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$2.

Justification de

assuré.

d'assurer les navires étrangers de Marseille. J'ai vu des polices dressées par nos courtiers, où les assureurs dispensent les assurés de rapporter aucun titre ni pièces, pour justifier du coût et de la propriété du vaisseau.

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L'Ordonnance, art. 56, titre des assurances, soumet l'assuré à justifier le l'existence du navire chargement des marchandises assurées; mais « à l'égard du navire, l'objet est réel, et n'a pas besoin de preuve. Il ne peut donner matière à discussion que par rapport à l'estimation. C'est ainsi que s'explique Valin, ibid. Je conviens que dans l'ordre des choses le navire est un objet réel qui n'a pas besoin de preuve. Voici cependant un exemple du contraire.

Le nommé Colvorty, négociant à Exon, en Angleterre, fit offre de service aux sieurs Besson et fils, de Marseille. Ceux-ci écrivirent aux sicurs Linck, négocians à Londres, de leur marquer quelle confiance on pouvait avoir en cet ami. Les sieurs Linck répondirent: Nous nous sommes informes de lui, et nous sommes certains qu'il vous servira à votre entier contentement.

En conséquence, les sieurs Besson et fils donnèrent ordre à Colvorty d'acheter pour leur compte trois mille quintaux de blé, et de leur en faire l'expédition le plus tôt possible.

Colvorty leur répondit qu'il avait acheté le blé. Il leur donna avis que le blé était chargé sur tels et tels vaisseaux qu'il leur nomma. Il leur envoya les factures, les connaissemens et autres pièces. Le tout paraissait être en due forme. Pour ses prétendus débours, il tira sur les sieurs Besson des lettres de change, qui furent acceptées et payées. Mais les bâtimens annoncés et les cargaisons de blé étaient en peinture. Les pièces dont on vient de parler étaient fausses. Colvorty s'enfuit. Un jugement rendu par contumace à Exon le condamna à la mort. Les sieurs Besson et fils attaquèrent en garantie les sieurs Linck, lesquels, par sentence consulaire, rendue à mon rapport, en Grande Rotte, le 14 avril 1755, furent mis hors de Cour et de procès avec dépens; car, par cela seul qu'on a donné des informations favorables sur le compte de quelqu'un, on ne devient pas responsable des événemens. L. 7, § 10. L. 8, ff de dolo malo. L. 2, ff de proxenet. De Luca, de cambio, disc. 30; de credito, disc. 90. Pothier, du mandat, no. 20.

Les sieurs Besson acquiescèrent à cette sentence, et répétèrent de leurs assureurs la prime des assurances, devenues nulles par le défaut de risque

maritime.

On ne se serait pas attendu qu'on supposât des navires qui n'eussent jamais existé; mais il suffit que ce cas, quelque extraordinaire qu'il soit, puisse arriver, pour que nos négocians (assureurs, commettans ou com

missionnaires), soient attentifs à se précautionner contre ce nouveau genre de fraude.

CONFÉRENCE.

XCV. Comme le navire est l'aliment du risque, et qu'il n'y a point d'assurance sans matière exposée aux risques maritimes, l'assuré doit justifier de l'existence du navire qu'il a fait assurer, et de l'intérêt qu'il a fait assurer sur corps. En général, Valin, sur l'art. 56, peut avoir raison de dire que le navire est un objet réel qui n'a pas besoin de preuve. Mais l'exemple que donne Emérigon prouve qu'on peut faire assurer des navires qui n'ont jamais existé. C'est ici une obligation exceptionnelle, à l'exécution de laquelle l'assuré est soumis par la nature même du contrat. — (Voyez d'ailleurs, pour les obligations imposées aux propriétaires de navires, la loi du 13 mai 1791, la proclamation du roi, du 1o. juin suivant, et les décrets des 21 septembre et 9 octobre 1793).

SECTION 11.

Justification du Chargement.

L'ART. 56, titre des assurances, que je viens de citer, dit qu'en cas de perte, l'assuré justifiera le chargement.

L'art. 57 ajoute que les actes justificatifs du chargement et de la perte seront signifiés aux assureurs.

L'art. 61 se borne au terme générique d'attestation.

Ce n'est que par les art. 62 et 63, où il s'agit des assurances faites pour compte du capitaine et des mariniers, que l'Ordonnance exige un connaisse

ment.

Pourquoi la manière de justifier l'intérêt assuré n'a-t-elle pas été fixée par une règle univoque, tandis que l'Ordonnance renferme un titre spécial du connaissement, et tandis que la nécessité du connaissement est requise vis-àvis du capitaine et des mariniers, si l'assurance est faite pour leur compte? J'en aperçois deux raisons :

1o. Il est des cas où l'assuré est dans l'impossibilité d'exhiber un connaissement. Il faut donc alors se contenter des pièces justificatives ou attestations qu'on peut avoir, sauf au juge à examiner si elles sont de poids ;

2. Le connaissement que l'assuré exhibe est une pièce probante, mais qui peut être débattue par les assureurs. Voilà pourquoi l'Ordonnance n'a pas voulu, sur ce point, s'expliquer d'une manière spécifique, afin de laisser

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aux tribunaux la liberté de juger, suivant les circonstances, de la validité des preuves qu'on leur présente; car, comme l'observe Casaregis, disc. 149, n°. 31, probationes non sunt affixæ certo modo, nec certis formulis, sed remissæ sunt religioni et arbitrio judicantium.

Vide suprà, ch. 5, sect. 2, où j'ai parlé de la question de propriété, au sujet des marchandises assurées.

CONFERENCE.

CXVI. La doctrine des auteurs, tels que Casaregis, Roccus et Straccha, qui ont pensé que la police d'assurance est un contrat qui a exécution parée, n'est point admise parmi nous. Avant de poursuivre le paiement des sommes assurées, l'assuré doit justifier du chargement. « Les actes justificatifs du chargement et de la perte sont signifiés à l'assureur, avant » qu'il puisse être poursuivi pour le paiement des sommes assurées. »(Art. 383 du Code de commerce).

Les actes justificatifs du chargement sont d'abord les connaissemens, qui sont la reconnaissance donnée par le capitaine aux chargeurs des marchandises qu'ils ont embarquées sur son navire. Le connaissement est la véritable et spécifique preuve du chargement. Il fait foi entre l'assureur et l'assuré (art. 283 du Code de commerce ), et l'on n'admet rien contre sa teneur, à moins qu'il ne soit attaqué comme frauduleux. (Voyez Pothier, assurances, n°. 144).

Cependant en l'absence du connaissement, l'assuré est admis à prouver le chargé par des preuves supplétives, telles que le manifeste, ou tableau général du chargement, les expéditions prises au bureau des douanes, les factures, etc. (Voyez, à cet égard, Valin sur l'article 57 de l'Ordonnance, titre des assurances, et sur l'art. 1, titre du connaissement). Mais alors l'assureur est admis à la preuve des faits contraires à ceux qui sont consignés dans les attestations. (Art. 384 du Code de commerce ).

Outre la justification de la quantité, de l'espèce ou de la qualité des objets assurés, il faut en outre justifier leur valeur, suivant les règles établies par l'art. 339 du Code de commerce. La clause qui dispense l'assuré de produire le connaissement, et même de justifier du chargé, est licite. Cette clause a lieu sur-tout pour le commerce en interlope. Néanmoins, les assureurs sont en droit de prouver que le chargement n'a pas été fait. Le cas de fraude doit toujours être excepté. Ils peuvent d'ailleurs exiger le serment de l'assuré. Au reste, l'obligation de s'en tenir à la parole de quelqu'un n'est pas illégale. Ce pacte n'est prohibé par aucune loi. (M. Delvincourt, Institutions commerciales, tom. 2, pag. 425).

Il faut donc écarter l'opinion de Valin sur l'art. 57, des assurances, et de Pothier, assurances, no. 144, qui déclarent cette clause illicite et contraire à la loi.

Il en doit être de même du pacte par lequel le réassuré stipule qu'il ne sera soumis qu'à montrer la quittance du paiement de la perte (voyez ci-après la sect. 9), et de la clause du donneur à la grosse, qui fait assurer les marchandises sur lesquelles il a fait le prêt, par laquelle il stipule qu'il ne sera obligé qu'à exhiber à ses assureurs le contrat à la grosse. Dans ces cas, sitôt qu'il n'y a ni dol, ni fraude, l'assureur n'a aucune exception à proposer. (Voyez ci-après la sect. 10).

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Enfin, l'admission de l'assureur à la preuve des faits contraires à ceux qui sont consignés dans les attestations de l'assuré, ne suspend pas les condamnations jugées convenables de cet assureur, au paiement provisoire de la somme assurée, moyennant une caution de la part de l'assuré. Ce cautionnement est éteint après quatre années révolues, s'il n'y a pas eu de poursuite. (Art. 384 du Code de commerce; voyez sur cette matière la sect. 6, tit. 11 de notre Cours de droit commercial maritime, tom. 4, pag. 341 et suivantes).

SECTION III.

Du Connaissement.

§ 1.

Différence entre

De la charte-par

« LE contrat de charte-partie est un contrat par lequel on loue un navire › en entier ou pour partie, à un marchand, pour le transport de ses mar- la charte-partie et chandises, et on s'oblige envers lui de les transporter sur ce navire au lieu le connaissement. › de leur destination, pour une certaine somme que le marchand s'oblige tie. réciproquement de payer au locateur, pour le fret, c'est-à-dire le pour › loyer du navire.» Pothier, contrats maritimes, n°. 3.

P

Cette définition est puisée dans l'Ordonnance, titre des chartes-parties, art. 1. Vid. Cleirac, pag. 420. Stypmannus, part. 4, cap. 10, no. 5.

Ce contrat s'appelle charte-partie, affrétement ou nolissement. Ordonnance, art. 1, même titre.

Charte-partie vient de l'usage où l'on était anciennement de couper en deux la carte ou papier contenant les accords des parties. Chacune d'elles gardait en son pouvoir la moitié de l'instrument, qu'on réunissait ensuite pour vérifier s'il était le même.

On se sert des mots affrétement et fret sur l'Océan, et des mots nolissement et nolis sur la Méditerranée.

Cleirac, pag. 414, dit que le mot fret vient de fretum, qui signifie un détroit ou bras de mer.

lo

Nolis vient de naulum, qui est le loyer du navire, pour le transport des marchandises, ou pour le passage des personnes. L. 6, ff qui potior in pign. Le propriétaire d'un navire le frète, il s'appelle fréteur; il est locateur, cator. Le marchand affrète le navire, et s'appelle affréteur. Il est locataire, conductor. Vid. Stypmannus, part. 4, cap. io, n°. 5. Kuricke, quest. 7. Straccha, de navib., part. 4, n°. 7. Targa, ch. 25.

La charte-partie doit être rédigée par écrit, et passée entre les marchands

connaissement ?

et le maître ou les propriétaires du bâtiment; mais le maître est tenu de suivre l'avis des propriétaires du vaisseau, quand il le frète dans le lieu de leur demeure. Art. 1 et 2, titre des chartes-parties.

La charte-partie doit contenir le nom et le port du vaisseau, le nom du maître et celui de l'affréteur, le lieu et le tems de la charge et de la décharge, le prix du fret ou nolis, avec les intérêts des retardemens et séjours (tels que starie et sur-starie). Il est loisible aux parties d'y ajouter les autres conditions dont elles seront convenues. Art. 3, titre des chartes-parties.

Lorsque le navire est loué en entier, c'est un affrétement per aversionem ; c'est-à-dire que pendant le voyage convenu, l'usage de l'entier navire est laissé à l'affréteur, qui peut le faire balayer au retour, et percevoir lui seul tous les nolis, droits de passage, droit de chapeau et autres bénéfices. Stypman nus, part. 4, cap. 10, n°. 148. Kuricke, tit. 3, art. 2, pag. 699. Vinnius et Peckius, pag. 118 et 297. Targa, cap, 25, no. 5. Cleirac, pag. 320 et 415. Pothier, contrats maritimes, no. 20.

Le capitaine ne peut alors rien charger, ni pour son compte, ni pour celui d'un tiers, sans le consentement de l'affréteur, qui a droit de percevoir le nolis de tous les effets chargés, même des marchandises chargées avec sa permission. Art. 2, titre du fret. Pothier, contrats maritimes, nos. 21 et 22.

Un capitaine dont le vaisseau avait été affrété cap et queue, mit dans sa caisse des piastres qui lui valurent un nolis de 200 liv. Sentence du 14 juillet 1750, qui adjugea ce nolis à l'affréteur,

Le capitaine Jean Frisgezet, hollandais, commandant le navire la Dame Eve, avait placé dans sa chambre dix-huit balles laine, et un surron de cire. Sentence du 17 juillet 1750, confirmée par arrêt du Parlement d'Aix, rendu en juin 1752, au rapport de M. de Mirabeau, qui condamna ce capitaine à en payer le fret aux sieurs frères Grillier, affréteurs du navire.

Les pactes de la charte-partie doivent être observés de part et d'autre, avec autant d'exactitude que de fidélité. Consulat de la mer, ch. 83, 87 et 100. Jus anseat., tit. 5, art. 5. Stypmannus, part. 4, cap. 10, no. 186. Cleirac, pag. 295.

18,

Qu'est-ce que le Le connaissement, autrement dit police de chargement, est une reconnaissance que le capitaine donne des marchandises chargées dans le navire. Art. 1, titre des connaissemens. Guidon de la mer, ch. 2, art. 8. Pothier, n". 17, 19 et 20. Le chevalier d'Abreu, part. 1, ch. 2, § 8. Hubner, part. 2, ch. 3, $ 10, no. 6.

On dresse un connaissement, quoiqu'il y ait chartepartic.

Quoiqu'il y ait une charte-partie, il ne faut pas moins dresser un connais

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