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vire, n'anéantit point l'assurance. Ainsi jugé par trois sentences des 20 juillet, 3 septembre et 2 décembre 1748.

M. Valin (à qui j'avais envoyé copie de mes adversaria ) rapporte, sur l'art. 52, titre des assurances, les deux premières de ces sentences. Il les qualifie d'arrêts d'Aix: c'est une erreur qui doit être mise sur le compte du copiste.

Casaregis, disc. 68, n°. 6, estime que la clause ou autre pour lui, ne comprend pas le capitaine de nation différente, et sur-tout d'une nation qui est en guerre avec une autre.

La barque Mater divinæ gratiæ fut armée à Nice pour Cayenne, sous le commandement du capitaine. Laurent-Nicolas Lieutaud, Niçard, ou autre pour lui. Toucas et Senés, de Nice, y chargèrent diverses marchandises destinées pour Cayenne. Cette barque toucha à Marseille. Pour la mettre à couvert des Barbaresques, on fit des expéditions simulées, qui énonçaient pour capitaine Jean Gabert, Français de nation..

Cependant Senés et Toucas, qui s'étaient rendus à Marseille, où ils avaient concouru aux expéditions simulées, firent assurer pour leur compte 15,700 liv. sur les facultés de ladite barque, capitaine Lieutaud, de Nice, ou autre pour lui.

La barque remit à la voile. Le pavillon de France la sauva des Barbaresques, mais il la fit tomber entre les mains des Anglais : Incidit in Scyllam, cupiens vitare Charibdim. Les Anglais, considérant Jean Gabert, Français de nation, comme le véritable capitaine, confisquèrent le bâtiment et les marchandises. Les assureurs soutinrent qu'ils avaient assuré un neutre, et que la clause de la police ou autre pour lui ne pouvait comporter qu'un capitaine de nation neutre, et non un capitaine français, dont la personne avait occasionné la confiscation du navire. Sentence du mois de janvier 1763, qui les mit hors de Cour et de procès; car ce qui tend à aggraver le risque des assureurs doit leur être manifesté avant qu'ils souscrivent l'assurance, et il est juste qu'ils connaissent l'étendue des hasards dont ils se rendent responsables.

$ 2.

La clause ou autre

La clause ou autre pour lui n'est pas de droit. Si on a omis de l'insérer dans la police, les assureurs sont déliés de toute obligation, par cela seul que, sans pour lui n'est pas leur aveu, le capitaine a été changé, à moins que ce changement n'ait été fait par nécessité pendant le cours du voyage. Infrà, sect. 3.

CONFÉRENCE.

LVIII. On prévient toutes les difficultés qui pourraient survenir en raison du changement de capitaine, soit avant, soit après le départ du navire, par la clause que l'on insère ordinairement dans les polices, ou autre pour lui. Cette clause générale et indéfinie, ou autre

sous-entendue.

pour lui, ou tout autre à sa place, est très-ancienne; elle se trouve dans la plupart des formules d'assurances maritimes. Par cette clause, l'assureur écarte la condition que le commandement du navire ne sera confié qu'au capitaine dénommé dans la police. Mais il faut absolument que cette clause soit insérée dans la police; elle n'est pas de droit, comme l'observe Emérigon. D'ailleurs, il ne faut point perdre de vue que l'on ne saurait subroger un capitaine d'une autre nation. Si le navire est français, le capitaine doit être français. Si au contraire le navire est neutre, la clause de la police, ou autre pour lui, ne peut comporter qu'un capitaine de nation neutre, sur-tout si l'assurance est faite en tems de guerre, – (Voyez Valin, sur l'art. 52, assurances).

SECTION II.

Erreur dans le nom du Capitaine.

LES sieurs Blanc frères avaient pris un premier risque sur les facultés de la barque Sainte-Thérèse, capitaine Hyacinthe Jansolem.

Ils prirent un nouveau risque de 1,000 liv. sur la même barque, capitaine (fut-il dit) Hyacinthe Solem.

Cette barque, dont le capitaine s'appelait Jansolem, et non pas Solem, fut prise.

Requête de la part de Louis Aycard et de la veuve Orgeas, assurés, en paiement des sommes assurées par les frères Blanc. Ceux-ci prétendirent que la seconde assurance était nulle, à cause de l'erreur du nom du capitaine, et que s'ils avaient su que ce fût le même bâtiment, ils n'auraient pas pris le second risque.

Les assurés répondaient que l'erreur était facile à apercevoir, et que d'ailleurs la dénomination du capitaine était indifférente, attendu la clause ou autre pour lui, insérée dans la police.

Sentence du 13 juin 1758, qui donna gain de cause aux assurés, pour lesquels M. Gignoux écrivait. Elle fut acquiescée.

Au chapitre précédent, sect. 1, j'ai rapporté l'arrêt rendu contre le sieur Roland, où l'on a vu que le nom du capitaine Roger avait été changé en celui de Jean-Baptiste la Tournerie.

La formule de Londres prévient cette difficulté, en énonçant que le maître du navire est (un tel) ou tel autre en sa place, et sous tel autre nom que le » capitaine est ou pourra être appelé. »

CONFÉRENCE.

LIX. Il est certain que si le navire était suffisamment connu, l'omission du nom du capitaine, ou l'erreur sur ce nom, ne vicierait pas la police, du moins par défaut d'indication. La dénomination spécifique du maitre n'est pas absolument de l'essence du contrat. Mais cette doctrine, qui est celle de tous les auteurs, ne doit néanmoins être suivie que dans les cas où il n'y a ni dol, ni surprise.

SECTION III.

Après le départ, le changement du Capitaine est-il permis?

SUIVANT le droit commun, est-il permis au capitaine, dans le cours du voyage, de subroger un autre capitaine en sa place? L. 1, § 5, ff de exercit.

act.

Quoique les propriétaires aient prohibé au capitaine d'en subroger un autre, le navire n'en est pas moins obligé envers le tiers qui, de bonne foi, a contracté avec le capitaine subrogé. D. L. 1, § 5.

Mais le capitaine qui, sans nécessité et sans l'aveu des propriétaires, en subroge un autre, répond des faits du subrogé envers les armateurs. Stypmannus, part. 4, cap. 15, no. 106. Roccus, de navib., not. 3. Kuricke, quest. pag. 869. Targa, cap. 12, no. 25. Casaregis, disc. 115, 225 et 226.

15,

Roccus, de navib., not. 4, dit que si, pendant le voyage, le capitaine meurt ou devient impotent, l'équipage peut en élire un autre.

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«

La déclaration du 21 octobre 1727, art. 25, veut qu'en cas de mort , ou de débarquement du capitaine dans les pays étrangers, pour raison ⚫ de maladie ou autrement, le commandement du navire appartiendra à celui qui sera en second sur icelui, sans qu'il puisse être donné à aucuns capi› taines qui se trouveront dans les pays étrangers.......... Permettons néan› moins aux propriétaires et armateurs des vaisseaux qui se trouveront dans › ledit cas, d'envoyer de France des capitaines pour commander leurs vais› seaux, sans qu'aucuns de ceux qui pourront se trouver dans lesdits pays étrangers puissent être choisis pour avoir ledit commandement ; et voulons › qu'avant de faire partir de France lesdits capitaines, lesdits propriétaires ⚫ et armateurs soient tenus d'en aller faire déclaration au bureau des classes,

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› dont il leur en sera donné certificat signé de l'officier des classes,

lequel

⚫ contiendra le nom du capitaine, maître ou patron choisi par eux, son signalement, et le folio du registre où il sera porté.

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Il arrive quelquefois qu'ensuite des ordres des armateurs, le capitaine, parvenu, par exemple, aux Iles françaises ou au continent anglo-américain, reste sur le pays pour y gérer la cargaison d'entrée, et fait partir le navire sous le commandement de son second. Cela est permis. L'objet des assurances ne fut jamais de gêner la spéculation des armateurs. Toutes les' fois que les assureurs se sont plaints de ce changement de capitaine, leur exception a été rejetée. Infrà, ch. 13, sect. 19.

Voici, en pareil cas, l'usage qu'on observe aux lles françaises de l'Amérique : Le capitaine présente requête au juge; il demande que, relativement aux pactes de son raccord, il lui soit permis de délaisser à son second le commandement du navire. Sur cette requête, et d'après les conclusions du procureur du roi, le juge autorise le capitaine à expédier, le navire sous le commandement du second, à la charge par celui-ci d'observer les formalités prescrites par l'Ordonnance.

En conséquence, le capitaine subrogé se présente au juge; il déclare accepter la qualité qui lui est déférée, et promet de se conformer pendant le voyage aux Ordonnances de la marine; de quoi acte lui est concédé en présence et du consentement du procureur du roi.

Nota. Je ne connais aucun réglement qui prescrive pareille formalité. Elle n'est pas de rigueur. Le capitaine en second devient ipso jure capitaine en premier, dès que le capitaine abandonne le commandement du navire, pour quelque cause que ce soit; et je crois que jamais, en aucun cas, les assureurs ne peuvent se plaindre du changement de capitaine, attendu la clause générale et indéfinie ou autre pour lui, pourvu que ce subrogé soit un Français revêtu de la qualité de capitaine; car si c'était ou un étranger, ou un simple officier, à qui, sans nécessité, le commandement du navire eût été laissé, les assureurs ne seraient pas responsables du sinistre qu'on pourrait imputer à l'impéritie d'un pareil conducteur. Ils ont dû se flatter que le navire serait commandé par un capitaine de capacité reconnue. La maitrise est une présomption légale de capacité dans celui à qui elle a été solennellement déférée.

CONFÉRENCE.

LX. On sait, sans doute, qu'il arrive souvent que d'après les ordres des armateurs, le capitaine reste aux colonies pour y gérer la cargaison d'entrée, et fait partir le navire sous

Je commandement de son second; mais on ne doit pas adopter entièrement l'opinion d'Émérigon, quoiqu'elle soit bien imposante. Il faut distinguer à cet égard;

Si la police porte le nom du capitaine, sans la clause ou autre pour lui, les assureurs sont bien en droit de se plaindre, et leurs exceptions doivent être admises. En effet, l'assureur traite ou ne traite pas à tel prix, suivant l'étendue des risques que lui présente la nomination de tel ou tel capitaine. Il n'aurait pas souscrit une assurance à prime liée, s'il avait su que le capitaine de l'aller ne serait pas celui du retour. Sa confiance reposait sur l'habileté du capitaine désigné, et il n'aurait point déposé ses intérêts dans la personne du second, qui ne lui offrait pas la même garantie. L'engagement des parties a été contracté sous la foi que le navire serait toujours commandé, pendant le voyage, par le capitaine dénommé. Ce changement ayant été fait sans avoir prévenu l'assureur avant le départ, c'est, selon nous, le cas de faire l'application de l'art. 1184 du Code civil.

Mais si la police contient la clause ou autre pour lui, ou tout autre à sa place, c'est le cas d'appliquer la doctrine d'Émérigon. Attendu cette clause indéfinie, les assureurs ne peuvent se plaindre du changement du capitaine, pourvu néanmoins que le subrogé soit Français et revêtu de la qualité de capitaine; car si c'était un simple officier, ou un étranger, à qui, sans nécessité, le commandement d'un navire français eût été laissé ou donné, les assureurs ne seraient pas responsables du sinistre qu'on pourrait imputer à l'impérite d'un pareil conducteur. D'ailleurs les réglemens d'administration et de police maritime s'y opposent. Ils exigent que tout navire français soit commandé par un capitaine français de capacité reconnue, et la maitrise donne seule cette présomption légale de capacité. (Voyez les lois des 9 vendémiaire an 2 3 brumaire an 4; l'arrêté du 11 thermidor an 10; la déclaration du roi, du 21 octobre 1727; la loi du 13 mai 1791; la proclamation du roi, du 1a. juin suivant; les décrets des 21 septembre 1793 et 9 octobre suivant; voyez aussi notre Cours de droit maritime, tom. 1, pag. 258 et 374, et tom. 3, pag. 325 et suivantes).

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Cependant il faut excepter le cas où, en cours de voyage, le capitaine abandonne le commandement pour quelque cause que ce soit; alors, et dès ce moment, le capitaine en second devient, ipso jure, capitaine en premier, parce qu'il y a dans cette hypothèse nécessité. La nécessité est un des cas fortuits et de force majeure qui excusent la personne obligée d'avoir fait ce qui lui était interdit. — ( Argument de l'art. 1148 du Code civil).

SECTION IV.

Des Personnes qui peuvent commander ou acquérir des vaisseaux

français.

LE Droit anséatique, tit. 1, art. 1, prohibe aux étrangers de faire construire des navires sans la permission spéciale du magistrat du lieu. Ibiq. Kuricke, pag. 686.

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