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Est-il permis de faire assurer des

Venons maintenant à la question principale. Est-il permis de faire assurer des marchandises dont l'importation ou l'exportation sont prohibées dans un marchandises dont pays ami?

l'importation ou l'exportation sont prohibées dans un

D'après les principes ci-dessus établis, il semble qu'une pareille assurance pays ami? devrait être déclarée nulle, malgré la connaissance que les assurés auraient eue de l'interlope.

Cependant l'usage est contraire.

Le statut de Georges 11, dont parle Blackstone, ch. 30, tom. 3, pag. 370, après avoir défendu de faire des assurances, sans autre preuve d'intérêt que la police elle-même, ajoute, excepté sur les navires qui commercent en Espagne et en Portugal.

L'auteur observe que la raison de cette exception se présente assez d'elle-même : c'est-à-dire, parce que les Anglais faisant l'interlope dans les dominations d'Espagne et de Portugal, ne peuvent avoir des connaissemens qui prouvent le chargé.

Le même usage est toléré parmi nous.

Les sieurs Figon et Regayet, de Marseille, firent faire des assurances de sortie de la Rochelle jusques aux Iles espagnoles, avec pacte qn'ils ne seraient pas obliges de justifier du charge, attendu que le commerce dans ces Iles est défendu aux étrangers. Le navire fit naufrage. Les assureurs, attaqués en paiement de la perte, demandaient la preuve du chargé; ils disaient que le susdit pacte était vicieux, et que d'ailleurs on aurait pu faire double police du chargement, l'une véritable, l'autre simulée. Arrêt du 23 juin 1745, au rapport de M. de Boades, qui condamna les assureurs à payer les sommes assurées.

Lors de cet arrêt, les assureurs ne disputaient pas la légitimité du contrat en lui-même. Ils se bornaient à exciper du défaut de preuve du chargé. Mais voici un second arrêt, où la question de la légitimité du contrat fut élevée et débattue avec force par les parties intéressées.

En 1756, les sieurs Jaume et Lieutaud firent assurer 87,400 liv. de sortie des environs de Carthagène jusqu'à Marseille, sur les facultés consistant en soies, qui seraient chargées dans la tartane Saint-Joseph, capitaine Pierre Gautier.

A la hauteur du cap Pallos, cinquante-huit balles de soie furent nuitamment versées dans le navire. Les vents furent contraires au retour de la tartane. Elle fut arrêtée par le bateau des gardes du roi d'Espagne. Le capitaine se sauva à la nage, et les soies furent confisquées, attendu la contrebande. Les assureurs, attaqués en paiement de la perte, soutinrent que l'assurance

T. I.

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était nulle. Sentence de l'amirauté de Marseille, rendue à mon rapport, le 31 juillet 1758, qui les condamna à payer les sommes par eux assurées.

On me demanda les motifs de cette sentence; je les rédigeai. M. Valin les a insérés dans son ouvrage, art. 49, titre des assurances. Je distinguai la contrebande qui se fait en France, de celle que les Français font en pays étrangers. Toutes les marchandises dont l'importation ou l'exportation sont défendues en France, ne peuvent point être assurées, et les assureurs ne sont pas tenus de la confiscation prononcée par l'autorité du roi, parce que l'assurance est nulle. Il n'en est pas de même des marchandises dont la contrebande n'est que vis-à-vis des peuples étrangers. Vid. Straccha, gl. 5.

La distinction que je faisais, fut adoptée par arrêt du Parlement d'Aix, rendu le 30 juin 1759 (qui confirma la sentence).

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Pothier, n°. 58, combat avec force cette même distinction. Il est faux, dit-il, qu'il soit permis à un Français de faire dans un pays étranger un commerce » de contrebande, défendu par les lois du pays; ceux qui commercent dans » un pays sont, par le droit des gens et par la loi naturelle, obligés de se » conformer, pour ce commerce, aux lois du pays où ils le font. Chaque sou» verain a empire et jurisdiction sur tout ce qui se fait dans le pays où il a

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⚫ droit de commander; il a par conséquent le droit de faire, pour le commerce qui se fait dans ses états, des lois qui obligent tous ceux qui le font, les » étrangers aussi bien que ses sujets. On ne peut disputer à un souverain qu'il » n'ait le droit de retenir dans ses états certaines marchandises qui y sont, et » d'en défendre l'exportation les en exporter contre ses ordres, c'est donner » atteinte au droit qu'il a de les y retenir, et par conséquent c'est une injustice. D'ailleurs, quand même, ce qui est faux, un Français ne serait » pas par lui-même sujet aux lois d'Espagne, pour le commerce qu'il fait en Espagne, on ne peut pas disconvenir que les Espagnols, dont il est obligé › de se servir, sont sujets à ces lois, et qu'ils pèchent grièvement en concou› rant avec lui à l'exportation défendue par lesdites lois. Or, par cela même qu'il ne peut faire ce commerce de contrebande en Espagne, sans engager des Espagnols à pécher, il pèche lui-même, car c'est pécher que d'engager quelqu'un à pécher. Ce commerce est donc illicite et contraire à la bonne » foi, et par conséquent le contrat d'assurance qui intervient pour favoriser » et assurer ce commerce, en chargeant l'assureur des risques de la confisca tion auxquels il est exposé, est pareillement illicite, et ne peut par conséquent produire aucune obligation..

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Je n'aurais garde de désapprouver la doctrine de cet auteur respectable;

mais peut-être qu'il aurait été moins rigide, s'il eût considéré que l'interlope est un vice commun à toutes les nations commerçantes. Les Espagnols et les Anglais en tems de paix le pratiquent chez nous. Il nous est donc permis, par une espèce de réprésaille, de la pratiquer chez eux. Vid, infrà, ch. 12, sect. 51.

M. l'abbé Raynal, liv. 19, ch. 111, s'élève contre cette rivalité des gouver» nemens, qui gêne l'industrie par des prohibitions réciproques......

› La liberté générale de l'industrie et du commerce, voilà le seul traité qu'une › nation maritime devrait établir chez elle, et négocier chez les autres. Ce peuple serait le bienfaiteur du genre humain. Plus il y aurait de travail » sur la terre, de vaisseaux sur la mer, plus il lui reviendrait de ces jouis› sances qu'il cherche, et par des traités et par des guerres. Il n'y a point › de progrès de richesses dans un pays, s'il n'y a point d'industrie chez ses › voisins. ›

Dans le ch. 4, section dernière, j'ai parlé de l'assurance qui a pour objet les effets de l'ennemi.

CONFÉRENCE.

LXVIII. Il n'y a sûrement pas de doute que toutes les marchandises dont l'importation ou l'exportation est défendue en France, ne peuvent être assurées. Par conséquent, les assureurs ne sont pas tenus de la confiscation prononcée par les lois françaises; dans ce cas, l'assurance est nulle, comme tout contrat qui viole la loi de son pays.

Mais il en est autrement de la contrebande faite en contravention des lois étrangères. Il est certain que s'il s'agit d'une expédition en interlope dans le pays étranger, et que l'assureur en ait eu connaissance, l'assurance est bonne.

Il en serait de même d'une charte-partie passée pour transporter de France en Angleterre des marchandises qui seraient de contrebande dans ce pays. Le capitaine ne serait pas moins tenu d'exécuter la convention, sous peine d'indemnité.

L'usage de faire le commerce en interlope, chez ses voisins, en a fait un droit commun de toutes les nations. En effet, comme l'observe Emérigon, l'interlope est un vice réciproque. Les étrangers le pratiquent chez nous. Il nous est permis, par une espèce de réprésaille, de le pratiquer chez eux.

Pothier s'élève contre cette doctrine; mais Pothier n'a point véritablement envisagé la question comme elle devait l'être dans un ouvrage de jurisprudence. -(Voyez Pothier, assurances, no. 58 ).

Outre. Emérigon, Valin, sur l'art. 49, titre des assurances, et le savant annotateur de Pothier, sur le n°. 58, attestent des règles contraires à l'opinion de Pothier, et ces règles, conformes à la loi politique et à la loi civile, sont aussi conformes à la jurisprudence des tribunaux.

Il faut faire observer ici avec M. Estrangin que l'arrestation d'un navire pour cause de contrebande n'est point un arrêt de prince, et que par conséquent on ne peut y appliquer

$ 3. Effets hostiles.

les délais prescrits pour le délaissement en cas d'arrêt de prince. Ce n'est pas non plus une prise qui donne lieu à l'abandon, du moment qu'elle est faite. C'est un cas particulier, c'est une perte qui n'est déterminée que par le jugement de confiscation. Ce n'est donc que du jour du jugement que date le droit de faire abandon, et ce droit est acquis aussitôt que le jugement de confiscation est rendu. — (Voyez ci-après la sect. 7 du chap. 19).

Mais nous devons dès ici relever une erreur d'Emérigon, loco citato, qui, considérant le sinistre comme naissant du jugement, regarde le risque comme un risque de terre dont l'assureur s'est chargé; mais, au contraire, le sinistre naît de la saisie qui donne lieu au jugement, de manière que si la saisie est faite en mer, l'assureur est responsable; si elle est faite à terre après le débarquement des marchandises de contrebande, l'assureur n'en serait pas tenu, malgré que le jugement en eût ordonné la confiscation.

Il ne faut pas perdre de vue que nous ne raisonnons ici que dans le cas où, lors de l'assurance, les assureurs ont été informés que le chargement était des marchandises de contrebande ou prohibées; autrement, les assureurs ne seraient responsables dans aucun cas. -(Voyez Valin sur l'art. 49, titre des assurances ).

Enfin, nous ne parlons ici que de la contrebande civile. Quant à celle relative à l'état de guerre, elle fait considérer son auteur comme ennemi, et l'arrêtement ou capture de l'objet de contrebande est une véritable prise, dont le délaissement doit être fait conformément aux art. 373, 374 et suivans du Code de commerce.

518 Vaisseau vide.

Agrès, victuailles et armement.

SECTION VI.

Détail de quelques effets qu'on peut faire assurer.

Le Réglement d'Anvers, art. 8, défend de faire assurer le navire, s'il est vide et sans charge.

Cela a été corrigé par l'art. 7, titre des assurances, de l'Ordonnance, qui permet de faire les assurances sur le corps et quille du vaisseau vide ou charge.

Le Réglement d'Amsterdam, art. 10, défend de faire assurer les victuailles, les poudres, balles, vivres, et choses semblables sujettes à diminution.

Notre Ordonnance, art. 7 et 8, titre des assurances, permet de faire assurer les agrès, apparaux, armement et victuailles.

Par armement on entend les avances faites à l'équipage, les provisions de guerre et de bouche, et tous les frais faits jusqu'au départ.

Tout cela est sujet à diminution journalière. Mais cette diminution est récompensée par le nolis que le navire gagne. Valin, art. 64, titre des assu

rances.

Il semble que ce nolis devrait donc toujours faire partie du délaissement en cas de sinistre; de quoi je parlerai au ch. 17, sect. 9.

Vid. ch. 9, sect. 4, où je parle de l'estimation donnée au navire, pour former un capital à valoir en tout tems et en tout lieu.

§ 2. Nouvelles dépen

Les nouvelles dépenses faites pour le navire pendant le cours du voyage, sont-elles présumées en augmenter la valeur, à l'effet de pouvoir faire assurer ses pendant le cours cette augmentation prétendue?

Ou la nouvelle dépense a eu pour objet la réparation d'une avarie occasionnée par fortune de mer, ou bien elle a été faite pour supplément de victuailles, ou pour réparer les agrès détériorés par le simple usage.

Dans le premier cas, la dépense est à la charge de qui de droit, sans qu'on puisse la passer en compte pour augmenter la valeur primitive du navire. Dans le second cas, la nouvelle dépense se prend naturellement sur le nolis.

Dans les navigations à la part, les dépenses faites pour achat de nouvelles victuailles, ou de nouveaux agrès, pour radoub, frais de maladie, etc., sont payées par la masse des nolis gagnés ou à gagner pendant le cours de la caravane. D'où il suit que pareilles dépenses semblent ne pouvoir devenir la matière d'une assurance nouvelle,

Deux fictions ne concourent jamais ensemble: Fictionis fictio non est, dit Godefroi, ad L. 12, § 2, ff mandati. Il faudrait feindre que le navire a conservé sa première valeur (ce qui n'est pas), et que cette valeur a été augmentée par la nouvelle dépense.

Cependant M. Valin, art. 19, titre du capitaine, tom. 1, dit que les armateurs peuvent faire assurer ce surcroît de dépense, et j'adhère à son avis. Pendant le cours du voyage, il est permis au capitaine de prendre des deniers à la grosse pour les nécessités du navire. Celui qui les lui prête est, sans contredit, en droit de les faire assurer. Le même droit compète aux armateurs qui auront acquitté les lettres de change tirées sur eux, par le capitaine, pour les nécessités de la navigation. Ils sont eux-mêmes donneurs à grosse aventure des deniers qu'ils fournissent à ce sujet : ils peuvent donc les faire assurer.

Si, pendant le cours du voyage, le navire est pris, et qu'il soit racheté, il est permis de faire assurer la somme donnée ou promise au capteur. Cette assurance sera faite, suivant les cas, pour le compte, ou des premiers propriétaires, ou de leurs assureurs. Vid. infrà, ch. 12, sect. 21, § 6.

du voyage.

Prix du rachat du navire pris.

$ 3.

Choses déjà en

Le Réglement d'Anvers, art. 4, défendait de faire assurer les navires, marchandises, et autres choses quelconques, après qu'elles auront été mises ou risque. exposées aux périls de la mer; mais doit la faction et souscription de l'assurance précéder le hasard.

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