre Cours de droit commercial maritime, tom. 4, pag. 11. et suivantes).

§ 2.

Il est aléatoire.

SECTION IV.

L'Assurance ne peut devenir pour l'assuré un moyen d'acquérir.

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LES assureurs se chargent de l'événement des effets exposés aux hasards de la mer. Ils en prennent le péril sur eux. Ils promettent à l'assuré de l'indemniser des pertes et dommages qu'il souffrira. Il est donc évident que l'assurance n'est pas pour l'assuré un moyen d'acquérir. La nature du contrat s'y oppose.

Le Guidon de la mer, ch. 2, art. 13, établit pour maxime, que l'assuré ne peut recevoir profit du dommage d'autrui.

Jean-Pierre Ricard (Négoce d'Amsterdam, pag. 261), observe que les > assurances n'ayant été inventées et introduites que dans le but de soulager » les marchands en cas de perte, ce serait agir très-injustement que de vouloir » s'enrichir ou gagner, en faisant perdre les assureurs. »

Assecuratus non quærit lucrum, sed agit ne in damno sit, dit Straccha, de assecur., gl. 20, n°. 4.

In materia d'assicurazione, si hà risguardo al puro danno, non all'utile che si perde. Targa, cap. 66, pag. 284.

L'Ordonnance défend de faire assurer le profit espéré des marchandises, le fret à faire, les salaires à gagner, et les effets au-delà de leur valeur.

En un mot, on ne peut faire assurer que ce qu'on court risque de perdre, et nullement les gains qu'on manque de faire. Pothier, des assurances, no. 31, 35 et suiv., car l'assurance n'est pas un titre lucratif pour l'assuré. Elle ne peut avoir d'autre objet que celui de le mettre à couvert de la perte, c'est-à-dire de la perte intrinsèque, réelle, et dérivant directement de la chose: Damnum quod re verâ inducitur. L. 1, C. de senten. quæ pro eo.

Les pactes qui s'éloignent de ce principe sont nuls, et doivent être rejetés. Voilà pourquoi la déclaration du 17 août 1779, art. 11, veut que tout effet dont le prix est porté dans la police d'assurance en monnaie étrangère, soit évalué au prix que la monnaie stipulée peut valoir en livres tournois faisant très-expresses inhibitions et défenses de faire aucune stipulation à ce contraire, peine de nullité.

La caution ne peut valablement se soumettre à rien de plus que ce à quoi le débiteur principal est obligé. L. 8, S7, ff de fidejuss. Il suffit que le créancier ne perde pas, et que son intérêt légitime soit rempli. Il en est de même de l'assurance, dont l'objet ne fut jamais de procurer un bénéfice à l'assuré.

CONFERENCE.

V. Les principes établis par l'Ordonnance, art. 15, 16, 17 et 20, ont été consacrés par le Code de commerce, art. 347. On ne peut faire assurer que ce que l'on court risque de perdre, et nullement les gains qu'on manque de faire. - (Voyez ci-après chap. 9, prolegomènes).

C'est par les mêmes principes, observe Pothier, qu'un assureur peut bien faire réassuser les effets qu'il a assurés, parce que la perte qui en peut résulter est pour lui une perte qu'il court risque de faire; mais il ne peut faire assurer pareillement la prime qui lui a été promise dans le cas seulement d'heureuse arrivée; car cette prime n'est pas pour lui

une perte qu'il court risque de faire, en cas de perte du vaisseau, mais c'est un gain qu'il ne manque de faire. (Pothier, assurances, no. 35).

Valin, sur l'art. 20 de l'Ordonnance de 1681, est aussi du même avis.

SECTION V.

L'Assurance est-elle un contrat de droit étroit ou de bonne foi?

Nos auteurs disent tantôt que l'assurance est un contrat de bonne foi, et tantôt qu'elle est un contrat de droit étroit. Pour fixer nos idées, remontons encore aux principes.

Distinction entre

les contrats de bon

droit étroit.

Dans les beaux jours de la république, les Romains croyaient n'être vraiment libres qu'en se rendant esclaves des lois. Legum omnes servi sumus, ut liberi esse possimus (Cicéron, pro Cluentio, cap. 53); voilà pourquoi ils n'avaient ne foi et ceux de rien oublié pour fixer parmi eux une jurisprudence certaine, qui dépendît le moins qu'il serait possible du caprice de l'homme. (Tite-Live, lib. 2, no. 3). Telle fut l'origine des formules ou règles auxquelles le juge était obligé de conformer les jugemens qu'il prononçait : Sunt jura, sunt formula de omnibus rebus constitutæ, ne quis aut in genere injuriæ, aut ratione actionis errare possit. Expressæ sunt enim ex uniuscujusque damno, dolore, incommodo, calamitate, injuriâ, publicæ à Prætore formulæ ad quas privata lis accommodatur. Cicéron, pro Roscio, cap. 8.

On distinguait deux sortes d'actions. Celles de droit étroit et celles de bonne foi.

Dans les premières, le ministère du juge se bornait à décider en fait si la demande était conforme ou non à la formule donnée par le préteur.

Dans les actions de bonne foi, attendu la nature du litige, la formule déférait au juge une autorité moins limitée.

Mais dans l'un et l'autre genre d'actions, le juge devait s'attacher à la justice et à l'équité, plutôt qu'à la subtilité du droit: Placuit in omnibus rebus, præcipuam esse justitiæ, æquitatisque, quàm stricti juris rationem. L. 8, C. de judiciis.

Le dol formait une exception péremptoire contre le demandeur, dans le cas même de l'action de droit étroit Per doli exceptionem summoveri petitio debet. L. 5, C. de inut. stipul. L. 36, ff de verb. oblig.

Cujas, parat. C. de formulis, semble regretter que les formules établies par

A certains égards, l'assurance est un

l'ancien droit romain aient été abolies: Religio juris forsitan captiosa nimis, et scrupulosa; sed meo judicio tolerabilior, quàm actionum confusio, agendi temeritas, et nullus ordo, omnibus actionibus conceptis in factum, nec conscriptis formulâ, legeque certâ.

Duarenus, sur le titre si certum petatur, pag. 1190, observe que les formules avaient été établies pour fixer le droit des parties.

Les lois romaines n'ayant point parlé du contrat d'assurance, ce contrat n'avait été mis ni dans la classe des actions de bonne foi, ni dans celle des actions de droit étroit. Je crois que, suivant les cas, on doit le placer dans l'une ou dans l'autre.

Puisque le contrat d'assurance est le résultat de la stipulation des parties contrat de droit contractantes, il entre naturellement dans la classe des actions de droit étroit par rapport aux pactes qui y sont insérés. Tous nos auteurs s'accordent làdessus.

étroit.

A d'autres égards,

l'assurance est un

Ils disent que les paroles des polices d'assurance doivent être pesées avec scrupule. Verba assecurationis, potissimè ponderanda sunt. Roccus, de assecur., not. 18. Stypmannus, part. 4, cap. 7, n°. 420. Rote de Gênes, dec. 102, no. 5. Santerna, purt. 3, n°. 38. Casaregis, disc. 1, n°. 107. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 44 et 45.

Qu'elles forment la loi de laquelle il n'est pas permis de s'écarter, parce que la volonté des parties y est consignée : In materiâ assecurationis principaliter inhærendum est verbis apoca assecurationis; quinimò hæc pro lege habenda sunt, nec ab his recedere debemus, quia contrahentium voluntas meliùs haberi non potest. Casaregis, disc. 1, no. 1.

Qu'elles doivent être entendues littéralement et dans leur sens propre : Verba contractûs assecurationis intelligenda sunt propriè, strictè et ut jacent. Rote de Gênes, dec. 129, n°. 5. Roccus, not. 61.

Qu'il n'est jamais permis d'étendre ce contrat d'un cas à l'autre, ni d'un corps à un autre corps réellement distinct. L'obligo dell' assicuratore è stricti juris. Non si può estendere da un corpo all'altro realmente distinto. Carlo Targa, cap. 52, no. 8.

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M. Pothier, n°. 68, établit comme une règle sûre, que les assureurs ne » sont pas tenus des risques, lorsqu'on s'est écarté de ce qui est porté par

› la police, si ce n'est de leur consentement ou en cas de nécessité. »
V. infrà, ch, 13, sect. 16.

Les mêmes auteurs disent que la bonne foi doit régner dans le contrat contrat de bonne d'assurance, et qu'on doit en écarter les subtilités du droit pour s'en tenir à

foi.

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