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là un profit fait et acquis. Valin, art. 15 et 47, titre des assurances. Pothier,

n°. 37.
Vid. infrà, ch. 9, sect. 6, où je parle du commerce en troc.

$ 2. Profit espéré de

chasse.

Une simple espérance peut faire l'objet du contrat de vente. Si un pêcheur vend à quelqu'un un coup de filet pour un certain prix, c'est un vrai con- la pêche ou de la trat de vente, quand même il arriverait qu'on ne prît aucun poisson, quia spei emptio est. L. 8, § 1, ff de contrah. empt. L. 11, § 18, et L. 12, ff de act. empt. Ibig. Cujas. Pothier, Traité des ventes, no. 6.

Une espérance peut également faire l'objet d'une gageure. Mais l'espoir d'une pêche heureuse est un futur contingent et un être de raison, incapable de devenir la matière du contrat d'assurance: Incertum est an caperentur. L. 29, $ 3, ff ad L. Aquil. Il faut que la chose assurée soit un corps existant et physique, dont la substance soit exposée aux hasards de la mer.

Rien n'empêcherait de faire assurer les poissons déjà pris dans les filets. Les bêtes sauvages, les oiseaux, les poissons et autres animaux qui vivent dans l'air, sur la terre ou dans la mer, appartiennent, par le droit des gens, au premier qui s'en empare: Simul atque ab aliquo capta fuerint, jure gentium statim illius esse incipiunt. § 12, inst. de rer. divis. LL. 1 et 3, ff de adquir. rer. domin.

Pour qu'ils appartiennent au premier occupant, il faut qu'il en ait la possession corporelle. Et cette possession est acquise non seulement avec les » mains, mais encore avec des instrumens, tels que sont les trébuchets, les filets, les lacets. » Grotius, liv. 2, ch. 8, § 4. Puffendorf, liv. 4, ch. 6, S 9. Wolf, S 217.

Vid. la loi in laqueum 55, ff de adquir. rer. domin.

Si la bête blessée par le chasseur s'enfuit, elle ne lui appartient qu'autant qu'il l'a atteinte, car il peut arriver qu'elle lui échappe : Quia multa accidere possunt, ut eam non capiamus. L. 5, § 1, ff eod. Grotius et Puffendorf aux endroits cités.

$ 3.

Cette même loi 5, § 7, ff de adquir. rer. domin., attribue au premier occupant les choses qu'on prend sur l'ennemi: Item quæ ex hostibus capiuntur, Profit de la course. jure gentium, statim capientium fiunt.

Mais il ne suffit pas que le navire attaqué ait amené son pavillon; il faut de plus que le pavillon du vainqueur y soit arboré. Dès lors il appartient au capteur, qui peut par conséquent le faire assurer.

• Une prise que fait en tems de guerre un vaisseau corsaire, autorisé pour » aller en course, est un profit acquis aussitôt qu'elle est faite; c'est pourquoi

» le propriétaire du vaisseau corsaire peut la faire assurer pour tous les dangers qu'elle court, jusqu'à ce qu'elle soit amenée dans un port de France.. Pothier, no. 59.

En 1746, le capitaine Vigoureux, commandant le corsaire la Junon de Bayonne, fit six prises qu'il amarina. Il revint à Bayonne. Deux des prises y arrivèrent. N'ayant point de nouvelles des quatre autres, il les fit assurer.

On ne tarda pas d'apprendre qu'elles avaient été reprises par les Anglais. Les assureurs de Marseille, attaqués en paiement des sommes par eux assurées, prétendirent, 1°. que les quatre navires pris n'ayant point été conduits par le capteur français dans un lieu de sûreté, intrà præsidia, il n'en avait jamais acquis le domaine; 2°. que peut-être les quatre navires avaient été repris par les Anglais dans les vingt-quatre heures; 5°. que les assurances avaient été ordonnées et faites depuis la nouvelle du sinistre, etc.

Sentences des 4, 7 et 8 mai 1748, rendues par notre amirauté, qui condamnèrent les assureurs à payer les sommes assurées.

Arrêt du Parlement d'Aix, rendu le 23 mai 1749, conçu en ces termes : La Cour, avant faire droit à l'appel, lettres de rescision des assureurs et requête d'emploi d'icelles, des 24 et 27 février dernier, fins et conclusions › des parties, sans préjudice de leurs droits, ni attribution d'aucun nouveau, » et des preuves résultantes du procès, a ordonné et ordonne que lesdits assureurs vérifieront par toute sorte et manière de preuves, dans six mois, » que les assurés savaient la reprise des prises anglaises, à Bayonne, avant l'ordre donné à Lichigaray de faire faire des assurances à Marseille, ou ce dernier, de l'avoir su à Marseille avant le 20 juillet 1746, jour des assurances faites dans ladite ville; et parties au contraire, si bon leur semble, dans le même délai. Condamne lesdits assureurs au paiement des sommes assurées, en donnant par les assurés bonne et suffisante caution, et aux dépens de l'arrêt, les autres réservés. Et faute par lesdits assureurs de rap› porter ladite preuve de la connaissance desdits assurés à Bayonne, ou de » leur commissionnaire à Marseille, sans s'arrêter aux lettres de rescision et » à la requête d'emploi des assureurs, a mis et met leurs appellations au » néant; ordonne que les sentences dont est appel tiendront et sortiront leur plein et entier effet; et audit cas, a renvoyé les parties et matière au lieutenant, pour faire exécuter ses sentences selon leur forme et teneur. Con› damne les appelans aux amendes modérées à 12 liv. et aux dépens. » Les assureurs ne rapportèrent point la preuve dont ils avaient été chargés, et ils payèrent les sommes assurées.

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Les deux premiers moyens qu'ils avaient allégués, avaient donné lieu à de grands débats, et à des questions qui seront traitées infrà, ch. 12, sect. 23. Vid. Valin, art. 15, titre des assurances.

CONFÉRENCE.

LXXII. Le profit espéré des marchandises étant aussi incertain que le fret à faire, il ne peut pas davantage être l'objet du contrat d'assurance. Ce profit dépend d'un événement douteux, d'une négociation future. Le Code de commerce, par son art. 347, a porté à cet égard la même prohibition que l'art. 15 de l'Ordonnance. Mais, comme l'observe Emérigon, lorsque le profit est fait et acquis, le marchand chargeur peut le faire assurer contre le risque qu'il court de ne le pas conserver.

Comme il faut que la chose assurée soit un corps existant et physique, dont la substance soit exposée aux hasards de la mer, il est bien certain qu'une simple espérance, comme le profit espéré de la course, est incapable de devenir la matière du contrat d'assurance. Mais il en est autrement d'une prise faite par un corsaire. Lorsqu'il peut dire que cette prise lui appartient, il peut la faire assurer; et il suffit effectivement que le pavillon du vainqueur soit arboré sur la prise pour qu'elle appartienne au capteur. (Voyez notre dissertation à ce sujet, dans notre Cours de droit maritime, tom. 3, pag. 488 et 489).

SECTION X.
Salaires.

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L'ART. 15, titre des assurances, de l'Ordonnance, défend aux gens de mer de faire assurer leurs loyers. La même défense avait été faite par le Réglement d'Anvers, art. 9, et par celui d'Amsterdam, art. 11.

La raison en est que le salaire ne forme pas un objet physique qui soit dans le navire. C'est une créance conditionnelle qui dépend du sort de la navigation. C'est un profit et une récompense. Les loyers sont des gains » que les gens de mer manquent de faire, si le vaisseau périt, plutôt qu'une › perte qu'ils courent risque de faire. » Pothier, no. 36.

Il y a une autre raison : c'est la crainte que les gens de mer, étant assurés de leurs loyers, ne fussent moins attentifs à la conservation du vaisseau, auquel ils n'auraient plus d'intérêt. Stypmannus, part. 4, tit. 7, n°. 281, pag. 455. Pothier, no. 39.

Mais si, par le moyen de leurs avances ou des à-comptes reçus pendant le

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voyage, ils achètent des marchandises, rien n'empêche qu'ils ne les fassent assurer. Réglement d'Amsterdam, art. 11.

Une question assez singulière se présenta en notre amirauté. Jean-Marie Amiel s'était embarqué en qualité de nocher sur le navire la Vestale, capitaine Brunet, aux salaires de 60 liv. par mois. Le navire se trouvant dans un port de relâche, Amiel refusait de continuer la route, à moins qu'on ne lui assurât ses salaires gagnés. Le capitaine Brunet lui fit une déclaration conçue en ces termes : J'assure à Jean-Marie Amiel les salaires qui lui sont dus jusqu'à présent. Le navire remit à la voile, et fut pris par les Anglais. Amiel présenta requête contre le capitaine, en paiement de 520 liv. pour salaires acquis et assurés. Le capitaine répondit qu'il n'avait fait cette prétendue assurance que pour prévenir la désertion du nocher; qu'une pareille assurance était prohibée par l'Ordonnance, puisqu'il s'agissait des salaires du voyage actuel, et non encore gagnés; que les salaires sont dus conditionnellement dans le cas où le navire arrive à bon port. Sentence du 20 mars 1757, qui débouta ce nocher de sa requête, avec dépens.

CONFÉRENCE.

LXXIII. Si l'art. 15 du titre des assurances de l'Ordonnance défend de faire assurer les loyers des gens de mer, l'art. 347 du nouveau Code de commerce le défend également. C'est toujours parce que ces loyers sont pour eux des profits éventuels qui ne leur appartiennent pas encore; ce sont des créances conditionnelles qui ne forment pas un objet physique qui soit dans le navire; ce sont, dit Pothier, des gains que les gens de mer manquent de faire si le navire périt, plutôt qu'une perte qu'ils courent risque de faire.

Il est encore un autre motif puissant qui devait faire défendre l'assurance du fret et des loyers des matelots: c'est qu'au moyen de cette assurance, le capitaine deviendrait sûr du fret et les matelots sûrs de leurs loyers, quelque événement qui arrivât. Ils ne seraient donc plus autant intéressés à veiller à la conservation du navire et de son chargement. Mais il n'y a pas de doute que si, par le moyen de leurs avances ou des à-comptes reçus pendant le voyage, ils ont acheté des marchandises, rien n'empêche qu'ils ne les fassent assurer. La raison en est simple: c'est que n'étant pas tenus de restituer ces avances d'après l'art. 258 du Code de commerce, ces avances ne sont plus un profit éventuel, et les marchandises qui en proviennent sont alors des objets physiques dans le navire, susceptibles d'être exposés aux risques et fortunes de mer.

SECTION XI.

Argent donné à la Grosse.

§ 1. Défense au preneur

L'ART. 16, titre des assurances, de l'Ordonnance, defend à ceux qui prendront deniers à la grosse de les faire assurer, à peine de nullité de l'assurance et de pu- de faire assurer les nition corporelle.

Pothier, no. 3, rapporte deux raisons de cette défense. La première est que le risque des deniers donnés à la grosse ne tombe pas sur le preneur. Or, dit-il, l'on ne peut faire assurer que ce qu'on court risque de perdre. La seconde raison est que, s'il était permis au preneur de faire assurer la somme par lui reçue à la grosse, il serait, en cas de sinistre, déchargé de toute obligation envers le donneur, et recevrait de la part des assureurs la même somme en pur gain. L'assurance qui ne peut avoir d'autre objet que l'indemnité du dommage souffert, servirait à lui procurer un bénéfice; ce qui répugne à la nature du contrat.

Si le preneur met en risque des effets dont la valeur excède la somme par lui reçue à la grosse, il lui est libre de faire assurer cet excédant. Valin, art. 16, titre des assurances. Pothier, no, 31.

deniers qu'il prend à la grosse.

§ 2. Défense au don

L'art. 17, titre des assurances, défend aux donneurs à la grosse de faire assurer le profit des sommes qu'ils auront données; car, comme l'observe Pothier, n°. 32, neur de faire assu« l'Ordonnance ne permet d'assurer que ce qu'on risqué de perdre. Or, le rer le profit.

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profit maritime que le prêteur a stipulé, est un gain qu'il manquera de

» faire, si le vaisseau périt, et non une perte. »

Celui qui a prêté des deniers à la grosse peut-il faire assurer son capital? Pothier, no. 32 et 44, et Valin, art. 17, titre des assurances, disent qu'oui. Les docteurs étrangers n'y mettent aucun doute. Casaregis, disc. 70, no. 15 et 16, disc. 127. Et tel est notre usage.

M. Pouget, lieutenant de l'amirauté à Cette, savant magistrat, était d'un avis contraire. Voici comme il s'expliquait dans une de ses lettres du 1o. août 1768 : « Je sais, dit-il, que cela se pratique dans les villes de commerce; mais je ne laisse pas d'être persuadé que cette espèce d'assurance est très-illégi› time et manifestement usuraire. Le change maritime, qui est toujours très› considérable, n'est autorisé qu'à cause que le prêteur se soumet à perdre

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$ 3. Le donneur peut

il faire assurer son capital?

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