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Kuricke, diatrib. de assecur., pag. 832, cite ce Réglement, et dit que l'assurance ne concerne que les périls imminens et futurs, et non les périls passés : Assecuratio enim non ad præteritum, sed futurum et imminens periculum

extenditur.

Cela est vrai. Mais si le péril n'est pas encore terminé, on ne voit pas pourquoi la chose déjà en risque ne pourrait pas être assurée.

Notre Ordonnance, art. 7, titre des assurances, permet de faire les assurances avant ou pendant le voyage. L'art. 3 veut qu'on désigne les effets qui auront été, ou devront être chargés.

CONFÉRENCE.

LXIX. Les principes de l'Ordonnance ont été consacrés par les art. 234, 334 et 335 du Code de commerce.

Le navire vide ou chargé, les agrès et apparaux, les victuailles et armement, la somme prêtée à la grosse, tous ces objets peuvent être assurés, ainsi que le prix du rachat du navire, les marchandises de l'armement, etc.

Les nouvelles dépenses faites pour le navire pendant le voyage sont à la charge de qui de droit, d'après les circonstances et la nature de ces dépenses. Des dépenses extraordinaires que l'on a faites dans le courant du voyage, pour réparer un navire assuré, peuvent être la matière du contrat d'assurance. Ce n'est pas là assurer une chose une seconde fois. N'importe de quelle manière le capitaine ait acquitté ces dépenses, c'est une augmentation de mises qui, en cas de sinistre, peut être une perte pour le propriétaire. Il suffit qu'il coure la chance de perdre le montant du radoub pour lui donner le droit de faire assurer cette dépense. Il faut donc suivre l'avis de Valin sur l'art. 19 de l'Ordonnance, et celui d'Emérigon...

51.

SECTION VII.
Dixième.

SUIVANT le droit commun, on peut faire assurer la valeur entière des effets Observations ge- qu'on expose aux risques de la mer. De Luca, de creditis, disc. 107, n°. 4. Ansaldus, disc. 70, no. 27.

nérales au sujet du dixième.

Mais afin que l'assuré soit personnellement intéressé à la conservation de la chose, il fut défendu de la faire assurer en entier.

Le Réglement de Barcelonne, ch. 341, 343 et 348 du Consulat, prohibe aux citoyens de faire assurer au-delà des sept huitièmes de leur intérêt, et aux étrangers au-delà des trois quarts.

Cette distinction odieuse entre étranger et citoyen a été rejetée, en matière d'assurance, par l'art. 1, titre des assurances, de l'Ordonnance.

L'art. 18 décide en général que les assurés courront toujours risque du › dixième des effets qu'ils auront chargés, s'il n'y a déclaration expresse dans > la police qu'ils entendent faire assurer le total. »

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Le Guidon de la mer, ch. 2, art. 11, et ch. 15, art. 3, le Réglement d'Anvers, art. 11, et celui d'Amsterdam, art. 2 et 15, renferment la même décision.

L'Ordonnance, en l'art. 19, ajoute que « si les assurés sont dans le vais» seau, ou qu'ils en soient les propriétaires, ils ne laisseront pas de courir risque du dixième, encore qu'ils aient déclaré faire assurer le total. »

D

Le pacte de faire assurer le total est adopté en Italie. Roccus, not. 81. Casaregis, disc. 1, n°. 32.

Il n'est prohibé parmi nous qu'en deux cas : 1°. si les assurés sont dans le vaisseau; 2°. si les assurés sont propriétaires du vaisseau, soit qu'ils y soient embarqués ou non.

Valin, ibid., atteste que l'usage s'est établi de déroger à l'Ordonnance, même en cette partie, dans les polices d'assurance. En effet, j'ai vu des polices dressées à Bordeaux, par lesquelles les assureurs permettent aux propriétaires du navire de faire assurer leur intérêt en entier, même le dixième. Mais Pothier, n°. 40, observe avec raison que cet usage est un abus. La disposition de l'article 19, titre des assurances, est prohibitive. Il n'est pas permis aux parties d'y déroger.

Soit qu'on ait omis le pacte de faire assurer le total, soit que ce pacte ait été stipulé dans l'un des cas prohibés, l'assurance de l'entière valeur de la chose mise en risque n'est pas absolument nulle. Le contrat est seulement réductible à la somme qu'il était permis de faire assurer. Cela résulte de l'art. 19, qui, en parlant des assurés qui sont dans le vaisseau, ou qui en sont les propriétaires, se borne à décider qu'ils ne laisseront pas de courir risque du dixième, encore qu'ils aient déclaré faire assurer le total. Valin, ibid. Pothier, no. 44.

Pour faire connaître la manière de procéder à la déduction du dixième, je rapporterai un exemple.

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$ 4. Comment faire la déduction du dixie

Le sieur Joseph Imbert s'était fait assurer 5,408 liv. sur le corps du na- me? vire la Vierge de la Garde. On prétendit que l'assurance excédait son intérêt. Voici le compte qui fut fait par notre amirauté :

$5.

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Par conséquent tout était en règle. Ainsi jugé par l'amirauté de Marseille, le 16 décembre 1751. La sentence fut confirmée par arrêt du 30 juin 1753. La somme prise à la grosse fut déduite du compte. Le preneur n'aurait pu la faire assurer. Mais on ajouta au capital la prime de l'assurance, de quoi je parlerai dans la sect. 12 du présent chapitre.

Le dixième se calcule-t-il d'après l'entier intérêt que l'assuré a sur le naDans le cas de vire et sur la cargaison? Ou bien faut-il distinguer ces deux objets?

deux assurances,

tre sur cargaison, le

l'une sur corps, l'au- Le sieur Jean-Baptiste Besson, propriétaire d'un navire et de la cargaison, dixième doit-il être fit faire des assurances sur le corps par une police, et sur les facultés par une déduit de chaque autre. Les assurances sur les facultés absorbaient toute la valeur de la carmasse ? gaison; celles sur le corps laissaient à découvert les deux tiers de la valeur du bâtiment. Le vaisseau fut pris par les Anglais. Les assureurs sur facultés demandaient la déduction du dixième. L'assuré répondait qu'on devait faire une seule masse du corps et des facultés; que, par ce moyen, il avait couru au-delà du dixième du total. Les assurés répliquaient que cela serait vrai, si les assurances avaient été faites confusément sur corps et facultés; mais qu'ayant été faites divisément, elles formaient deux masses, dont chacune devait avoir son dixième à découvert, sans que la compensation fût admissible de l'une à l'autre.

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Quatre arbitres furent nommés. Un de mes confrères et moi rejettions la distinction des assureurs; nous nous fondions sur le motif de la loi, qui est pour éviter les abus et les grandes négligences qui se trouvent aux marchandschargeurs quand ils sont assurés du tout. Ce sont les paroles du Guidon de la mer, ch. 2, art. 11.

Un cinquième arbitre fut pris; et par sentence du 11 septembre 1749,

il fut décidé que le dixième serait prélevé des facultés, sans qu'il fût permis de le rejeter sur le corps, attendu que les assurances étaient divisées.

Autre décision conforme. Les sieurs Perron frères avaient fait assurer, par une seule police, 42,100 liv., savoir: 9,680 liv. sur le corps, et 32,620 liv. sur les facultés de leur navire le Saint-Domingue. Ils prétendirent qu'ils avaient fait assurer 3,631 liv. de trop sur les facultés, et ils demandèrent le ristourne. Les assureurs opposèrent que l'intérêt des assurés excédait les sommes assurées. L'avis fut que les assurances ayant été faites divisément sur le » corps et sur les facultés, elles ne pouvaient pas être confondues. » Et par sentence du 31 mars 1759, le ristourne concernant les facultés fut adjugé aux sieurs Perron, pour lesquels M. Gignoux écrivait. M. Massel écrivait pour les assureurs.

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M. Valin, art. 18, titre des assurances, adopte cette distinction. Elle ne paraît pas juste à M. Pothier, n°. 42. Le dixième, dit ce dernier, dont l'Or> donnance veut que les assurés courent le risque, est le dixième, non des > effets qu'ils ont fait assurer, et qui sont compris dans la police, mais le › dixième de ceux qu'ils ont pris sur le vaisseau. »

Je persiste à mon premier avis, confirmé par celui de M. Pothier. S'agissant ici d'un point contraire au droit commun, et d'un moyen établi pour éviter les abus, l'objet de l'Ordonnance est rempli dès que l'assuré, pour gage de sa fidélité, reste à découvert du dixième de l'intérêt qu'il a en la navigation. L'art. 18, titre des assurances, ne concerne pas moins le corps du navire que les effets chargés. Le tout ne forme donc qu'une masse, dont il suffit que le dixième reste aux risques de l'assuré.

§ 6.

J'ai parlé de l'usage abusif où les propriétaires des navires, à Bordeaux, sont de faire assurer le dixième, malgré la disposition prohibitive de l'Or- Usage de Bordeaux. donnance. Voici un cas qui me fut proposé en juillet 1782.

Des négocians, qui avaient un intérêt de 200,000 liv. sur le corps et la cargaison d'un navire, firent assurer, à Bordeaux, 170,000 liv., avec pacte qu'ils se faisaient assurer le dixième. Ils donnèrent ordre à leur commissionnaire, à Marseille, de faire assurer les 30,000 liv. restantes. Celui-ci fit assurer 27,000 liv. Le navire fut pris par les Anglais.

Les assureurs de Marseille disaient qu'on n'avait pu faire assurer ici que 10,000 liv., et que le surplus tombait en ristourne.

On répondait qu'ils excipaient du droit du tiers, et que peu leur importait qu'à Bordeaux le dixième eût été assuré.

Je fus d'avis, 1°. que l'usage allégué était un abus auquel on ne devait pas

T. I.

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avoir égard; 2°. que si par une première police dressée à Bordeaux, ou par un pacte particulier, on eût déclaré nommément faire assurer 20,000 liv. pour le dixième d'intérêt, ce dixième aurait été mis hors de ligne, et tout le reste serait devenu matière d'assurance. On aurait alors pu dire aux assureurs marseillais qu'ils excipaient du droit du tiers. Mais l'ordre naturel des choses n'a été interverti par aucun pacte spécial; les assurances faites à Bordeaux ont, ipso jure, affecté tout premièrement la partie libre de l'intérêt en risque. Le dixième est resté à la queue, et dans le rang qui lui était propre. Or, c'est ce même dixième, existant en nature, qu'on est venu faire assurer à Marseille, à quoi s'opposent la disposition de la loi et notre jurisprudence.

P. S. Je viens d'apprendre qu'à l'imitation de ce qui se pratique à Bordeaux et à Nantes, quelques-uns de nos armateurs font, depuis peu de tems, assurer le dixième; les parties renonçant à la disposition de l'Ordonnance qui le prohibe, et à toute autre loi qui pourrait être à ce contraire, le tout de pacte exprès. Mais il n'est pas au pouvoir des parties de renoncer aux lois prohibitives. L. 5, C. de legibus. La clause dont je viens de parler est illicite, nulle, et doit être cassée.

N. B. Jusqu'à présent j'ai traité des objets matériels qui sont réellement exposés aux hasards de la mer, et qui, suivant les cas, sont capables ou incapables de devenir la matière de l'assurance proprement dite. Je vais maintenant traiter de plusieurs autres points qui, n'ayant par eux-mêmes ni assiete, ni consistance physique, dependent, à certains égards, du sort de la navigation, et peuvent faire ou ne pas faire le sujet du contrat d'assurance.

CONFÉRENCE.

LXX. Il est inutile maintenant d'examiner les opinions des auteurs sur les dispositions de l'art. 19, titre des assurances, de l'Ordonnance, qui ne permettait aux propriétaires du navire et aux gens qui sont dans le navire, d'assurer les effets qu'ils y ont, que sous la déduction d'un dixième, qui restait à leurs risques. Le Code de commerce a mis sagement à l'écart cette disposition de l'Ordonnance, en permettant par ses art. 334 et 335, sans exception ni limitation, l'assurance de la totalité des objets qui en sont susceptibles.

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