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celles qu'il a entendu faire assurer, etc. On sent que l'admission de pareilles excuses prêterait à d'énormes abus.

Aussi, parmi nous, celui qui se fait assurer est considéré comme assuré véritable, quoiqu'il déclare agir pour compte d'autrui, etc.

D'un autre côté, et dans ces cas, l'exécution de l'assurance pourra être poursuivie par celui qui, présentant un connaissement entièrement conforme aux marchandises assurées par le commissionnaire, prouvera ainsi que ces marchandises lui appartenaient, et que c'est pour son compte qu'on les avait fait assurer.

Mais comme il dépend de l'assuré de rompre le voyage, en ne chargeant rien dans le navire (art. 349 du Code de commerce), il ne lui est pas permis d'insérer dans le connaissément tout autre pour compte que celui énoncé dans la police. Sans cela il serait le maître de réclamer ou de rejeter l'assurance, suivant l'événement. C'est pourquoi il faut que le connaissement soit relatif et conforme à l'assurance.

Au reste, il faut considérer le sens du mot pour compte comme étant le fondement de l'ancienne jurisprudence, que ce nouveau Code de commerce n'a pas détruite. Il est déterminé par l'usage. Les règles rappelées par Emérigon subsistent toujours, tant qu'on ne se sert pas d'autres termes que ceux usités.

$ 1. Signification de cette clause.

Quelle en est la

vertu ?

SECTION V.

Clause que dit être.

Nos capitaines sont en usage de signer les connaissemens, avec la clause que dit être.

Cette clause signifie que le chargeur a dit que les marchandises étaient de telle qualité et quantité, sans que le capitaine l'ait vérifié. Targa, cap. 31, n°. 4. Casaregis, disc. 10, n°. 55. Valin, art. 2, titre des connaissemens.

Par le moyen de cette clause, le capitaine n'est point garant du poids ou de la mesure. Consulat de la mer, ch. 266.

Sentence du 24 mai 1748, qui jugea qu'un patron, qui avait signé une police d'une balle de poivre, pesant tant, avec ladite clause, ne répondait pas du manque de poids.

Autre sentence du 10 juillet 1750, en la cause des frères Croze Magnan et du capitaine Jean-Joseph Brunet, de la Ciotat. Ce capitaine fut déchargé d'un manque de blé, attendu ladite clause.

Cette même clause dispense le capitaine de répondre de la qualité intérieure. Une barrique énoncée comme remplie de noix muscades, se trouva pleine de vieilles ferrailles. Sentence rendue en 1751, qui déchargea le capitaine.

1

Mais cette clause ne décharge pas le capitaine du nombre de tonneaux et de balles. Casaregis, disc. 10, no. 56 et 124. Ainsi jugé par sentence du 20 février 1750, qui condamna le capitaine Lefebvre de Belleville, commandant le vaisseau la Ville de Saint-Malo, à payer au sieur Famin la valeur d'une balle de coton égarée.

Si, pendant la route, le capitaine avait ouvert, sans nécessité prouvée, des balles ou des caisses, il répondrait de la qualité, quantité et poids mentionnés dans le connaissement. Le chargeur serait admis au serment en plaids. Targa, cap. 31, n. 5. Straccha, de nautis, part. 5, § 3. Casaregis, disc. 23,

n°. 17.

Au reste, sous prétexte de la clause que dit être, le capitaine ne peut pas empêcher qu'on prouve la fraude dont on l'accuse. Targa, cap. 31, no. 5. Pothier, contrats maritimes, no. 17, dit que les affréteurs ne peuvent s'op» poser à la clause que dit être, et exiger une signature pure et simple, à › moins qu'ils n'offrent de vérifier, à leurs frais, le poids (qualité ou mesure) › en présence du maître. »

Le sieur Morra affréta la barque du capitaine Gipier, pour y charger du blé. Le blé fut chargé. Le capitaine voulait signer avec la clause que dit être. Morra prétendait que le connaissement devait être pur et simple. Il alléguait que le capitaine ou son second avait été averti d'assister au mesurage, et qu'ils y avaient assisté. Une enquête fut ordonnée. Les faits interloqués ne furent pas prouvés.

L'avis fut que, par l'affrétement, le capitaine ne s'étant pas obligé d'assister au mesurage, et n'étant pas prouvé qu'il eût consenti d'y assister, il n'était pas obligé de signer le connaissement sans la clause ordinaire.

Sentence du 15 décembre 1753, qui débouta le sieur Morra de sa requête, et qui permit au capitaine de signer avec la clause que dit être.

Le capitaine commis pour faire l'achat et le chargement ne saurait se prévaloir de la clause que dit être, et l'insérer dans l'acte qu'il dresse lui-même; il doit connaître ce qu'il fait, et rendre un compte exact de sa gestion. Telle est la jurisprudence constante de notre amirauté. En mars et avril 1754, il fut rendu deux sentences en faveur des sieurs Sollicoffre et Fitler, du sieur Fléchon et des sieurs Belleville et Lafont, contre deux capitaines qui, ayant été commis pour acheter eux-mêmes du blé en Levant, s'étaient laissé tromper par une fausse mesure. Les connaissemens avaient été signés avec la clause banale que dit être. On n'y eut aucun égard. Les deux capitaines furent condamnés à payer le déficit.

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$ 4.

Connaissement

qui contient la clau

se que dit être, fait-il sureurs?

foi vis-à-vis des as

Au reste, si le manque était minime (ce qui dépend de l'arbitrage du juge), on ne s'y arrêterait point; car le mandat est un contrat de bonne foi, où l'équité ne doit pas être oubliée. La manière de mesurer produit toujours quelque différence: Modicum pro nullo reputatur; et on ne traite pas un capitaine commissionnaire avec l'âpreté d'un ennemi: Nec amarè, nec tanquàm inter infestos.

Quoique la clause que dit être diminue de beaucoup la foi du connaissement dans lequel elle est insérée, Casaregis, disc. 10, no. 55 et 124, soutient que le connaissement ainsi 'modifié n'en a pas moins de force contre les assureurs. Cette doctrine n'est pas éloignée de nos usages.

Mais les assureurs sont fondés à requérir l'exhibition des factures et autres pièces capables de constater la qualité et la quantité de la chose assurée, pour en connaître le véritable prix. Art. 64, titre des assurances. Guidon de la mer, ch. 2, art. 9; ch. 7, art. 3.

CONFÉRENCE.

XCIX. Il ne faut pas perdre de vue que la clause que dit être ne doit pas servir de prétexte à la fraude et à la bonne foi. On doit la restreindre dans ses justes bornes.

Si cette clause dispense le capitaine de la responsabilité intérieure des marchandises, elle ne le décharge point de la responsabilité du nombre des tonneaux, des caisses et des ballots, ni de la responsabilité de la qualité, de la quantité et du poids des marchandises données à découvert; de manière qu'il a pu vérifier cette qualité, quantité et poids, ni de la responsabilité de cette même qualité et quantité, si les balles ou caisses avaient été ouvertes en route et sans nécessité. Du reste, la clause que dit être ne dispense pas les assureurs de répondre des avaries, si le sinistre est justifié conformément à la loi. (Voyez Valin sur l'art. 2, titre du connaissement; Pothier, charte-partie, n°. 17; l'art. 222 du Code de commerce, et notre Cours de droit maritime, tom. 1, tit. 4, sect. 2, pag. 409).

SECTION VI.

S'il n'y a point de connaissement, peut-on y suppléer?

Tour comme on ne doit pas toujours ajouter foi aux connaissemens que l'assuré exhibe, de même on ne doit pas toujours refuser d'écouter l'assuré qui est dépourvu de connaissement: Ea quæ dicuntur de fide præstanda libris ac notulis, seu apocis scribæ navis, benè procedunt affirmativè, sed non concludunt ne

gative; ut scilicet credi quidem debeat, ubi adsunt; sed si non adsint, non per hoc præclusa est via, seu modus aliter probandi. De Luca, de credito, disc. 106, no. Il est en effet des cas où les marchandises sont embarquées sans connais

sement.

17.

On ne s'avise point d'en dresser pour les marchandises chargées en interlope. Suprà, ch. 8, sect. 5.

On n'en dresse point pour le bagage des passagers, que ceux-ci peuvent faire assurer; on n'en dresse point pour les petits objets qu'un capitaine veut bien embarquer pour rendre service à un ami; on n'en dresse point pour les effets non policés ni manifestés. Infrà, sect. 7, § 3.

Il peut arriver que le capitaine mette à la voile sans avoir signé les connaissemens; enfin, enfin, il est possible que les connaissemens faits à triple s'égarent ou soient anéantis.

Dans tous ces cas, on peut, suivant les circonstances, suppléer au défaut de connaissement.

L'art. 3, titre du fret, permet au maître de décharger à terre les marchandises trouvées dans son navire, qui ne lui auront pas été déclarées, ou

» d'en prendre le fret au plus haut prix qui sera payé pour marchandises de pareille qualité. Mais cet article ne défend pas de faire assurer les marchandises non déclarées au capitaine.

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L'art. 12, titre du fret, dit que les effets dont il n'y aura point de connaissement ne seront point payés, s'ils sont jetés, et que, s'ils sont sauvés, ils › ne laisseront pas de contribuer. Mais cet article ne dit pas que, » si pareils effets ont été assurés, les assureurs seront à couvert de toute recherche.

L'art. 25, titre des naufrages, dit que les propriétaires seront tenus de justifier leurs droits par connaissemens, factures et autres semblables pièces. » L'Ordonnance suppose donc qu'il est des cas où des marchandises sont chargées sans connaissement, et qu'on doit y suppléer.

En un mot, le législateur ne déclare point l'assuré non recevable à se pourvoir contre ses assureurs, s'il n'est pas muni d'un connaissement, et j'adhère à ce que dit Valin, art. 7, titre de l'écrivain, qu'il n'est pas essentiel absolument de justifier le chargement par un connaissement juridique. Et sur l'art. 1, titre du connaissement, il dit qu'on peut, en défaut de connaissement, admettre des preuves supplétives du chargement. Casaregis, disc. 1, no. 10, et Straccha, glos. 11, no. 55, in fine, tiennent le même langage.

Ce dernier auteur observe que les mots de la police, ainsi que l'assuré fera

apparoir par connaissement, ne forment pas une condition, et qu'à défaut de connaissement, il suffit que le chargé soit prouvé par toute autre pièce.

CONFÉRENCE.

C. Les conséquences que tire Emérigon des articles de l'Ordonnance peuvent également se tirer des art. 292, 383 et 420 du Code de commerce. Ces articles supposent toujours qu'il est des cas où des marchandises sont chargées sans connaissement, et qu'on doit y suppléer. Mais, tout en adoptant avec Emérigon la doctrine de Valin, il faut que la preuve supplétive au connaissement résulte d'actes, de pièces et de témoignages non suspects. Ce sont les circonstances qui légitiment cette preuve.

$1.

Nature de cette clause.

$ 2.

de perte l'assuré ne

ber rien de plus que

SECTION VII.

De la clause ou autre sorte d'écriture.

Nos polices d'assurance portent ordinairement la clause, que l'assurẻ justifiera du chargé par connaissement ou autre sorte d'écriture.

Il est d'abord certain qu'on ne doit avoir recours aux autres sortes d'écriture qu'à défaut absolu de connaissement. In subsidium et in defectum alterius, pour me servir des paroles de Sanleger, Résol. civ., part. 2, cap. 192, no. 13; car, s'il y a un connaissement, il faut qu'on le représente et qu'on s'en tienne à cette pièce légale, sans qu'il soit permis d'y donner atteinte par aucune děclaration privée. Suprà, sect. 3, § 4.

S'il n'y a point de connaissement, il est bon de spécifier dans la police Pacte qu'en cas d'assurance quelle est la pièce qu'on exhibera en cas de sinistre, pour justifier sera soumis à exhi- l'intérêt assuré. Par exemple, j'ai acheté une action sur corps et facultés d'un l'écrite privée de navire. Je fais faire pour mon compte des assurances sur le corps et les facultés de ce vaisseau, avec pacte qu'en cas de sinistre, je prouverai mon intérêt par le seul et simple billet d'action à moi cédée par les armateurs. Ce pacte est légitime.

l'intérêt à lui cédé.

$ 3.

Usage au sujet des pacotilles.

Mais pareilles précautions sont souvent négligées, sur-tout en matière de pacotilles.

On sait que les pacotilles forment un objet considérable de commerce, et qu'il est rare que les armateurs permettent aux capitaines et officiers de leurs bâtimens d'en prendre de la part des particuliers. On sait encore queles capitaines et les officiers ne laissent pas d'embarquer des pacotilles à l'insu

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