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vire le Fils Bien-Aime, qui, continuant sa route, devint la proie des Anglais.

On disait, entre autres choses, que l'assurance était nulle, parce que le vaisseau n'était pas parti de Bordeaux même, sous l'escorte d'aucun bâtiment du roi.

Sentence rendue par notre amirauté, le 4 septembre 1781, qui condamna les assureurs à payer la perte.

Autre décision. Massol et compagnie firent assurer 10,500 liv. sur corps et facultés de la tartane l'Heureuse Marie, dite le Rossignol, capitaine Clair Bonnet, de sortie de Constantinople jusqu'à Marseille. Il était dit dans la police que la tartane partirait de Constantinople sous l'escorte des vaisseaux du roi, à défaut, assurance nulle. Le navire partit seul de Constantinople. Il se rendit aux Dardanelles, d'où il remit à la voile sous l'escorte de la frégate du roi la Sultane, pour se joindre au convoi qui devait se trouver à Smyrne.

Parvenue près de Smyrne, la tartane fit naufrage. Les assureurs prétendaient que l'assurance était nulle, parce que le navire était parti de Constantinople sans escorte. Les assurés (pour lesquels M. Cresp écrivait) répondaient que la mer de Marmara n'est ouverte à aucun corsaire, et qu'à cet égard, les Dardanelles doivent être considérées comme le port de Constantinople, ainsi que l'Estaque, vis-à-vis de Marseille. Sentence du 21 octobre 1781, rendue par notre amirauté, qui condamna les assureurs à payer la perte. Arrêt du mois de juin 1782, au rapport de M. de la Salle, qui confirma cette

sentence.

Cinquième cas. Le capitaine Etienne Vian du Lieu, de la Ciotat, s'était fait assurer 3,000 liv. sur le corps de la polacre la Fortunée, par lui commandée, de sortie de Marseille jusqu'en Syrie, allant avec escorte, autrement, assurance nulle.

Lorsque la polacre fut parvenue à la hauteur de l'île Cerigo, elle fut séparée du convoi par un coup de vent. Elle continua sa route sans escorte. Elle fut prise et conduite à Alexandrette, où le capitaine Vian fit son consulat dûment vérifié.

Il présenta requête au lieutenant de l'amirauté de la Ciotat, contre ses assureurs, en paiement de la perte. Ceux-ci attaquèrent la foi du consulat. Une enquête fut ordonnée par une première sentence. Des témoins furent entendus. Autre sentence rendue le 3 février 1781, qui ordonna que par experts, il serait vérifié si, eu égard aux circonstances du fait décrites dans le consulat, et résultantes de l'enquête, le capitaine avait pu ou non se réunir au convoi.

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Il appela de cette dernière sentence, prétendant, 1°. que le rapport ordonné était un second interlocutoire, non admissible en justice; 2°. que des experts, qui ne s'étaient pas trouvés à bord lors de l'accident, étaient hors d'état d'en juger. Arrêt du 28 mai 1782, au rapport de M. de Beauval, qui confirma la sentence.

Cette affaire est encore en instance. Si les experts décident que la polacre eût pu rejoindre le convoi, l'assurance sera déclarée nulle vis-à-vis des assurés; mais cette nullité ne refluera point contre les assureurs, à qui l'entière prime sera acquise, parce qu'ils avaient commencé à courir les risques maritimes, qui auraient cessé à leur égard par la rupture volontaire du voyage qualifié. Sixième cas. Par deux polices du 22 mars 1782, les sieurs Peschier et Bouillon firent assurer, pour compte d'ami, 164, 108 liv. sur les facultés du navire hollandais appelé de Jonge Jacobs et Albertas, capitaine Christophle Teunes, « de sortie de Surinam jusqu'en un port de France, où le navire » fera son entière décharge, permis de toucher aux Iles françaises de l'Amérique; étant d'accord les parties que ledit navire partira, ou sera parti, » tant de Surinam que des Iles françaises, s'il y a relâche, sous escorte de » bâtimens du roi à défaut, la présente assureté deviendra nulle. »

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Nota. La signature du premier assureur de l'une et de l'autre police contenait la clause indéfinie, avec obligation d'escorte, sans autre spécification.

Par deux autres polices des 3 et 6 avril suivant, les sicurs Peschier et Bouillon firent assurer 141,200 liv. sur les facultés du navire hollandais de Vrouwe Maria et Elisabeth, capitaine Bartel Vos, de sortie de Surinam, jusques dans un port de France, où le navire fera son entière décharge, permis de toucher aux Iles françaises de l'Amérique. Sont d'accord les parties que ledit navire partira, ou sera parti, tant de Surinam que des Iles françaises, sous escorte de bâtimens de roi à défaut, assurance nulle. » Nota. Le premier signandaire de la police du 3 avril écrivit la clause indéfinic, avec la condition d'escorte, tant de Surinam que des Iles françaises. Les assurés s'étant aperçus de l'équivoque que les mots de roi ou du roi vaient faire naître, en firent part à leurs assureurs, qui tous, à l'exception d'un seul, souscrivirent l'avenant dont voici la teneur: « Nous soussignés, > assureurs à MM. Peschier, Bouillon et compagnie, par polices des 22 mars, 3 et 6 avril derniers, de sortie de Surinam jusques dans un port de France, › sur facultés des navires hollandais appelés de Jonge Jacobs et Albertas, capitaine Christophle Teunes, et de Vrouwe Maria et Elisabeth, capitaine . Bartel Vos, déclarons avoir été avertis cejourd'hui que lesdits navires par

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tiraient, et seraient escortés dans leur navigation d'un ou plusieurs bâtimens de guerre, français ou hollandais, ou des deux nations conjointement. Marseille, le 1. juin 1782. »

Les sieurs Charles et Louis Sales, assureurs dans la police du 3 avril, refusèrent de signer cet avenant; et par une requête qu'ils présentèrent au tribunal de l'amirauté, ils requirent qu'il fût ordonné que le risque par eux pris n'aurait lieu que dans le cas où le navire assuré partirait avec escorte de bâtimens au service du roi de France, si mieux on n'aimait annuler et résilier le risque.

Ils disaient, 1°. que par bâtimens de roi, ils n'avaient entendu que ceux au service du roi de France; que nous ne reconnaissons d'autre roi que notre souverain, et que par un arrêt du 27 mai 1699, le Parlement de Paris avait défendu aux officiers du Bar de donner au roi le surnom de très-chrétien: ce qui semblait indirectement attribuer au duc de Lorraine la souveraineté dans le Barroi. Journal des audiences, tom. 4, pag. 783.

2°. Que lorsque l'assurance dont il s'agit fut faite, le vaisseau de guerre français commandé par M. de Kersin, était à Demerary et Essequibo, possession hollandaise, près de Surinam.

3°. Que le pacte devait être entendu tel qu'il avait été stipulé, etc.

Les sieurs Peschier et Bouillon répondaient, 1°. que par bâtimens de roi on n'avait entendu rien de plus que des bâtimens de guerre; d'autant mieux qu'il s'agissait de deux navires hollandais qui, partant d'une colonie hollandaise, devaient naturellement être escortés par des bâtimens de guerre de la république.

2°. Que lors de la souscription des polices, il n'avait pas été question de M. de Kersin, lequel d'ailleurs n'était pas à Surinam.

3°. Que tous les assureurs avaient expliqué par l'avenant le véritable sens de la police, etc.

Par sentence du 28 du même mois de juin 1782, la cause fut renvoyée au premier jour après l'événement, c'est-à-dire après l'arrivée ou la perte connue du navire.

Mais les sieurs Sales avaient intérêt de savoir s'ils devaient ou non recourir à la réassurance. Les sieurs Peschier et Bouillon avaient intérêt de savoir s'ils devaient ou non se faire assurer de nouveau. La justice ne refuse jamais son secours à ceux qui ont un sujet apparent de l'implorer, › et puisque ce secours n'est autre chose que l'action même qu'elle accorde,

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» la mesure de la capacité d'intenter cette action est toujours la même que » celle de l'intérêt de celui qui l'intente. M. d'Aguesseau, tom. 3, pag. 690. Les parties eurent recours à M. Gignoux et à moi. Nous décidâmes la question contre les sieurs Sales, par sentence arbitrale du 13 juillet suivant. L'intention évidente, tant des assureurs que des assurés, avait été que les vaisseaux navigueraient sous une escorte capable d'écarter les corsaires.

Les mots indéfinis, avec obligation d'escorte, insérés dans la première signature, laquelle régit toutes les autres, expliquaient le pacte contenu dans la police. Suprà, ch. 2, sect. 4, S 2.

L'avenant signé par tous les assureurs, à l'exception d'un seul, faisait assez connaître le véritable sens du contrat.

Enfin, les bâtimens d'une république sont de vrais bâtimens de roi. Car le souverain est, ou un homme seul, ou une multitude d'hommes réunis en un conseil, et ne formant qu'une volonté. Les Romains étaient un peuple roi populus rex. On ne peut disputer le même titre aux états républicains. Dans la démocratie, la majesté est l'attribut du peuple entier; dans l'aristocratie, elle est l'attribut du collège des grands; et dans la monarchie, elle est l'attribut du monarque : Patet in democratia majestatem convenire populo universo; in aristocratia, collegio optimatum; in monarchia et regno, regi. Wolff, $ 898.

Vid. Burlamaqui, Principes du droit politique, part. 1, ch. 5, no. 3. Grotius, lib. 1, cap. 3, § 7. Esprit des lois, liv. 2, ch. 2, etc.

Nous décidâmes donc que les sieurs Sales devaient être déboutés de leur requête, et continuer de courir le risque par eux souscrit.

On a vu dans la section première du présent chapitre que le sieur Roland l'aîné fut condamné à courir sur le navire le César, capitaine la Tournerie, le risque qu'il avait pris sur le même navire, auparavant appelé la Poste, capitaine Roger. Il est vrai qu'en règle générale, il n'est pas permis de plaider pour un intérêt futur, ni d'intenter une action non encore née. L. 35, ff de judiciis. L. 36, ff de reb. cred. L. 13, § 1, ff de pign. et hypot. Cujas, sur la loi 23, ff de judiciis, et sur la loi 76, ff de verb. oblig.

Mais cette règle n'a pas lieu lorsqu'il y a péril dans la demeure, et qu'il s'agit de prévenir un mal dont on est menacé. C'est alors le cas de l'action de damno infecto; et voici comme parle Mantica, de tacitis, lib. 14, tit. 42, no. 3, tom. 2, pag. 217: Non potest priusquàm agere ante implementum conditionis,,etiam ad affectum, ut reus, conditione impleta, condemnetur. Quod intel ligitur, nisi periculum sit in mora, si implementum conditionis expectetur.

Les sieurs Sales acquiescèrent à notre sentence arbitrale, et se firent réas

surer.

Par ce moyen, les deux parties furent satisfaites. Le triomphe de la justice est de prévenir les procès, ou de les éteindre dans leur principe.

Septième cas. En juillet 1782, on avait fait des assurances sur un navire, de sortie de Marseille jusqu'aux détroits de Gibraltar, et dans la police il était dit que le navire partirait de Marseille sous l'escorte d'un bâtiment de roi; autrement, assurance nulle.

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Une frégate, chargée de munitions de guerre pour Algésiras, se trouvait à l'Estaque, Le navire assuré mit à la voile sous les auspices de cette frégate, qui lui accorda protection, et qui partit en même tems.

Consulté sur ce cas, je fus d'avis que si le navire était pris par les ennemis, les assureurs seraient fondés à refuser le paiement de la perte; car autre chose est d'être sous l'escorte d'un bâtiment de roi, et autre chose est de naviguer simplement sous ses auspices. Je conseillai donc à l'assuré, ou de faire signer aux assureurs un avenant qui leur expliquât la nature de l'escorte dont il s'agissait, ou de leur proposer de rayer leur signature. Une frégate, obligée de remplir en diligence sa mission, ne peut, pendant le ralentir sa marche pour se conformer à celle d'un navire marchand, ni s'arrêter pour combattre des corsaires.

voyage, ni

roi.

$ 3. Enonciation que

Lors de la guerre de 1755, les sieurs Rigaud, Vernet et compagnie, frétèrent le navire l'Archange Saint-Michel aux commissionnaires de l'armée, le navire est nolisé et firent faire des assurances sans expliquer la nature de cet affrétement, pour le compte du qui était très-propre à aggraver le risque. En effet, les munitionnaires se trouvèrent soumis à des ordres supérieurs, dans l'exécution desquels le navire fit naufrage à la plage de Nice. Les assureurs furent déchargés de la perte par arrêt du Parlement d'Aix. Notes de M. Pazery.

Si le navire qu'on fait assurer n'avait pu totalement être radoubé dans le lieu du départ, et que cette circonstance fût connue de l'assuré lors de l'assurance souscrite, il serait obligé d'en faire mention dans la police. Mais si la chose lui était inconnue, on ne saurait lui faire un crime de n'en avoir pas parlé, pourvu toutefois que le navire n'eût pas mis à la voile dans un état d'innavigabilité. Infrà, ch. 12, sect. 38.

J'ai vu faire des assurances sur un navire déclaré innavigable à Gênes, et qui fut ramené côte à côte jusqu'à Marseille. Si ce navire eût fait naufrage, les assureurs auraient été condamnés à payer la perte, attendu que l'état de ce vaisseau leur avait été manifesté.

$ 4. Vaisseau qui, lors de l'assurance,

se

trouve en mauvais

état.

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