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de faire échelle. Elles embrasseront les nouvelles marchandises chargées, et même celles qui seront subrogées aux premières.

Il a même été jugé que le mot facultés comprend les nègres achetés en Guinée, lieu de relâche, et embarqués pour les Iles françaises. Suprà, ch. 8, sect. 4.

Voici un cas traité par les docteurs. Je fais assurer mes marchandises, sans m'expliquer davantage. Lors de la signature de la police, je n'avais chargé de marchandises dans le navire que pour 2,000 ducats. J'y charge ensuite d'autres effets. Le navire périt. Roccus, n°. 33, décide que les assureurs ne sont garans de la perte que jusqu'à la concurrence de 2,000 ducats: Assecurator tenetur tantùm pro summa mercium ducatorum 2,000, quam tempore assecurationis habebat in navi, et, non pro aliis posteà superadditis.

Mais, pour admettre la doctrine de Roccus, il faudrait supposer que l'assureur se fût indéfiniment obligé de payer, en cas de perte, la valeur de toutes mes marchandises, et que par la police on n'eût déterminé aucune somme. Il serait alors juste de restreindre l'obligation aux effets qui se trouvaient dans le navire à l'époque du contrat.

C'est ainsi que la question est posée par Marquardus, lib. 2, cap. 15, no. 57: An assecurator, qui de mercium omnium periculo indeterminate cavit, earum etiàm teneatur præstare jacturam, quæ tempore assecurationis constituta in navi non fuerunt? Il décide que dans ce cas, l'assurance indéfinie, et sans désignation de somme, comprend les scules marchandises qui, lors du contrat, se trouvaient déjà chargées, et nullement celles qui l'ont été depuis; à moins que par un pacte spécial on n'eût dit qu'on faisait également assurer celles-ci. Cette doctrine est répétée par tous nos auteurs. Santerna, part. 3 ̧ n°. 49. Straccha, gl. 6, no. 9. Roccus, no. 53. Casaregis, disc. 1, no. 145, et disc. 7, n. 17.

Je n'ai jamais vu des assurances dressées dans le goût de celles dont ces auteurs parlent. Notre usage est que chaque assureur détermine la somme pour laquelle il prend risque, et la police porte que ce risque court sur les facultés et marchandises, depuis le jour qu'elles ont été ou seront chargées dans le navire, jusqu'à ce qu'elles soient débarquées dans le lieu de leur destination.

Par ce moyen, l'assurance comprend toutes les marchandises qui sont chargées dans le navire, soit avant, soit depuis le contrat, et même celles qui le sont pendant le cours du voyage, pourvu que la clause de faire échelle ait été stipulée. Infrà, ch. 13, sect. 8.

T. I.

58

L'assurance de mes rien dire de plus comprend-elle les marchandises chargées depuis la signature de la police?

marchandises, sans

$ 6.

Chose qui consiste

ou mesure.

N. B. Les docteurs ultramontains ont agité diverses questions, qui ne paraissent bonnes que pour l'école. J'étais tenté de les mettre à l'écart; mais, 1o. il arrive souvent que des points que l'on croyait être de simple spéculation, trouvent leur application dans les circonstances du fait, qui varient à l'infini; 2°. lorsqu'on veut approfondir une matière, la théorie ne doit pas être négligée; elle sert à développer les principes. C'est par elle qu'on devient savant dans un art; mais pour y être maître, il faut joindre la pratique à la théorie.

Roccus, not. 29, dit que si l'on fait assurer une chose qui consiste en en poids, nombre poids, nombre ou mesure, sans désigner ni mesure, ni nombre, ni poids, ni somme d'argent, l'assurance est nulle, parce qu'il est impossible de connaître quelle chose on a voulu faire assurer; comme si l'on disait : Je vous assure une portion du blé que vous ferez venir du Levant, sans déterminer ni quantité, ni valeur.

Chose dont on ne désigne ni la qualité ni la valeur.

$7.

Il est difficile que ce cas se présente jamais; mais s'il se présentait ( car il n'est point de bizarrerie dont l'esprit humain ne soit capable ), je croirais que la doctrine de Roccus devrait être suivie. La stipulation d'une chose dont on ne connaît ni la valeur, ni la quantité, est incertaine, et par conséquent nulle: Ubi non apparet, quid, quale, quantumque est in stipulatione, incertam esse stipulationem dicendum est. L. 75, ff de verb. oblig.

Le legs ou la stipulation d'un fonds de terre, sans désignation particulière, ne signifie rien: Fundo non demonstrato, nullum esse legatum, vel stipulationem fundi, constat. L. 69, § 4, ff de jure dotium.

En effet, une motte ou glėbe peut être appelée fonds de terre : Quoniam vel cespes, vel gleba una, terræ fundus dici potest. Cujas, sur la loi 13, ff de legat., 1. Ainsi, une portion de blé peut se réduire à un grain, et même à quelque chose de moins. Pothier, des obligations, no. 131.

Autre cas. Je vous assure cent charges de blé que vous ferez venir du Levant, sans déterminer ni qualité, ni valeur. Le navire qui porte les cent charges de blé périt. Je serai obligé de payer la perte; mais la valeur du blé sera estimée sur le pied de la plus basse qualité, parce que dans le doute, on interprète le contrat en faveur du débiteur. Vid. Roccus en l'endroit cité.

Les docteurs traitent au long la question, si l'assurance indéfinie de mes marL'assurance de mes chandises comprend les marchandises qui sont communes à moi et à d'autres prend-elle les mar- intéressés. Ils sont divisés en trois opinions :

marchandises com

chandises qui sont

communes à moi et à d'autres intéressés?

Les unes prétendent que cette assurance est absolument nulle.

Les autres soutiennent qu'elle est valable pour la portion d'intérêt qui ap

partient à l'assuré. Santerna, part. 3, no. 58. Straccha, gl. 10, n°. 9 et 16. Roccus, not. 39. Casaregis, disc. 1, no. 97; disc. 66, n°. 11.

Enfin, les troisièmes soutiennent que l'assurance est bonne en entier : Quia quod commune est, nostrum esse dicitur. Kuricke, pag. 835, n. 13. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 41.

M. Valin, art. 3, titre des assurances, embrasse ce dernier avis; sur-tout, ajoute-t-il, si l'assuré a stipulé, tant pour ses associés que pour lui.

Dans ce dernier cas, la chose n'est pas susceptible de doute. Mais comment décider la question, si dans la police l'assuré n'a stipulé que pour lui?

Je crois, 1°. que si les marchandises communes ont été chargées pour mon compte et celui des autres intéressés, l'assurance que j'aurai fait faire pour mon compte seul, ne concernera que mon intérêt, parce que rien de plus n'a été

assuré.

2o. Si le connaissement avait été dressé pour compte d'une maison de commerce, et sous le nom social, l'assurance faite pour compte et au nom particulier d'un des associés serait étrangère aux effets sociaux. Vid. infrà, ch. 11, sect. 4, § 2.

3. Si les marchandises communes ont toutes été chargées en mon nom et pour mon compte, l'assurance que je ferai faire pour mon compte sur la tɔtalité des mêmes marchandises profitera à moi seul, dans le cas où la somme assurée n'excède pas l'intérêt que j'avais en la chose commune. Voici cependant un arrêt qui paraît contraire à cette assertion :

Bernard Girard remit à Jean Reynier, nocher du vaisseau le Jason, capitaine Allemand, une pacotille dont la facture se montait à 371 liv., pour la vendre au Cap Français, et recharger le produit dans le même navire.

Ce nocher avait une pacotille à lui propre. Arrivé au Cap Français, il vendit l'une et l'autre pacotille. Il chargea en retour, dans le vaisseau le Jason, à sa consignation et sous sa marque, cinq boucauds, quatre quarts et un sac café, et un quart indigo. Le connaissement ne parlait pas de Girard, quoique le produit de la pacotille de celui-ci se trouvât confondu dans les effets chargés sous le nom seul de Reynier.

Le 15 janvier 1758 le navire arriva à Cadix et y fut désarmé. Reynier chargea sous sa marque et à sa consignation les retraits de la double pacotille dans le vaisseau hollandais Jowen Gertrudes Adriana, et fit assurer à Marseille, pour son propre compte, la somme de 2,500 liv. sur les mêmes effets. Cette assurance, qui remplissait son intérêt personnel, laissait à découvert

celui de Girard. Le vaisseau hollandais fut arrêté par les Anglais et conduit à Gibraltar, où les marchandises furent confisquées.

Girard soutint que pour tout ce qui concernait sa pacotille, il s'était reposé sur Reynier; que l'assurance faite sur un objet commun devait être commune aux deux cointéressés, et qu'un commissionnaire est toujours présumé agir pour l'avantage de son commettant comme pour le sien propre. L. 31, ff mandati. L. 1, ff quod quisque juris.

Sentence rendue par notre tribunal consulaire en octobre 1758, qui déclara l'assurance être commune entre Reynier et Girard.

Reynier déclara appel. Il disait qu'il s'était borné à faire assurer l'intérêt qui lui était propre ; qu'il n'avait contracté aucune société collective avec Girard, et que si le navire fût arrivé à bon port, Girard aurait refusé de contribuer au paiement de la prime.

La sentence fut confirmée par arrêt du 29 avril 1760, rendu, les chambres assemblées, après trois partages, au rapport de M. de Saint-Marc. L'avis de M. Pazery, de Thorame, compartiteur, fut suivi. Il y eut dix-huit voix

contre seize.

Mais, 1°. ce procès était étranger aux assureurs. Ils avaient payé à Reynier l'entière perte, attendu que l'assurance était relative au connaissement : ce qui suffisait à leur égard; 2°. la question dépendait plutôt du fait que du droit. Il s'agissait uniquement de connaître et d'interpréter les accords des deux parties; car la règle générale est que chacun des cointéressés est présumé n'avoir fait assurer que pour soi.

Cette présomption, qui est bonne entre les cointéressés, cesse vis-à-vis des assureurs, lesquels seraient non recevables à opposer la question de propriété à celui qui agit en vertu du contrat. Suprà, ch. 5, sect. 2. C'est-à-dire que si Reynier eût fait faire des assurances pour la valeur de la double pacotille, les assureurs n'auraient pu s'exempter de payer l'entière somme assurée, attendu que le pour compte de la police d'assurance se serait trouvé relatif à celui du connaissement.

CONFERENCE.

XCI. Le Code de commerce, après avoir fait connaître, par l'art. 334, quelles choses pouvaient être l'objet du contrat d'assurance, dit, dans son art. 335, que l'assurance peut être faite sur le tout ou sur une partie desdits objets, conjointement ou séparément; c'està-dire qu'elle peut être faite conjointement sur le corps et quille du vaisseau, les agrès et apparaux, les armemens, les victuailles, les marchandises du chargement, etc., ou séparément sur l'un ou l'autre de ces objets, et qu'elle peut même être faite sur le total des effets chargés, ou sur chaque chargement particulier, ou partie de chaque chargement.

On fait assurer sur le corps de tel navire, sur les facultés de tel navire, sur cargaison de tel navire, sur corps et facultés de tel navire, etc.

Mais, ainsi que l'observe Valin sur l'art. 7, titre des assurances, de l'Ordonnance, il faut bien faire attention aux termes de la police d'assurance; car autre chose est d'assurer le corps et quille du navire, ses agrès et apparaux et victuailles, et autre chose est d'assurer les marchandises qui y sont chargées, puisque l'assurance du vaisseau n'influe nullement sur les marchandises, et vicissim.

En effet, comme l'objet de toute obligation doit être certain, soit par lui-même, soit par ses rapports et ses caractères distinctifs, il est nécessaire que ces différentes espèces d'assurances soient désignées d'une manière claire et précise dans la police, afin qu'il ne soit pas au pouvoir de l'une des parties de rendre le contrat inutile et nul, ou d'en étendre les dispositions suivant son intérêt personnel.

Les anciennes lois de la mer défendaient de faire assurer le total des effets chargés dans un navire, ou de chaque chargement particulier, sans déduction du dixième; de sorte que l'assuré courait toujours risque du dixième de ses marchandises, afin de le forcer par là à veiller à la conservation du total. · ( Art. 11 du chap. 2 du Guidon de la mer).

L'Ordonnance de la marine n'était pas si prohibitive. Les assurés ne couraient risque du dixième que lorsqu'ils étaient propriétaires du navire ou embarqués sur le navire, ou lorsque, n'étant pas sur le navire, ils n'avaient pas stipulé expressément qu'ils entendaient faire. assurer le total de leurs marchandises. - (Art. 18 et 19, titre des assurances, de l'Ordonnan ce).

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La commission avait inséré ces deux articles dans son premier projet du Code de commerce; mais elle les retrancha sur les observations de la Cour de Rennes et des tribunaux de commerce de Nantes et du Havre; de manière que l'assuré ne court point aujourd'hui le risque du dixième des effets qu'il aurait chargés, s'il n'y a stipulation expresse à cet égard dans la police. Les assureurs sont chargés des risques du total. (Voyez les articles 270 et 271 du projet du Code de commerce, les observations de la Cour de Rennes, tom. 1, pag. 351, etc.)

Les art. 334 et 335 permettent, sans exception ni limitation, l'assurance de la totalité des objets qui en sont susceptibles, ou de chaque objet en particulier. La clause du dixième est laissée à la volonté et au choix des parties.

Ainsi, on peut faire assurer le navire avec tous ses accessoires et toutes les marchandises qui y sont chargées, ce qu'on exprime en disant que le navire est assuré corps et facultés.. On peut ne faire assurer que le navire avec tous ses accessoires: alors on dit qu'il est assuré corps et quille. On peut ne faire assurer que les marchandises chargées dans le navire: ́alors l'assurance est faite sur facultés. Enfin, on peut faire assurer une partie seulement du navire, ses agrès et apparaux, son armement, la moitié, le tiers, le quart qu'on a dans la propriété; ou bien une partie du chargement, la moitié, le tiers, le quart des marchandises désignées.

L'assurance est faite conjointement, si elle embrasse tous les objets ensemble, de manière qu'il n'y ait qu'une seule assurance. Par exemple, je fais assurer mon navire corps et facultés. L'assurance est faite séparément, lorsque chaque chose différente est l'objet d'une assurance particulière. Par exemple, je fais assurer seulement le navire corps et quille; dans

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