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CHAPITRE V.

DES PARTIES CONTRACTANTES.

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SOMMAIRE.

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SECT. V. De l'assureur pour compte d'autrui.
SECT. VI. Commissionnaire doit exécuter l'or-
dre tel qu'il lui a été donné.

S1. Commissionnaire qui excède le mandat.
S 2. Ratification.

S3. Fréquentes plaintes des commettans au
sujet de notre clause franc d'avarie.
SECT. VII. Commissionnaire est-il tenu de la
solvabilité des assureurs ?

SECT. VIII. Commissionnaire qui omet de faire
les assurances commises.

SECT. IX. Commissionnaire peut-il se rendre lui-même assureur?

SECT. X. Assurance signée par des commis de courtier.

LES assurances par commissions sont très-fréquentes à Marseille. Elles favorisent le commerce, dont elles forment une branche considérable. L'usage a introduit à cet égard certaines règles qui paraissent contraires au droit commun, mais qui ont été dictées par le bien général. La confiance publique et la facilité des affaires veulent qu'en cette matière, le commissionnaire soit revêtu des actions actives et passives de son commettant, et que pour l'exécution des polices d'assurance, il n'y ait vis-à-vis du tiers presqu'aucune différence entre celui qui agit pour son intérêt personnel et celui qui agit pour l'intérêt d'un ami.

Dans le présent chapitre, je considérerai la personne de l'assuré ou de

l'assureur sous la seule qualité de partie contractante; dans le ch. 11, je parlerai du pour compte.

CONFÉRENCE.

XXXVIII. Le contrat d'assurance peut, comme tous les autres contrats, être formé ou directement entre les parties, ou par des commissionnaires, et c'est ce qu'on appelle assurer pour compte. Le commissionnaire n'est pas obligé de nommer d'abord son commettant. « On » peut faire assurer pour soi ou pour le compte de qui il appartiendra, dit Valin, ou, ce qui » revient au même, pro personâ nominandâ. Alors la personne étant nommée, il n'importe » en quel tems, s'il n'est fixé par la police, le contrat est valable de la même manière que » si la personne eût été nommée d'abord. » (Voyez Valin sur l'art. 3, titre des assurances. Voyez ci-après n°. XLI ).

Ainsi, l'assurance peut se faire de deux manières: assurer telles marchandises pour le compte de telle personne; ou bien telles marchandises pour le compte de qui il appartiendra. Dans ce dernier cas, l'exécution de l'assurance pourra être poursuivie par celui qui, présentant un connaissement entièrement conforme aux marchandises assurées, prouvera ainsi que les marchandises lui appartiennent, et que c'est pour son compte qu'on les avait fait assurer, Mais de quelque manière que le commissionnaire ait fait faire l'assurance, il se trouve personnellement obligé envers l'assureur, qui n'a traité qu'avec lui.

Ici se présente tout naturellement une question importante, qui doit fixer l'attention des jurisconsultes.

Tout autre que le propriétaire, ou son commissionnaire pour lui, peut-il faire assurer des marchandises exposées aux risques de la navigation? Le créancier ordinaire le peut-il faire en son nom personnel, et pour sûreté des avances qu'il aurait fournies sur la valeur des marchandises? En un mot, le créancier peut-il faire assurer, dans son intérêt personnel, des marchandises appartenant à son débiteur ?

M. Pardessus accorde cette faculté au créancier du propriétaire, et fonde son opinion sur les principes du droit civil, qui permettent à des créanciers de conserver des droits que leur débiteur abandonne ou néglige de conserver. - (Voyez M. Pardessus, tom. 2, pag. 358

et 361, 1". édition, et no. 803 de la seconde).

Il suit de la doctrine de ce savant professeur, qu'un créancier même non privilégié, quand son débiteur, propriétaire de la marchandise exposée aux risques de la navigation, est négligent, peut de lui-même, en son nom particulier, faire faire l'assurance, sauf le concours des autres créanciers, pour en partager le bénéfice.

Cette doctrine ne saurait être admise, parce que la difficulté posée doit être appréciée par les dispositions du Code de commerce, qui est seul à consulter ici.

Dans les principes du commerce maritime, le droit de faire assurer entraîne la nécessité de faire le délaissement. Le délaissement produit cet effet légal de transmettre aussitôt la chose à celui de qui on exige le prix. Par le délaissement, l'assuré subroge les assureurs en son lieu et place; il quitte et délaisse en leur faveur ses droits, noms, raisons et actions de la propriété qu'il a eue sur la marchandise chargée. Le délaissement ne peut être ni partiel, ni conditionnel, et une fois accepté, les objets délaissés appartiennent irrévocablement à

l'assureur. C'est là un véritable transport, une aliénation réelle, laquelle ne peut être que le fait du propriétaire ou de son mandataire spécial.

Un transport de cette nature ne peut être fait par un créancier. Son titre ne lui donne point le jus in re; il ne peut point prendre la chose de son débiteur pour la donner à d'autres, à son insu, et contre son gré. Le propriétaire n'ayant point donné de consentement à ce sujet, et n'ayant pris aucune mesure dans son intérêt, il ne peut exister de présomption quelconque résultant du titre en faveur du mandat.

Il résulte déjà de ces simples considérations que le créancier, par son titre, ne peut point faire assurer la chose de son débiteur. Ce droit, comme celui de faire le délaissement, n'appartient qu'au propriétaire.

Mais voyez les développemens approfondis qu'on a donnés à cette question à l'occasion d'un arrêt rendu le 7 janvier 1823, par la Cour d'Aix. (Sirey, 1823, 2°. part., pag. 158).

SECTION I.

La Police doit contenir le nom de l'assuré.

La police contiendra, dit l'art. 3, titre des assurances, de l'Ordonnance, le nom de celui qui se fait assurer, sa qualité de propriétaire ou de commission

naire.

En parlant de la forme intérieure et essentielle du contrat d'assurance, j'ai dit que la police doit nécessairement contenir le nom de celui qui se fait assurer; car l'assuré et l'assureur sont deux co-relatifs, dont l'un ne saurait subsister sans l'autre ; et s'il faut qu'on sache qui sont ceux qui assurent, il faut qu'on sache aussi quel est celui qui se fait assurer.

Si celui qui se fait assurer ne désigne aucun pour compte, il est présumé agir pour lui-même, et en qualité de propriétaire. S'il agit pour autrui, l'Ordonnance ne l'oblige pas à désigner sa qualité de commissionnaire. Il énoncera cette qualité s'il le trouve bon.

Mais, soit qu'il nomme son commettant, soit qu'il ne le nomme pas, il est considéré, vis-à-vis des assureurs, comme vrai assuré; car les commissionnaires contractent souvent en leur nom propre, quoique ce soit pour leur commettant, dont ils ont ordre de ne pas divulguer les affaires. Casaregis, disc. 5, n°. 92; disc. 161, n°. 24; disc. 56, n°. 12. Il camb. instr., cap. 3, n. 58. Ansaldus, disc. 30, no. 32. Straccha, de adjecto, art. 12, n°. 1, 3, pag. 606.

L'omission de la qualité de commissionnaire n'altère en rien les droits du

commettant vis-à-vis du commissionnaire, ni ceux de celui-ci vis-à-vis du premier. La bonne foi ne permet ni à l'un ni à l'autre d'user entre eux d'aucun subterfuge. Casaregis, disc. 43, no. 39; disc. 161, n°. 6. Il camb. instr., cup. 5, no. 57. Mantica, de tacit., lib. 7, tit. 18. Pothier, des oblig., n°. 448.

Le tiers, dont l'intérêt n'est pas blessé par l'omission de la qualité de commissionnaire, ne peut s'en plaindre, ainsi que je le dirai bientôt plus amplement. Il suffit que le connaissement soit relatif à la police d'assurance. Infra, cap. 11.

On ne doit donc s'arrêter ni au réglement de Barcelonne ( ch. 349 du Consulat ), qui soumettait l'assuré à jurer que la chose assurée lui appartenait, ni au Statut de Gênes, ni à toutes les distinctions faites par plusieurs auteurs qui parlent d'après les lois de leur pays.

CONFÉRENCE.

XXXIX. L'art. 332 du Code de commerce dit également : « Le contrat d'assurance exprime le nom et le domicile de celui qui fait assurer, sa qualité de propriétaire ou de » commissionnaire. » L'énonciation des noms de celui qui assure et de celui qui se fait assurer est essentielle dans une police comme dans tout autre contrat. L'assuré et l'assureur sont ici deux co-relatifs, comme l'observe Emérigon, dont l'un ne saurait subsister sans l'autre; et s'il faut connaître l'un, il faut aussi connaître l'autre. Il ne faut pas perdre de vue que nous assurons ou par nous-mêmes, ou le plus souvent par nos commissionnaires, et que, soit que le commissionnaire nomme son commettant, soit qu'il ne le nomme pas, il est considéré comme étant le véritable assuré.

SECTION II.

La question de Propriété ne peut pas être élevée contre celui qui agit en vertu du contrat.

Dès que la police d'assurance est conforme au connaissement, peu importe aux assureurs que les effets assurés appartiennent ou non à la personne assurée. Il suffit que la matière du risque se trouve dans le navire. Les assureurs sont non recevables à opposer à l'assuré le défaut de propriété : Agenti ex contractu, non potest opponi questio dominii. Santerna, part. 4, n°. 48. Rote de Gênes, déc. 5, n°. 11. Roccus, not. 46. Stypmannus, part. 4,

S'il y a fraude.

ch. 7, n°. 403. Straccha, gl. 10, n. 5. Ansaldus, disc. 12, n°. 13. Marta, tom. 3, v. assecuratio, cap. 2. Valin, art. 61, titre des assurances, de l'Ordonnance.

Cette règle cesse toutes les fois que la simulation du pour compte a été pratiquée en fraude de l'assureur: Nisi hoc fuisset factum in fraudem assecuratoris. Roccus, not. 46. Comme si l'on fait assurer sous le nom d'un neutre les marchandises qui appartiennent à ceux qui sont en guerre avec quelque puissance maritime; dans ce cas, les marchandises venant à être prises, l'assureur peut opposer à l'assuré la question de propriété, parce qu'il y a eu dol: Certè in hoc casu credo quod liceat assecuratori, si prædictœ merces hoc de casu capiantur, dicere tuæ non erant res; quia iste assicurator non erat aliter assecuraturus, si sciret merces esse prædictorum, item quia assecuratus videtur esse in dolo et fraude. Santerna, part. 5, no. 11 et seq.

Si une pareille simulation est prouvée, les assureurs ne doivent point répondre de la prise des choses assurées. Ainsi jugé par arrêt du 28 juin 1747, rendu ou rapport de M. de Boutassi, en faveur des assureurs sur le vaisseau l'Alexandre, contre les sieurs Butiny et Folsch, négocians à Marseille, qui avaient fait assurer sous leur nom des marchandises qu'on reconnut qui appartenaient à des Anglais, dans le tems que ceux-ci étaient en guerre avec les Espagnols. La preuve de cette simulation fut rapportée par les as

sureurs.

Autre décision. Les sieurs Carbonel frères, marchands à Marseille, firent assurer, sous le nom emprunté de Charles Cutayar, maltais, la somme de 80,000 liv. sur les facultés du chebec l'Immaculée Conception et Saint-François de Paule, capitaine Romano. Ce navire fut pris et conduit à Gibraltar. La cargaison fut déclarée de bonne prise par jugement de la vice-amirauté, du 30 novembre 1747, sur le fondement, était-il dit, que les marchandises appartenaient au roi de France, ses vassaux et sujets.

Requête présentée au tribunal de l'amirauté de Marseille, sous le nom de Charles Cutayar, contre les assureurs, à qui, pour preuve du sinistre, on communiqua le jugement de la vice-amirauté de Gibraltar.

Sentence rendue à l'audience, qui condamna provisoirement les assureurs à payer les sommes assurées, en donnant par l'assuré bonne et suffisante

caution.

Arrêt du 13 août 1748, qui confirma cette sentence provisoire.

Les sieurs Carbonel eux-mêmes furent admis pour cautions, et reçurent les sommes assurées.

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