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Loccenius, lib. 1, cap. 2, no. 3, attesté qu'en divers autres pays,

il y a des lois semblables, dont l'objet est de favoriser le citoyen, et de le mettre à couvert de la concurrence de l'étranger.

Le fameux acte de navigation publié par Cromwel, le 9 octobre 1651, et revêtu de l'autorité royale sous Charles II, le 23 septembre 1660, défend, en l'art. 1, « d'importer et d'exporter aucunes denrées dans les colonies ap› partenant ou qui appartiendront au roi d'Angleterre, en Asie, Afrique et Amérique, que dans les vaisseaux qui appartiendront véritablement et réelle»ment aux Anglais, et dont le maître et les trois quarts des matelots, au moins, seront Anglais. »

L'édit pour l'affranchissement du port de Marseille, donné en mars 1669, veut que les étrangers et autres personnes de toutes nations et qualités puis› sent aborder à Marseille et entrer avec leurs vaisseaux, bâtimens et marchandises, les charger et décharger, y séjourner, magasiner, entreposer, et en sortir par mer librement, quand bon leur semblera, etc. »

Cet édit ajoute que les marchands étrangers qui fixeront dans Marseille leur domicile, seront, après un certain tems, censés naturels Français, réputés bourgeois d'icelle, et rendus participans de tous leurs droits, privileges et exemp

tions.

Par le réglement du 1. mars 1716, art. 11, il fut ordonné que les vaisseaux bâtis dans les ports du royaume ne pourront appartenir qu'à des Français domiciliés dans le royaume, sans qu'aucun étranger y puisse avoir part.

Les déclarations du mois d'août 1718, et février 1720, révoquèrent les lettres de naturalité qui avaient été accordées aux étrangers qui ne faisaient pas leur résidence actuelle dans le royaume, et il fut ordonné que les étrangers naturalisés ne pourraient commander des bâtimens français qu'après avoir justifié de leur résidence actuelle pendant quatre années consécutives.

Ces différens réglemens n'ayant pas fait cesser les abus qui se commettaient au sujet du pavillon français, une déclaration du mois de janvier 1726 interdit le commandement des bâtimens français à tous étrangers naturalisés. Ces étrangers ne venaient dans le royaume que pour commander des bâtimens, y profiter de l'avantage du pavillon, et faire passer dans leur pays, au détriment de l'Etat, le profit qu'ils faisaient dans la navigation.

Cependant, malgré l'interdiction prononcée, les étrangers continuaient de faire naviguer sous pavillon français les bâtimens qui leur appartenaient, en y mettant à leur place des capitaines français, avec lesquels ils s'embarquaient pour écrivains, supercargues, ou en qualité d'officiers mariniers, à

l'effet de diriger eux-mêmes leur commerce. Ils trouvaient même des Français qui leur prêtaient le nom, pour l'achat ou la construction des bâtimens. Pour faire cesser des abus si multipliés, Sa Majesté fit publier, sur cette matière, une dernière déclaration. C'est celle du 21 octobre 1727.

L'art. 17 défend aux capitaines d'embarquer pour écrivain, chirurgien, supercargue, nocher ou officier marinier, aucun étranger, même naturalisé, soit par lettres - patentes, soit par l'édit du port franc, à peine de 500 liv. d'amende pour chaque étranger ou naturalisé qui aura été embarqué en d'autre qualité qu'en celle de matelot ou de passager.

Par les art. 18 et 19, le roi fait défenses à tous ses sujets de donner le commandement de leurs bâtimens à aucun capitaine étranger, ou naturalisé, et même à aucun Français marié dans les pays étrangers avec une fille étrangère, à peine de 1,000 liv. d'amende.

L'art. 20 veut que les capitaines qui se marient dans les pays étrangers à des filles étrangères, soient déchus de leur qualité de capitaine.

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Enfin, l'art. 26 s'exprime en ces termes : Voulons qu'il n'y ait que les › Français nés dans notre royaume, qui puissent être propriétaires des bâtimens qui navigueront sous notre pavillon, à peine de confiscation de la › part qui pourra appartenir aux étrangers, même aux naturalisés et aux Français mariés dans les pays étrangers à des filles étrangères, dans la propriété desdits bâtimens, et de 2,000 liv. d'amende, et aussi de 3,000 liv. d'amende contre nos sujets qui leur prêteront leurs noms, et de 6,000 liv. › en cas de récidive. »

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Tel est à cet égard l'état actuel des choses. J'ai vu diverses procédures prises en notre amirauté contre des prête-noms et leurs complices. On les condamne à la confiscation et aux amendes prononcées par la déclaration de 1727.

Si quelque étranger naturalisé veut jouir du pavillon français, il a besoin de la permission spéciale du prince, adressée à M. l'amiral, et enregistrée en l'amirauté.

CONFÉRENCE.

LXI. Aux édits, réglemens et déclarations du roi, rapportés par Emérigon, il faut ajouter la loi du 13 mai 1791, la proclamation du roi du 1". juin suivant, les décrets des 21 septembre 1793 et 27 vendémiaire an 2, etc. (Voyez les prolegomènes du tit. 3 de notre Cours de droit commercial maritime, tom. 1, pag. 247).

T. I.

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$1.

SECTION V.

Du Grade et de l'Autorité du Capitaine.

Le titre de maître, magister, est un titre d'honneur, d'expérience et de bonnes Le grade de capitaine marchand est maurs, dit Cleirac, sur l'art. 1o. des Jugemens d'Oléron. très-honorable.

Différence entre

patron et capitaine.

Targa, cap. 12, pag. 36, dit que le grade du capitaine qui commande un navire armé, soit en guerre, soit en marchandises, est un poste de dignité, et que les capitaines marchands jouissent de tous les priviléges militaires : Il posto di capitano di nave, è dignita............ godendo esso di tutti li privilegi militari.

Magister navis miles existimatur; ideòque omnibus privilegiis militaribus gaudet. Roccus, de navibus, not. 7.

Cet état demande autant d'expérience que de théorie dans l'art de la navigation. Il faut qu'un capitaine ait le talent de commander et de se faire obéir. S'il est attaqué par les ennemis ou par des pirates, il a besoin de toute l'intrépidité du militaire. Supérieur aux accidens extraordinaires, son courage doit dissiper les craintes, ramener le calme dans les esprits, animer les bras les plus timides, et vaincre la fortune.

D'autres devoirs moins brillans, mais non moins essentiels, lui sont imposés. Il faut qu'il ait soin de son navire et de la marchandise; qu'il veille à la conservation des victuailles, à la santé de son équipage, au bon ordre, et à la plus exacte discipline. Il faut qu'il sache user de l'autorité que la loi lui donne. Il est magistrat dans son bord, et le pavillon qu'il arbore lui défère tous les pouvoirs que les circonstances rendent nécessaires.

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S'il est chargé de la vente et des achats, il faut qu'il devienne négociant, et qu'il en remplisse tous les devoirs pour l'avantage de ses armateurs. L'Ordonnance ne fait aucune différence entre patron et capitaine. Mais dans l'usage on appelle capitaines ceux qui commandent sur les vaisseaux du roi » équipés en guerre on donne le même nom à ceux qui commandent sur › les vaisseaux des armateurs, qui obtiennent des commissions pour avoir la liberté de faire des prises sur les ennemis, ou de les rançonner. On nomme ⚫ aussi capitaine celui qui commande sur un vaisseau marchand destiné à un › voyage de long cours; mais ceux qui commandent sur des barques mar

chandes, ou sur des vaisseaux marchands qui ne forit pas de longs trajets, › se nomment, sur l'Océan, maîtres, et sur la Méditerranée, patrons. » Praticien des juge et consuls, pag. 386.

Targa, cap. 12, n°. 43, dit que ceux qui commandent des barques et autres bâtimens destinés pour le petit cabotage, sont de simples patrons de navigation, et qu'il y a une extrême différence entre ceux-ci et les capitaines : Chi li commanda, non è propriamente capitano, mà patron di navigatione; e vi è differenza, come dal cavallo all'asino che se ben tutti son quadrupedi, niente di meno il primo è destinato per cavagliere, il secondo per cavallari da condotta ; quello porta la sella, questo il basto.

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Appartiendra au maître de faire l'équipage du vaisseau, et de choisir

S 2.
Est-ce au capitaine

» et louer les pilotes, contre-maître, matelots et compagnons; ce qu'il fera à choisir l'équipage?

» néanmoins de concert avec les propriétaires, lorsqu'il sera dans le lieu de

» leur demeure. » Art. 5, titre du capitaine.

La première partie de cet article est prise du Consulat de la mer, ch. 55 et 195; du Droit anséatique, tit. 3, art. 2; et du Guidon de la mer, ch. 15, n°. 2. Cleirac, aux Jugemens d'Oléron, § 13, no. 9, dit « qu'il appartient au maître de composer son équipage, et faire élection des compagnons » dont il a besoin, le bourgeois ni nul autre ne le pouvant astreindre d'en prendre aucun s'il ne lui plaît.

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La seconde partie de l'article est copiée de l'ancienne Ordonnance de la Hanse teutonique, n°. 16. « Avant que de pouvoir arrher ou prendre aucun » matelot ou pilote, le maître doit être d'accord des gagès qu'il lui doit donner, avec le bourgeois. »

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Dans le ch. 12, sect. 5 et 6, j'examinerai si le capitaine répond des méfaits de l'équipage et des passagers. Je traiterai, dans le même chapitre et ailleurs, plusieurs autres points concernant le capitaine.

CONFÉRENCE.

LXII. Le capitaine exerce une espèce de magistrature à son bord; il doit être respecté de son équipage. Les lois nouvelles comme les anciennes lui défèrent une puissance et une sorte de jurisdiction capables de conserver ou de rappeler le bon ordre dans le navire : Ad magistrum pertinet disciplina.

sur l'art. 22, L'obéissance envers le maître, dit Valin, titre du capitaine, a été perpétuellement recommandée à l'équipage. Sous l'empire de l'Ordonnance, le capitaine avait le pouvoir d'infliger certaines peines aux mutins, ivrognes et désobéissans, etc., de faire donner

la cale, mettre à la boucle et autres semblables corrections que les auteurs appellent corrections modiques. (Art. 22 ci-dessus cité).

Mais aujourd'hui cette punition est circonscrite dans les bornes prescrites par l'art. 1 du tit. 2 de la loi du 22 août 1790, qui ne reconnaît plus la cale comme peine de discipline, mais comme peine afflictive. Au reste, les lois sur la discipline et la répression des délits maritimes s'appliquent à ceux qui servent sur les navires marchands. (Voyez instruction du ministre de la marine, du 28 brumaire an 7).

Ces peines de discipline ne peuvent néanmoins être ordonnées que de l'avis du pilote, du contre-maître et des autres officiers majors. Et si un capitaine se portait arbitrairement à des excès contre un matelot, il serait susceptible lui-même de punition et d'interdiction de tout commandement, et d'être condamné à tous dommages et intérêts. (Art. 32 de la loi du 22 août 1790).

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Quant à la poursuite des crimes, le capitaine doit, assisté de ses officiers constituer prisonnier le délinquant, dresser procès-verbal, recueillir les informations, faire les actes urgens et nécessaires pour l'instruction du procès, et remettre le prévenu avec les pièces de conviction entre les mains de la justice, au premier port où il abordera, pour être jugé suivant les lois. (Art. 23, titre du capitaine, de l'Ordonnance).

Le capitaine est nommé par le propriétaire ou les propriétaires, comme il est dit par l'art. 220 du Code de commerce, dans le nombre de ceux qui ont les qualités requises pour commander.

La nomination du capitaine forme entre lui et le propriétaire un contrat de mandat qui produit des obligations respectives.

Le capitaine contracte en outre des obligations personnelles envers ceux dont il reçoit les marchandises.

Il a seul, en cours de voyage, les actions du navire qu'il commande.

C'est pour lui un devoir rigoureux de les exercer et de veiller au salut de l'expédition. Enfin, le propriétaire, en donnant au capitaine le commandement du navire, est censé l'avoir autorisé à faire, en son absence, tout ce qu'il jugera convenable pour le salut du bâtiment et le succès de l'expédition, et avoir accédé d'avance à toutes les obligations qu'il contractera à ce sujet.

La loi nouvelle lui donne également le droit, comme l'Ordonnance, de former l'équipage du vaisseau, et de choisir et louer les matelots et autres gens de l'équipage; ce qu'il fera néanmoins de concert avec les propriétaires, lorsqu'il sera dans le lieu de leur demeure. · (Art. 223 du Code de commerce, et art. 5, titre du capitaine, de l'Ordonnance). En effet, la liberté laissée au capitaine ne doit pas aller jusqu'à compromettre les intérêts des propriétaires. Si ces derniers sont présens, il agira donc de concert avec eux. Cette liberté accordée au capitaine, ne doit avoir lieu que pour le choix des hommes; car pour les conditions de l'engagement, il doit suivre entièrement la volonté des propriétaires.

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