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SECTION XV.

Solvabilité des Assureurs.

« IL sera loisible aux assurés de faire assurer la solvabilité des assureurs. » Art. 20, titre des assurances. Cet article est tiré du Guidon de la mer, ch. 12,

art. 20.

Par ce moyen, l'assuré dissipe les craintes qu'il a conçues au sujet de la solvabilité de son assureur. Il se procure une espèce de fidejusseur nouveau qui lui répond de la solidité du premier : Pro fidejussore, fidejussorem accipi, nequaquàm dubium est. L. 8, § 12, ff de fidejuss.

$ 1. Quelle est la nad'assurance ?

La première assurance subsiste telle qu'elle a été conçue dans le principe. Il ne s'opère ni novation, ni altération du premier contrat. Le premier assu- ture de cette espèce reur, et celui qui assure la solvabilité de ce premier assureur, ne deviennent pas cofidėjusseurs, cofidejussores non erunt, parce que chacun d'eux est lié par une stipulation particulière, quia diversarum stipulationum fidejussores sunt, pour me servir des paroles de la loi 43, ff de fidejuss. D'où il suit que l'assurance de la solvabilité de l'assureur est totalement étrangère à celui-ci. La solvabilité de l'assureur forme la matière d'une assurance nouvelle. Le second contrat est totalement distinct du premier, et n'intéresse en aucune manière l'assureur, dont la solvabilité est assurée.

Santerna, part. 3, no. 56, observe très-bien que celui qui assure la solvabilité des assureurs ne devient pas caution de ceux-ci, puisqu'il ne s'oblige pas en leur faveur, et pour leur rendre service. Il s'oblige directement, en son nom propre, et sans leur participation. C'est ici une obligation conditionnelle, d'une espèce particulière, et que l'on ne doit pas confondre avec la fidéjussion proprement dite: Non est fidejussio sed obligatio conditionalis, constituens aliam speciem actionis et obligationis. Vid. Straccha, Trait. de assecur., introd., n°. 49. On trouve dans le droit deux textes qui ont une grande relation à la matière présente.

Titius me doit mille écus. Mevius me promet de me payer ce que je ne pourrai pas retirer de mon débiteur, quantò minùs ab eo consequi possim. II n'est pas douteux que Mevius ne me soit garant de l'entière somme. Si je me pourvois contre Titius, Mevius ne sera libéré qu'autant que la somme entière m'aura été payée. Mais Titius et Mevius ne sont pas débiteurs corrées de la

T. I.

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Celui qui assure la solvabilité, accéde

même obligation: Non sunt duo rei ejusdem obligatonis. Mevius est simple débiteur conditionnel, si Titius ne paie pas : Sub conditione debet, si à Titio exigi non poterit. Il faut donc que je discute Titius avant que de pouvoir attaquer Mevius: Nec Mevius, pendente stipulationis conditione, rectè potest conveniri; à Mevio enim antè Titium excussum, non rectè petetur. L. 116, ff de verb. oblig. La loi 21, ff de solut., renferme la même décision.

En faisant assurer par un second assureur la solvabilité du premier, je ne à l'obligation de l'as délie pas celui-ci; mais le second accède à l'obligation du premier assureur. Ils ne sont pas débiteurs corrées; mais l'assureur de solvabilité sub conditione debet.

sureur.

$ 2.

Y a-t-il lien au bé

D'où Pothier, n°. 33, et Valin, art. 20, titre des assurances, concluent que néfice de discussion? la personne qui a assuré la solvabilité de l'assureur, peut opposer le bénéfice de discussion, si elle n'y a point renoncé.

Ces deux auteurs n'ont pas fait attention qu'un pareil bénéfice n'est pas connu dans les tribunaux mercantiles, quia juris apices respicit. Straccha, en son Traité quomodò in causis mercatorum procedendum sit, tit. 2, no. 5. Cacheranus, dec. 2. Casaregis, disc. 68, n°. 14. Cujas, C. de const. pecun. Bretonier, tom. 2, pag. 471. Despeisses, tom. 2, pag. 617, no. 9. Vedel, tom. 2, pag. 147. Decormis, tom. 2, pag. 1752. Duperier, tom. 2, pag. 309. Bezieux, pag. 224.

Cependant, comme il s'agit ici d'une assurance de solvabilité, et d'un débiteur conditionnel, il semble que l'insolvabilité du premier assureur doit être constatée jusqu'à un certain point, avant qu'on soit en droit de se pourvoir contre le second. Je croirais donc que sans jeter l'assuré dans l'embarras d'une discussion telle qu'on l'exige dans les affaires ordinaires, il suffit que l'assureur, dont la solvabilité a été assurée, soit en demeure de payer à la première contrainte, c'est-à-dire au premier commandement qui lui est fait, en vertu de la sentence du juge, pour qu'on soit en droit de se pourvoir contre celui qui a assuré la solvabilité. Le Guidon de la mer, ch. 2, art. 20, n'exige rien de plus.

CONFÉRENCE.

LXXVIII. L'Ordonnance de la marine, art. 20 du titre des assurances, avait formellement autorisé l'assuré à faire assurer la solvabilité de son assureur.

Le nouveau Code de commerce n'en parle point; mais ce n'est pas une raison pour conclure qu'il a voulu le défendre. En effet, rien ne s'oppose à ce que l'assuré demande une caution à ses assureurs; à plus forte raison doit-il lui être permis de se donner lui-même un garant d'une autre espèce, en faisant assurer la solvabilité de ceux-là. Mais la première

assurance, comme l'observe Emérigon, subsiste telle qu'elle a été conçue dans le principe. Il ne s'opère ni novation, ni altération du premier contrat. Le premier assureur et celui qui assure la solvabilité ne deviennent pas cofidejusseurs, parce que chacun d'eux est lié par une stipulation particulière.

Néanmoins, Pothier et Valin pensent que le second assureur accède à l'obligation du premier assureur et se rend sa caution; d'où ils concluent que la personne qui a assuré la solvabilité de l'assureur peut opposer le bénéfice de discussion, s'il n'y a point renoncé. -(Voyez Pothier, no. 33, assurances; Valin, sur l'art. 20, assurances ).

C'est avec raison qu'Emérigon conteste cette maxime, parce que, outre que le bénéfice de discussion n'a pas lieu pour les coobligés ou cautions mercantiles, les deux assureurs n'ayant pu traiter ensemble, demeurent nécessairement étrangers l'un à l'autre. Le second ne devient donc ni la caution, ni le codébiteur solidaire du premier.

Ces sortes de contrats sont plutôt de simples garanties que de véritables assurances maritimes. Ils ne sont d'ailleurs guère usités, et ne doivent avoir lieu que dans le cas où la solvabilité serait très-douteuse. (Voyez notre Cours de droit maritime, tom. 3, sect. 10, des réassurances, pag. 439 et suivantes ).

SECTION XVI.

Réassurance en cas de faillite de l'Assureur.

L'OBJET de l'assurance a été de me procurer un garant qui réponde du sinistre. Or, si pendant le cours du risque, ce garant fait faillite, j'ai droit de requérir la dissolution du contrat, à moins que la masse des créanciers de l'assureur failli ne se rende elle-même assureur, ou ne me donne caution. Valin, art. 20. Pothier, no. 190.

Il est vrai qu'en règle générale, les contrats ne sont pas révoqués par le refus qu'une des parties fait de les accomplir, et qu'on n'a rien de plus que l'action, ou pour obliger le réfractaire à remplir son engagement, ou pour le faire condamner aux dommages et intérêts. LL. 6 et 33, C. de transact. L. 21, C. de pactis. Ibiq. Cujas, et les autres docteurs.

Mais cette règle n'a pas lieu lorsque la cause finale du contrat vient à cesser. L'on sait que la cause finale forme le principe, l'âme, le soutien de l'acte, lequel sans elle n'aurait pas pris naissance, et ne saurait subsister sans elle. Mantica, de tacitis, liv. 3, tit. 12, n°. 27. Dumoulin, sur la Rubrique de verb. oblig., no. 58. Godefroi, sur la loi 6, C. de pactis. De Luca, de donat., disc. 9, n°. 8; disc. 61, n°. 16, de empt.; disc. 12, n°. 4. Furgole, tom. 4, pag. 272.

$ 1.

Règle générale.

$ 2.

Usage de Marseille,

La cause finale de l'assurance est d'avoir un assureur qui soit en état de répondre du sinistre. Or, la faillite rend cette responsion vaine et impuissante. L'hypothèque qu'on a sur les biens d'un failli, en vertu de la police reçue par courtier ou notaire, est souvent ou chimérique, ou sujette à mille difficultés. Si lors de la signature de la police, la prime avait été payée, Pothier, en l'endroit cité, dit qu'on peut en demander la restitution.

Parmi nous, l'assuré présente requête contre le failli et la masse des créanciers. Il obtient sentence qui l'autorise à se faire réassurer les risques en suspens, à telle prime qu'il trouvera; condamne le failli au paiement du coût et frais de ladite réassurance, et de la plus forte prime (si l'on est obligé d'en payer une plus forte). Le tout avec intérêts et dépens; pour lesquelles adjudications, il est ordonné que l'assuré se paiera tout premièrement sur la prime stipulée dans la police (si elle avait été simplement promise), et en cas d'insuffisance, sur les autres biens et effets du failli.

L'assurance qu'on fait faire à ce sujet, est ordinairement conçue en ces termes: Se fait assurer pour compte des (assureurs faillis) en remplacement des risques par eux pris. Faisant la présente réassurance en vertu de la sentence obtenue le, etc.

D'après cet usage, la première assurance subsiste en toute sa force. L'assureur failli n'est pas délié. Il continue d'être responsable du sinistre, en cas d'insolvabilité du réassureur; ce qui n'aurait pas lieu, si l'assurance primitive avait été dissoute, en conformité de ce qui se pratique en diverses places du royaume.

La même pratique n'est pas inconnue dans Marseille. L'assuré a le choix de demander, ou le résilîment du contrat, faute par l'assureur failli de donner caution, et alors l'assurance cesse d'exister, ou la permission de faire réas

surer.

CONFÉRENCE.

LXXIX. La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques parfaits, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera pas à son engagement. (Art. 1184 du Code civil). Une partie ne peut pas, en effet, demeurer engagée, tandis que l'exécution du contrat manque de la part de l'autre. C'est pourquoi la réassurance a toujours été permise en cas de faillite de l'assureur.

Il en doit être de même si c'est l'assuré qui tombe en faillite; ce sont les mêmes motifs de le décider ainsi. Aussi l'art. 346 du Code de commerce porte : « Si l'assureur tombe » en faillite lorsque le risque n'est pas encore fini, l'assuré peut demander caution ou la > restitution du contrat.

» L'assureur a le même droit dans le cas de faillite de l'assuré. »

La simple crainte de l'insolvabilité, soit de l'assureur pour répondre de la somme assurée, soit de l'assuré pour le paiement de la prime, ne suffit pas pour faire réaliser ou révoquer l'assurance, et il ne reste à l'un ou à l'autre, dans ces cas, que la faculté de se faire réassurer. Mais si cette crainte est réalisée par la faillite survenue de l'un d'eux, l'autre est sans difficulté en droit de demander la résolution de la police d'assurance, si les risques ne sont pas finis, à moins que le failli ou les créanciers qui le représentent n'offrent bonne et suffisante caution pour répondre de l'effet de l'assurance.

La loi dit, si le risque n'est pas encore fini, parce que si le risque n'existe plus, si le navire a péri ou est arrivé à bon port, il n'est plus tems de résilier l'assurance, qui a reçu son complément; il ne s'agit plus que de la faire exécuter.

Pothier, des assurances, n°. 116, et Valin sur l'art. 20, titre des assurances, faisaient une distinction entre l'assurance de sortie et celle de retour; et dans l'hypothèse de cette dernière, ils prétendaient que la faillite de l'assuré ne donnait pas lieu aux assureurs de demander la résolution du contrat d'assurance. Mais outre qu'il n'y a aucune différence légale entre l'assurance de sortie et celle de retour, l'art. 546 du Code de commerce est général, et ses dispositions s'appliquent à l'un et à l'autre cas de faillite.

JURISPRUDENCE.

Lorsque l'assuré est tombé en faillite, l'assureur ne peut demander caution du paiement de la prime ou la résolution d'assurance, qu'autant que le risque n'est pas encore fini.

Le risque est censé fini du moment où l'événement qui y met réellement fin est arrivé, ou au moins du moment où l'assureur est présumé avoir eu connaissance de cet événement. Dans ce dernier cas, l'époque de la connaissance se détermine en calculant une lieue et demie par heure du lieu à quo au lieu ad quem. — (Code de commerce, art. 366; arrêt du 28 juin 1813, Cour royale d'Aix, rapporté par M. Dalloz, premier volume supplémentaire de sa Jurisprudence générale, pag. 328).

Nota. Cet arrêt nous paraît conforme aux véritables principes, malgré les observations qu'on a faites sur sa doctrine. Cependant, si l'assureur, dans cette espèce, demandait à prouver qu'au jour de son action le risque n'avait véritablement pas cessé, on ne pourrait lui refuser cette preuve, malgré la présomption légale dont parle l'art. 366 du Code de

commerce.

SECTION XVII.

Solvabilité de l'Assuré débiteur de la Prime.

VALIN, art. 20, titre des assurances, croit que l'assureur ne peut pas se faire assurer la prime qui lui a été promise par l'assuré, dont la solvabilité est devenue douteuse. Cette assurance, dit-il, ne me paraît pas plus licite que

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