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Mais, 1. l'art. 20 ne prohibe pas de faire assurer la prime par le même assureur; 2°. depuis très-long-tems, il est d'usage de faire assurer la prime par ceux-là même qui assurent le capital. Cet usage est consacré dans les formules imprimées de Rouen et de Nantes, et rien de si ordinaire parmi nous que la clause de faire assurer la prime,

Il ne reste qu'à examiner si cette clause est légitime ou non.

Celui qui, par la même police, assure votre capital, et la prime que vous lui comptez, fait la fonction de deux personnes, et souscrit deux contrats renfermés dans un seul. Par le premier, il assure votre capital, moyennant telle prime; par le second, il assure cette même prime, moyennant une prime nouvelle.

Posons ici deux exemples:

Premier exemple. Mon capital est de 3,000 liv. Je le fais assurer par Pierre à cinq pour cent de prime......

Je fais assurer cette prime par Jacques, et au même taux..

150 liv.

» S.

7

10

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Je ne serai en perte que de 7 liv. 10 s. pour la prime de la prime. La chosc est très-licite, suivant nos lois.

Second exemple. Pierre, qui avait assuré mon capital, moyennant la prime de 150 liv., voulant profiter d'un surcroît de prime, consent de faire la fonction de Jacques, et de se rendre assureur des 150 liv. de prime par luimême reçue. La loi ne le prohibe pas.

Il est vrai que la même personne matérielle se trouve dans l'une et l'autre assurance; mais l'esprit discerne deux assureurs, l'un du capital, et l'autre de la prime. Cette réduplication de personnes n'est pas rare. Je puis tirer une lettre de change sur moi-même ou à mon ordre. Je puis vendre à moimême les marchandises de mon commettant, qui y adhère. Je puis payer à moi-même ce que mon pupille me doit. Tout cela s'opère sans incompatibilité : Absque ullâ incompatibilitate, ob reduplicationem, seu pluralitatem diversa

$ 3.

assurer la prime estsous-entendu ?

rum personarum formalium diversis respectibus concurrentem in eâdem personá materiali. De Luca, de cambiis, disc. 2, no. 2.

Je conclus donc que l'usage où l'on est de faire assurer, par la même police, le capital et la prime, n'est contraire ni à l'Ordonnance, ni à la nature du contrat, sans qu'on puisse y trouver aucune ombre d'usure.

Mais est-il vrai que la prime soit comprise ipso jure dans l'assurance? Bien Le pacte de faire des gens soutiennent l'affirmative. Voici comme ils raisonnent: Toutes les sommes que je débourse pour les effets mis en risque, forment mon capital; or, la prime que je paie aux assureurs fait partie des mêmes débours: par conséquent, elle concourt de droit à constituer l'aliment de l'assurance.

Ce raisonnement sera admissible dans la computation du dixième, ainsi qu'on l'a vu par l'arrêt rapporté ci-dessus, sect. 7, parce que le texte de l'Ordonnance ne s'y oppose pas. Mais si dans la police on a déclaré faire assurer le dixième sans parler de la prime, je crois qu'en bonne règle, et d'après l'article 20, titre des assurances, la prime ne sera pas comprise dans l'assurance. C'est beaucoup que d'avoir la faculté de faire assurer la prime; mais cette faculté, pour être mise en action, a besoin du concours des parties. Il sera loisible aux assurés de faire assurer le coût de l'assurance: or, si cela leur est loisible, ils ont donc le choix de le faire ou de ne le pas faire; ils ne le font pas, dès que le contrat ne renferme aucun pacte spécial à cet égard.

CONFERENCE.

20,

LXXV. L'art. 342 du Code de commerce, qui correspond à l'art. l'Ordonnance, porte: « L'assuré peut faire assurer le coût de l'assurance. »

assurances, de

On peut donc toujours, sous l'empire de la loi nouvelle, par une seconde police, faire assurer par Pierre, comme l'observe Emérigon, la prime qu'on a payée ou promis de payer à Jacques, qui, par une police antérieure, s'est chargé des risques maritimes.

Il paraît étrange au premier coup-d'œil que la prime puisse devenir un objet d'assurance, parce qu'il semble qu'elle n'est jamais exposée à des risques, puisqu'elle est due, soit que le navire périsse, soit qu'il arrive à bon port. Cependant il faut considérer que si la navigation est heureuse, l'assuré se trouve amplement dédommagé de la prime qu'il a payée par le bénéfice qu'il obtient; mais qu'en cas de perte, au contraire, il ne recouvre que ses capitaux, et n'est indemnisé par rien du paiement de la prime. Il y a donc une chance de perte, et c'en est assez pour que l'assurance devienne possible et légitime.

Il n'y a pas de doute, d'ailleurs, que l'assuré ne puisse faire assurer cette prime par la même personne qui a assuré le capital. L'art. 342 du Code de commerce ne le défend pas plus que l'art. 20 de l'Ordonnance. Nous voyons même, dans plusieurs formules de police, et encore dans celle de la Compagnie d'assurances générales, autorisée par ordonnance du roi, du 22 avril 1818, qu'il est d'usage de faire assurer la prime par ceux-là même qui

assurent le capital, en vertu de la clause, nous vous permettons, ou il est permis de faire assurer l'entier capital, la prime et la prime des primes. Cette clause dans sa brièveté, observe Valin, vaut autant et a la même force que si les assureurs eussent déclaré en termes formels assurer effectivement tant le capital entier que la prime, et toutes primes de primes. - (Voyez Valin sur l'art. 20, titre des assurances, de l'Ordonnance ).

Il arrive même souvent, lorsqu'on traite ainsi avec le premier assureur, qu'on fasse assurer la cargaison et la prime des primes à l'infini; 'de manière que si les marchandises périssent, l'assureur doit vous en rendre toute la valeur sans aucune rétribution; mais aussi dans le cas d'heureuse arrivée, l'assuré lui doit, à titre de prime des primes à l'infini, une somme qu'il est facile de déterminer à l'aide d'une formule algébrique, basée sur le montant de la prime de la somme assurée.

En général, cependant, cette assurance de la prime doit être expressément constatée dans la police; elle ne se présume pas. L'art. 342 dit, l'assuré peut faire assurer le coût de l'assurance. Il est donc maître de le faire ou de ne pas le faire. Il ne le fait pas, s'il n'y a dans la police une convention spéciale à cet égard.

SECTION XIII.

Primes des Primes.

Au ch. 3, sect. 2, § 5, on a vu ce que c'est que primes des primes. L'Ordonnance n'en parle point; mais elle ne dit rien qui empêche de les faire

assurer.

L'assurance de la prime et des primes des primes est très-ordinaire en tems de guerre, à cause du haut taux de la prime.

J'ai chargé cent barriques de vin, qui me coûtent 3,000 liv. Je promets aux assureurs d'entrée et sortie soixante-quinze pour cent de prime, et je déclare me faire assurer cette prime, et les primes des primes jusqu'à extinction de risque, le tout compensable en cas de perte ou payable après l'arrivée. Je stipule de plus que le dixième ne sera pas déduit.

Le capital, la prime, et les primes des primes réunis, forment un total de 12,000 liv., à quoi les cent barriques de vin me reviennent réellement. Cette assurance est faite, non sur le profit espéré de la marchandise, mais bien dans l'espérance du profit. Si le navire arrive à bon port, le bénéfice de la marchandise me fournira le moyen de payer les 9,000 liv. de prime. Si le navire se perd, on me comptera les 3,000 liv. de mon premier capital, et les primes seront compensées avec elles-mêmes.

32

Cette manière d'opérer fut autorisée par arrêt du 20 mai 1760, au rapport de M. de Mons, en faveur de Barthélemi Benza, pour qui j'écrivais, contre la masse des créanciers de Jean-André B**.

Autre arrêt. Jean-Baptiste Roux avait assuré au sieur Simon Gilly, à la prime de douze pour cent, la somme de 2,400 liv., de sortie des lles françaises de l'Amérique, jusqu'en un port d'Europe, sur les facultés chargées sans connaissement dans les trois frégates du roi, la Valeur, la Fleur de Lys et la Sirène. Peu de tems après on eut avis que les trois frégates avaient été attaquées par des vaisseaux de guerre anglais. Le sieur Roux se fit réassurer ladite somme de 2,400 liv. à la prime de quatre-vingt-dix pour cent, déclarant faire assurer la prime, et toutes les primes des primes. Cette réassurance se montait donc à la somme importante de 24,000 liv., savoir:

Pour le capital, formant dix pour cent du total...... 2,400 liv.
Pour les primes à quatre-vingt-dix pour cent.......... 21,600

24,000

Ces trois frégates furent prises. Arrêt du 28 juin 1762, au rapport de M. de Camelin, qui condamna les réassureurs à payer à Roux les 24,000 liv. réassurées.

On peut opposer que les primes ne sont pas un effet embarqué dans le navire, et physiquement exposé aux flots de la mer.

Mais, 1°. elles sont une impense faite pour la chose même qui est embarquée; 2°. elles dépendent du sort de la navigation. En un mot, le bien du commerce a introduit cette espèce d'assurance, qui ne blesse en rien le droit public.

A Bordeaux, et en divers autres endroits, il est d'usage, en tems de guerre, d'insérer dans la police la clause suivante : Nous vous permettons (ce sont les assureurs qui parlent), de vous faire assurer en entier les primes et primes des primes. Cette clause a le même effet que s'il était dit qu'on fait assurer la prime et primes des primes. Valin, art. 20, des assurances, s'élève contre deux sentences de la Table de Marbre de Paris, qui avaient décidé le contraire; d'où il prend occasion d'observer que, pour juger de la force et » du sens des clauses des contrats appartenans au commerce, il faut plutôt » s'en tenir à l'usage que s'attacher à la signification des mots pris littérale⚫ment, et suivant les règles de la grammaire.» Suprà, ch. 2, sect. 7, S 4.

CONFÉRENCE.

LXXVI. Les primes des primes, c'est lorsqu'en sus du capital, on fait assurer non seulement la prime, mais encore les primes des primes qui en dérivent. Le nouveau Code de commerce n'en parle pas plus que l'Ordonnance; mais l'assurance des primes des primes par l'assuré n'en est pas moins usitée aujourd'hui, ainsi qu'elle l'était sous l'empire de l'Ordonnance.

En effet, celui qui a fait assurer des marchandises ne peut plus les faire réassurer, parce qu'à leur égard, il ne court plus aucun risque. Mais il court encore des risques relativement à la prime; car en cas de perte de ses marchandises, cette prime étant toujours retenue par l'assureur, serait perdue pour lui sans dédommagement: il peut donc la faire

assurer.

Un exemple fera sentir l'intérêt qu'il peut y avoir et donnera une idée de cette opération. Je fais assurer 40,000 francs de marchandises à une prime de dix pour cent, ce qui fait ci....

4,000.

Je fais assurer cette prime de 4,000 francs au même taux, ce qui produit une seconde prime qu'on nomme prime de la prime, et qui, dans notre exemple, s'élève à ci......

400°

Je fais assurer cette seconde prime au même taux, ce qui me donnera pour la troisième prime ci......

'40o.

Faisant encore assurer cette troisième prime toujours au même taux, elle scra assurée pour ci......

Et ainsi de suite jusqu'à l'infini.

4'

Alors il résultera de ces assurances des primes des primes, que si le navire arrive à bon port, j'aurai payé en totalité pour les différentes primes 4,444 francs, qui seront autant à diminuer sur le bénéfice de mes marchandises. Mais aussi si ces marchandises périssent, je ne perdrai que 4 francs. Dans ce cas le premier assureur me rendra la valeur de mes marchandises, moins la prime de 4,000 francs; mais cette prime étant assurée par le second assureur, il me la rendra, moins sa prime de 400 francs; celle-ci me sera rendue à son tour par le troisième assureur, qui retiendra sa prime de 40 francs, laquelle me sera restituée par le quatrième assureur, qui n'aura à retenir que sa prime de 4 francs: c'est là tout ce que je perdrai.

Mais je ne perdrai rien, si je fais assurer la prime des primes à l'infini.

D'ailleurs, rien n'empêche que la prime de la prime ne soit pas au même taux que la première prime. Cela dépend du plus ou moins de dangers que l'on prévoit lors du contrat, pour les marchandises et objets assurés. — ( Art. 342 du Code de commerce );

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