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voulu le faire, et qu'à son refus, un parent ou un ami ait été autorisé magistrat à fournir ses deniers pour remplir cet objet.

par le

2o. La femme ne pourra demander aux héritiers de son mari, ni donation de survie, ni douaire, ni alimens viduaux, avant que celui qui a prêté ses deniers pour le rachat du défunt ait été remboursé. Elle ne conserve ses premiers droits et priviléges que pour la dot proprement dite; de quoi il serait permis de douter, si l'Ordonnance ne l'avait pas ainsi déterminé. Vid. Catelan, liv. 4, ch. 1.

. Pourront aussi les mineurs, par avis de leurs parens, contracter semblables obligations, pour tirer leur père d'esclavage, sans qu'ils puissent ⚫ être restitués. » Art. 14, titre des assurances.

Le mineur qui s'oblige pour juste cause, et d'après les règles établies par le droit commun, n'est pas au cas de la restitution: Non videtur circumscriptus esse minor, qui jure sit usus communi. L. 9, C. de in integ. rest. min. L'exception établie par le sénatus-consulte Macédonien n'a pas lieu lorsque le fils de famille emprunte de l'argent pour cause nécessaire: In filio familiâs Macedonianum cessat, si in necessarias causas filius mutuam pecuniam acceperit. L. 47, § 1, ff de solut.

CONFÉRENCE.

LXVI. Si l'art. 12 de l'Ordonnance permettait à la femme de valablement s'obliger et aliéner ses biens dotaux pour tirer son mari d'esclavage, l'art. 1358 du Code civil permet à la femme d'aliéner l'immeuble dotal pour tirer son mari de prison, à plus forte raison de captivité.

La femme peut exercer cette faculté, soit qu'elle soit mineure ou majeure. Pothier et Duparc - Poullain rapportent des arrêts qui ont validé l'obligation contractée par la femme mineure pour faire sortir son mari de prison. Mais nous pensons que d'après les dispositions de l'art. 1358 du Code civil, la femme doit se faire préalablement autoriser de justice, et que l'immeuble dotal doit être vendu aux enchères. (Voyez Pothier, de la communauté, tom. I, pag. 34, et Duparc-Poullain, tom. 5, pag. 140, no. 178 ).

Sans contredit, cet acte de bienfaisance pourrait être exercé par un étranger autorisé de justice, sur le refus constaté de la femme; et alors l'art. 13 de l'Ordonnance, titre des assurances, recevrait toute son application.

L'art. 14 de l'Ordonnance permettait aussi aux mineurs de contracter par avis de parens, pour tirer leur père d'esclavage, sans qu'ils pussent être restitués, soit tanquàm minores, soit tanquàm læsi. La jurisprudence n'exigeait même l'avis des parens que lorsque le mineur n'était pas émancipé. Mais il faut aujourd'hui suivre à cet égard les dispositions de l'art. 484 du Code civil.

s'engager pour racheter leur père.

Mineurs peuvent

Observation gé

l'esclavage.

SECTION IV.

Prix des Nègres.

L'HOMME est l'image de la divinité. Il est plus précieux que la terre entière nérale au sujet de à laquelle il préside. Il est le sujet d'une modification sublime de la matière et du mouvement, le centre de l'espace, le monument fixe de l'éternité, le type suprême des corps et le contemporain de l'univers. Il paraît donc impossible qu'un être si excellent, qui tient le milieu entre le créateur et les choses créées, pour qui tout ce qui est matière a été fait, puisse devenir une chose, un animal semblable à la jument, une marchandise susceptible d'achat et de vente!

§ 2.

Esclavage chez les Romains.

L'esclavage fut cependant admis chez toutes les anciennes nations, même les plus policées; chez les Egyptiens, les Israélites, les Perses, les Grecs et les Romains.

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Ces derniers, qui avaient fait dans la morale les progrès les plus admirables, avouaient qu'aucun réglement civil n'avait la puissance de détruire le droit naturel Civilis ratio naturalia jura corrumpere non potest. L 8, ff de cap. minut. Et que l'autorité du sénat n'allait pas jusqu'à pouvoir changer l'ordre établi par le créateur: Naturalis ratio auctoritate senatûs commutari non potest. L. 2, S1, ff de usuf. ear. rer.

Ils publiaient que par le droit naturel tous les hommes sont égaux : Quoad jus naturale attinet, omnes homines æquales sunt. L. 32, ff de reg. jur. Malgré cette égalité naturelle et indélébile, les Romains admettaient la servitude. Ils la faisaient dériver du droit des gens. Il est permis, disaient-ils, de tuer les prisonniers de guerre : il est donc permis de les rendre esclaves. SS 2 et 3, inst. de jur. person. Ce principe était faux, ainsi que l'observe très-bien l'auteur de l'Esprit des lois, liv. 15, ch. 2.

La servitude une fois admise, il s'ensuivait que chez les Romains les esclaves étaient considérés comme des choses. L. 32, ff de legat., 2°. L. 8, ff de instr. legat. L. 3, § 13. L. 30, S 4, ff de adquir. et omitt. possess.

Mais quelque gênés que les jurisconsultes romains fussent à cet égard par les idées reçues, ils laissaient échapper des rayons de la lumière qui éclairait leur esprit.

Demandez-leur si l'on peut regarder un esclave comme l'accessoire d'une

chose? Ils répondent que non; et leur décision est fondée sur la dignité de l'homme Propter dignitatem hominis. L. 44, ff de ædil. edict.

La portée des animaux est réputée fruit, aussi bien que le lait, le poil et la laine. Mais l'enfant de la mère esclave n'appartient point à celui à qui l'usufruit de cette esclave a été légué, parce qu'il serait absurde, dit la loi, de mettre au nombre des fruits l'homme en faveur de qui la nature produit tous les fruits de la terre: Absurdum enim videbatur hominem in fructu esse, cùm omnes fructus rerum, natura, gratiâ hominis, comparaverit. § 37, inst. de rer. divis. L. 27, de hæred. petit.

Enfin, l'homme n'est jamais compris sous le nom de marchandise: Mercis appellatione homines non contineri, dit la loi 207, ff de verb. signif.

Les mœurs ainsi adoucies par une sage philosophie, on se plaisait à donner aux esclaves la douce qualification de gens de la famille, familiares. L. 6, $ 5, C. de his qui ad eccles. confugiunt. Les esclaves, confondus en quelque manière avec les enfans de la maison, étaient des commensaux, contubernales, soumis à la puissance du même père de famille. Godefroi, ad d. § 5. Sénèque, epist. 47. Grotius, lib. 3, cap. 14, SS 1 et 5. Chacun d'eux avait son pécule, dont il jouissait, et qu'il possédait aux conditions prescrites par son maître. Plusieurs de ces esclaves étaient éduqués avec soin. Quelques-uns se sont fait un grand nom dans la république des lettres, tels que Térence, Tiron, Phèdre, et autres qui peuvent être mis à la suite de ceux dont parle AuluGelle, lib. 2, cap. 18.

Saint-Paul, portant aux nations la lumière de l'Évangile, n'eut garde de s'élever contre l'autorité légitime des maîtres sur leurs esclaves. Mattres, leur dit-il ( ad coloss. IV. 1), rendez à vos esclaves ce que le droit et l'équité demandent de vous, sachant que vous avez un maître dans le ciel. Dans son épitre à Philemon, il recommande aux maîtres de considérer leurs esclaves comme des frères très-chers: Non ut servum, sed pro servo carissimum fratrem.

Saint-Pierre, cap. 2, 18, recommande aux esclaves d'être soumis à leurs maîtres Servi subditi estote in omni timore dominis, non tantum bonis et modestis, sed etiam dyscolis.

Louis-le-Gros commença, en 1135, d'affranchir les serfs de ses domaines. Louis VIII signala le commencement de son règne par un semblable affranchissement, en 1223.

Louis x, dit Hutin, donna sur ce sujet le célèbre édit du 3 juillet 1313. • Comme selon le droit de nature, dit-il, chacun doit naître franc, nous,

» considérant que notre royaume est dit et nommé le royaume des Francs, et

$ 3. Esclavage non condamné par l'Evangile.

$ 4. Esclavage en France.

T. I.

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$5.

Traite des nègres.

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voulant que vérité soit accordante au nom, par délibération de notre grand > conseil, avons ordonné et ordonnons que généralement par-tout notre ⚫ royaume, franchise soit donnée à bonnes et valables conditions; et pour › ce, que tous les seigneurs qui ont hommes de corps prennent exemple à » nous de les ramener à franchise.»

Cependant un reste de servitude continuait de subsister dans plusieurs provinces du royaume. On voyait des hommes attachés à la glèbe, regardés comme en faisant partie, et confondus, pour ainsi dire, avec elle. Le roi, par son édit du mois d'août 1779, a supprimé dans les terres de son domaine la mainmorte et condition servile. Ce trait de bienfaisance a été suivi par les seigneurs du royaume. Il a été imité par l'empereur Joseph 11, qui a entièrement aboli la servitude en Silésie, en Bohême, en Moravie, et ailleurs.

Depuis deux siècles, les Européens font la traite des nègres. On les emploie à la culture des terres dans les colonies de l'Amérique. Je sais ce qui a été dit contre ce commerce. Esprit des lois, liv. 15, ch. 5, Raynal, liv. 11, ch. 74. Encyclopédie, etc.

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Mais la traite des nègres a été autorisée par les ordonnances du royaume. L'art. 44 du Code noir déclare les nègres être meubles. Ils peuvent par conséquent devenir la matière de l'assurance maritime. M. Pothier, no. 28, dit que les nègres étant des choses qui sont dans le commerce, et qui sont suscep»tibles d'estimation, il ne voit pas pourquoi la vie des nègres ne serait pas » susceptible du contrat d'assurance. Et au nombre soixante-six il ajoute que lorsque des animaux ou des nègres sont morts de leur mort naturelle, » ou même lorsque des nègres par désespoir se sont donné la mort, l'as⚫ sureur n'en est pas tenu; car ce sont pertes arrivées par la nature, ou le vice de la chose, ou quelquefois par la négligence du maître, qui ne peut être imputée à l'assureur, s'il ne s'en est chargé expressément; autre chose serait, s'ils étaient noyés dans une tempête, ou tués dans un ⚫ combat..

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Valin, art. 11 et 15, titre des assurances, tient à peu près le même langage.

Le sieur Charles Salles s'était fait assurer 41,200 liv. sur les facultés et marchandises composant la cargaison du brigantin le comte d'Estaing, capitaine Ollivier, de sortie de Marseille jusqu'aux lles françaises de l'Amérique; permis de toucher à la côte de Guinée pour y fuire la traite des nègres.

Pendant la traversée d'Afrique en Amérique, les nègres se révoltèrent, et le navire fut perdu.

L'assuré se pourvut contre les assureurs. Ceux-ci opposaient, 1°. que les nègres étaient des hommes incapables de devenir la matière d'une assurance; 2o. que du moins la police aurait dû porter d'une manière spéciale qu'on faisait assurer des nègres ; 3°. que la révolte des nègres n'était pas un sinistre à la charge des assureurs.

On répondit, 1°. que selon nos lois, les nègres étaient réputés choses, meubles et marchandises; 2°. que la clause de la police, permis de toucher à la côte de Guinée, etc., désignait que la cargaison devait consister en nègres; 3°. que la révolte étant arrivée sur mer, les assureurs devaient en répondre. Ce dernier point sera développé dans le ch. 12, sect. 10.

Sentence de l'amirauté de Marseille, en mars 1776, qui condamne les assureurs. Arrêt du 13 mai 1778, qui confirme cette sentence.

CONFÉRENCE.

LXVII. Depuis deux siècles les Européens font la traite des noirs; depuis long-tems l'humanité et la morale réclamaient contre ce commerce infâme et contraire aux droits de la nature et des gens.

L'esclavage a sans doute été admis chez toutes les nations du Monde comme une suite et une prérogative de la conquête. La loi sainte même semble avoir primitivement toléré cet état de l'homme. Cependant la servitude a successivement reçu des différens peuples des modifications favorables, et à l'exemple du peuple roi, plusieurs gouvernemens donnèrent aux esclaves la douce qualification de gens de la famille.

Mais il était réservé aux mœurs du siècle, aux écrits des amis de l'humanité, à la force des lumières qui dominent l'Europe entière, de déraciner parmi nous jusqu'à l'idée du servage. Le Code des Français a été l'une des premières législations qui ont proclamé l'émancipation des peuples, c'est-à-dire la liberté légale de l'homme, celle du citoyen, celle d'une nation. Elle proclama solennellement, en 1789, le principe de l'abolition de la traite des noirs. L'Angleterre peut aussi révendiquer l'honneur d'avoir puissamment contribué au triomphe d'une aussi juste cause.

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Après le traité de Paris, et le 30 mai 1814, la France et l'Angleterre s'engagèrent à réunir tous leurs efforts pour faire prononcer par toutes les puissances l'abolition de la traite des noirs. Toutes les puissances réunies à Vienne proclamèrent ce principe à la face de l'univers, par la fameuse déclaration du 24 février 1815; et par le second traité de Paris, du 20 novembre 1815, elles prirent l'engagement d'abolir la traite chacune dans ses colonies. L'Espagne proclama l'entière abolition de la traite des noirs par sa cédule royale du mois de décembre 1817, et les Pays-Bas publièrent, le 20 novembre 1818, une mesure législative pour abolir la traite des esclaves. Cette loi fut publiée à Surinam le 12 janvier 1819. Enfin, l'abolition de la traite a été publiée par le roi de Portugal, à Rio-Janeiro, le. 20 janvier 1818. (Voyez l'excellent Recueil de M. Isambert, 1815, pag. 498, et 1816, pag. 642, etc. etc.)

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