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Cependant les assureurs vinrent à bout d'avoir un extrait en forme de la procédure prise à Gibraltar, et de toutes les pièces y jointes. La simulation fut alors pleinement dévoilée. Les assureurs demandèrent, par une requête incidente, la restitution provisoire des sommes qu'ils avaient été contraints

de payer.

Sentence du 8 décembre 1749, qui déboute Cutayar de sa requête principale; qui le condamne à la restitution des sommes assurées, avec intérêts, dépens et contrainte par corps; qui déclare communes, contre les sieurs Carbonel, les adjudications prononcées; mais qui déboute les assureurs de leur requête incidente.

L'on ne crut pas que le tribunal eût l'autorité de prononcer le contre-provisoire. V. infrà, chap. 20, sect. 4.

Les sieurs Carbonel appelèrent de cette sentence. Mais ils se départirent ensuite de leur appel, et ils remboursèrent les sommes qu'ils avaient reçues.

CONFÉRENCE.

LX. « Au fond, dit Valin sur l'art. 61, titre des assurances, l'assureur n'est pas recevable à » opposer à l'assuré que les effets ne lui appartenaient pas, parce qu'il est permis de faire assurer la chose d'autrui. Il suffit que le connaissement soit relatif et conforme à l'assurance. » En effet, il suffit que l'aliment du risque soit réel; il suffit que la matière du risque se trouve dans le navire.

Cependant si l'assureur oppose contre la demande de la somme assurée que la perte des effets assurés n'est pas suffisamment justifiée par les attestations produites par l'assuré, ou qu'il n'est pas justifié que l'accident qui a causé la perte fût une force majeure dont les assureurs sont garans, il doit être admis à faire cette preuve. Mais l'admission à cette preuve ne suspend pas les condamnations de l'assureur au paiement provisoire de la somme assurée, à la charge de donner une caution, dont l'engagement est éteint après quatre ans révolus, s'il n'y a pas eu de poursuites, parce qu'alors l'assuré est censé avoir renoncé à son action, et la caution doit être déchargée. (Voyez art. 384 du Code de commerce, et Pothier, Traité des assurances, no. 148 ).

Valin sur l'art. 61, et Pothier, n°. 161, font observer que si la somme assurée n'est pas liquide, il ne doit intervenir de condamnation qu'après la liquidation.

D'un autre côté, le principe que la question de propriété ne peut pas être élevée contre celui qui agit en vertu du contrat d'assurance, n'est plus applicable dans le cas de fraude, comme l'observe Emérigon lui-même; mais avant tout, il faut que l'assureur établisse les faits de fraude d'une manière concluante, car on a trop souvent abusé de cette doctrine de notre auteur, en se bornant à alléguer généralement la fraude. Si la simulation du pour compte est prouvée, par exemple si sous le nom d'un autre, on a fait assurer des marchandises appartenant à des sujets d'une puissance ennemie, les assureurs ne répondent plus de la prise de ces marchandises. T. I.

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$ 1.

Droit commun.

$ 2.

SECTION III.

Commissionnaire qui agit pour compte d'autrui est-il tenu personnellement ?

En règle générale, le commissionnaire qui agit en cette qualité, n'est pas tenu en son nom propre. L. 20, ff de inst. act. L. 6, § 1, ff de negot. gest. L. 4, C. quod cum eo. Il est simple facteur et ministre : nudus executor, nudus minister. Actus non tribuitur ipsi, sed domino. Casaregis, disc. 5, n°. 10 et seq. Ansaldus, disc. 30, n°. 15. Straccha, gl. 11, no. 15.

Il n'est obligé à rien de plus qu'à exhiber son mandat, ou à rapporter la ratification. Ansaldus, disc. 3o, n°. 28 et 29. Despeisses, tom. 1, pag. 169, n°. 9 et 10. Dumoulin, ad rubr. de verb. oblig., no. 8o. Faber, def. 6, no. 2, C. de evict. Casaregis, disc. 37, no. 7 et 11. Savary, tom. 1, part. 2, pag. 136. Boniface, tom. 3, pag. 368, no. 4.

Il est encore de règle que celui qui agit pour compte d'ami, ou pour une personne à nommer, n'est pas obligé en son propre, et n'acquiert rien pour lui-même, dès qu'il nomme la personne pour laquelle il s'était montré. Cette nomination a un effet rétroactif à l'époque du contrat, lequel est considéré comme s'il avait été passé par la personne nommée. Casaregis, disc. 5, no. 5, 22 et 85; disc. 31, no. 17; disc. 139, n°.1 et suivans. Mantica, de tacitis, lib. 14, tit. 28, no. 22.

D'après ces principes, il semble que celui qui assure, ou se fait assurer Usage du com- nommément pour compte d'autrui, n'est pas obligé en son nom propre. Guidon de la mer, ch. 2, art. 6.

merce.

Cependant l'usage est contraire (et l'on sait que dans le commerce, l'usage l'emporte aisément sur la théorie du droit). Straccha, gl.11, n°. 15. Casaregis,

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Voici deux arrêts du Parlement d'Aix, qui ont décidé que dans le commerce maritime, celui qui contracte pour compte d'autrui, n'est pas moins obligé en personne.

Le capitaine Montorsy, commandant la barque Saint-Jacques et Saint-Antoine de Padoue, fréta cette barque à Lefort et Detraytorens, de Marseille, pour compte et risque de Jean-Jacques Long, Hadinard et Nadal, de Turin, pour se

rendre à Nice, y consigner aux correspondans des affréteurs les marchandises chargées, prendre de ces correspondans d'autres marchandises, les porter à Salonique, etc. Le capitaine arriva à Nice, où on refusa de lui consigner les marchandises pour Salonique. Il revint à Marseille, et attaqua Lefort et Detraytorens en paiement des nolis, etc. Ceux-ci opposèrent que ce n'était pas contre eux qu'il devait diriger son action, parce qu'ils n'avaient contracté que comme procureurs de leurs correspondans de Turin. Sentence du 4 mars 1759, qui ordonne que Montorsy vérifiera que Lefort et Detraytorens sont intéressés dans le nolissement dont il s'agit. Arrêt du 25 juin 1761, au rapport de M. de Nibles, qui réforma cette sentence avec dépens, et qui décida que l'action avait été bien intentée contre Lefort et Detraytorens.

Autre arrêt. Le capitaine Frédéric Johannes, hollandais, commandant le navire le Paysan de Frise, fréta son vaisseau à Grimod père, fils et Brot, agissans d'ordre de Pierre Charron, de Livourne. Le capitaine s'obligea d'aller à Porto-ré prendre les ordres de Charron. Le nolis fut stipulé à 5,310 piastres courantes de huit réaux de Livourne. Le capitaine arriva à Porto-ré, reçut un chargement de planches, qu'il porta à Carthagène, où les planches furent vendues 2,600 piastres que le capitaine reçut. Il demanda les 2,710 piastres pour le reste de son fret; on les lui refusa. Revenu à Marseille, il se pourvut contre Grimod père, fils et Brot, en paiement du reste du nolis promis. Ils déclinèrent le tribunal, sur le fondement qu'il fallait que le capitaine se pourvût à Livourne contre Charron. Sentence du 11 janvier 1763 qui déboute du déclinatoire. Arrêt du 26 août suivant qui confirme la sentence.

Revenons maintenant au commissionnaire, qui se fait assurer, ou qui assure pour compte d'autrui ce sera la matière des deux sections suivantes.

CONFÉRENCE.

XLI. D'après l'ancienne jurisprudence, les règles ordinaires du mandat n'étaient point celles qu'on suivait en matière d'assurance et d'autres contrats maritimes.

Celui qui assurait ou faisait assurer était personnellement et solidairement obligé, soit qu'il eût contracté en son nom propre, soit qu'il eût déclaré le faire pour compte d'autrui. Valin, sur l'art. 3, et Pothier, no. 98, pensaient que l'obligation pesait solidairement sur le commettant et le commissionnaire. L'assureur s'adressait au commissionnaire pour le paiement de la prime, et sur son refus, il le traduisait en justice, où il subissait la condamnation, sauf la garantie contre son commettant.

Cette jurisprudence n'a point été changée par notre nouvelle législation. Elle doit subsister sous l'empire du Code de commerce.

En effet, le Code de commerce n'a pas sur cet objet d'autres dispositions que celle-ci,

art. 92 du Code de commerce : « Les devoirs et les droits du commissionnaire qui agit au » nom d'un commettant, sont déterminés par le Code civil, liv. 3, tit. 13. » Ainsi, on ne peut suivre d'autres règles que celles établies par ce Code, d'autant plus que la loi du 15 septembre 1807 qui ordonne l'exécution du Code de commerce, a aboli toute autre loi

relative aux matières commerciales.

Mais d'après le Code civil même, d'après les raisons et les lois de tous les tems, il est de principe incontestable que le mandataire ne s'affranchit lui-même de tout engagement qu'autant qu'il agit dans cette intention, c'est-à-dire qu'il s'énonce dans la police comme contractant en nom qualifié,

Un commissionnaire qui stipulerait d'une manière expresse en cette qualité, en entendant n'engager que son commettant, n'engagerait effectivement que celui-ci, soit comme assureur, soit comme assuré. (Argument tiré de l'art. 1997 du Code civil).

Mais il n'en serait pas de même de celui qui aurait stipulé pour compte d'autrui, c'està-dire lorsqu'on ne trouverait dans la police que l'énonciation d'un pour compte qui a tout autre objet. Dans cette dernière hypothèse, le commissionnaire reçoit des ordres qu'il remplit en son propre nom ce qui fait une double stipulation, l'une entre lui et le commettant dont il a accepté les ordres, l'autre entre lui et celui avec lequel il contracte dans l'intention de remplir ces ordres.

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Le mot pour compte de...... est, sous la nouvelle comme sous l'ancienne législation, um terme qui signifie parmi nous que le dénommé en la police se rend le contrat personnel. -(Voyez notre Cours de droit maritime, tom. 3, pag. 308 et suivantes ).

JURISPRUDENCE.

Un individu qui a souscrit une police d'assurance pour le compte d'une chambre d'assurance, est obligé personnellement par le fait seul de sa signature. Il ne peut pas être restitué contre cette signature, quoiqu'il se soit pourvu en rectification d'erreur, sur le motif que dans certains actes de la procédure on lui avait donné la qualité de garantissant, outre celle de faisant. (Arrêt de la Cour royale de Rennes, du 17 janvier 1810; voyez Journal de cette Cour, tom. 1, pag. 19).

$ 1.

SECTION IV.

De l'Assuré pour compte d'autrui.

L'INTENTION des parties est que celui qui fait faire l'assurance, soit personDoit lui-même la nellement obligé au paiement de la prime. On ne connaît que lui; c'est de lui seul qu'on suit la foi. La personne pour compte de qui l'assurance se fait, est souvent un homme étranger de la place, ou qui n'y a aucun crédit.

primc.

Valin, art. 3, titre des assurances, de l'Ordonnance, et Pothier, no. 98, attestent que l'usage du commerce est que l'assureur s'adresse au commission

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» naire pour le paiement de la prime. »

Ainsi jugé par sentence de notre amirauté, le 30 mai 1758, contre Besson et fils, et toutes les fois que la question s'est présentée.

Mais l'assureur a-t-il également action contre le commettant pour le paiement de la prime? Casaregis, disc. 5, n°. 26, est d'avis indéfiniment pour l'affirmative.

Je crois qu'il faut distinguer. Si le commettant doit encore la prime, l'assureur aura l'action utile contre lui; mais si le commettant avait payé la prime à son commissionnaire, l'assureur serait borné à l'action directe contre celui-ci, parce que le commettant a payé de bonne foi, et que l'assureur ne devait pas faire crédit au commissionnaire. Vid. Savary, 2°. part., liv. 3, ch. 2. Le Praticien des juges et consuls, ch. 8, pag. 32.

Le commissionnaire qui s'est fait assurer pour compte d'autrui, et qui est porteur de la police, peut, en son nom propre, faire abandon et demander la perte. Ainsi jugé par l'arrêt du 22 mai 1759, au rapport de M. Boades en faveur de Barthelémy Benza, qui était fait assurer 46,200 livres, pour compte de Laurent et Jérôme Ghiglino, sur le corps et facultés du vaisseau l'Immaculée Conception et Saint-Ignace de Loyola.

§ 2. Peut demander la

perte.

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Doit rendre aux assureurs compte du

L'assuré commissionnaire se confond avec ses commettans; il ne forme, en quelque manière, avec eux, qu'une seule et même personne vis-à-vis des assureurs. Il est donc soumis aux mêmes obligations, et doit par conséquent sauvé. rendre compte des effets sauvés, dans le même goût que les commettans y sont soumis eux-mêmes.

S'il en était autrement, la règle serait injuste par défaut de réciprocité. Si moi assureur je suis obligé de vous payer la perte, vous devez de votre côté me restituer les effets recouvrés qui sont en vos mains, ou en celles de votre commettant, que vous représentez, que je ne puis ni ne dois connaître. Lorsqu'il s'agissait de payer la perte, j'aurais été non recevable à vous opposer votre qualité de commissionnaire : vous êtes donc, à votre tour, non recevable à m'opposer cette qualité, pour vous dispenser de remplir l'obligation à laquelle le délaissement vous a soumis.

En un mot, si l'action directe vous a compété contre moi, je suis fondé à intenter contre vous l'action contraire; car, suivant les maximes de droit et la saine raison, ces deux actions procédant de la même source, pari passu ambulant. V. infrà, ch. 17, sect. 7.

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