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mées et punies, soit par des peines correctionnelles, soit par des peines afflictives ou in

famantes.

On avait élevé la question importante de savoir si on pouvait, dans l'état de notre législation criminelle, appliquer les dispositions pénales de l'Ordonnance de la marine, pour les délits et les crimes commis par le capitaine en cours de voyage. Mais nous avons démontré dans notre Cours de droit commercial maritime, par une discussion assez étendue, que nos Codes de lois pénales ordinaires ne se sont point occupés de ces espèces de crimes et délits, et que les dispositions pénales de l'Ordonnance de la marine, de 1681, régissaient encore la navigation du commerce, en ce qui regarde la qualification et la punition des délits et des crimes du capitaine. (Voyez tom. 1, tit. 4, sect. 1, pag. 388 et suivantes).

Mais depuis le moment où nous écrivions, il a été fait plusieurs lois et réglemens relatifs aux délits et aux crimes commis par les capitaines dans le cours de la navigation : la loi du 15 avril 1818, concernant les délits relatifs à la traite des noirs; l'ordonnance du 18 janvier 1823, concernant les délits des armateurs et capitaines qui emploient et affrètent leurs navires à transporter des esclaves dans les mers du Levant; enfin, la loi du 10 avril 1825, concernant la sûreté de la navigation et du commerce maritime. Tous les délits et les crimes commis par le capitaine, et qui ont été prévus par ces lois spéciales, doivent être jugés d'après les dispositions de ces lois.

Toutes ces lois et ordonnances étant d'un intérêt majeur pour les armateurs, capitaines et officiers de la marine marchande, seront imprimées à la fin de ce volume.

D'après l'art. 225 du Code de commerce, le capitaine est tenu, avant de prendre charge, de faire visiter son navire pour constater son état de navigabilité. (Voyez ci-après la sect. 58 et la conférence ). Mais comme cette visite ne saurait donner pour constant que navire était bien lesté et arrimé, le capitaine n'est pas moins responsable d'un bon arrimage.

JURISPRUDENCE.

le

Les assureurs de la cargaison d'un navire, qui, dans la police d'assurance, ont garanti la baraterie de patron, sont-ils responsables de la perte des marchandises, arrivée faute d'un bon arrimage?

Cette question a été décidée affirmativement contre le capitaine, quoiqu'il se fat servi d'un arrimeur juré, et par conséquent contre les assureurs qui se seraient rendus responsables de ses fautes, par arrêt de la Cour de Rouen, du 14 décembre 1820.

La même question s'est présentée le 7 juillet 1824 deyant la Cour de cassation, relativement à un chargement de mulets; mais elle n'a pu être résolue, parce que l'arrêt contre lequel on s'était pourvu a été cassé par défaut de motifs.(Voyez Dalloz, 1824, pag. 326 et suivantes, et aux notes, pag. 529).

48

$ 1.

Éloge des mari

niers.

Jurisdiction du ca

pitaine sur l'équipage.

SECTION V.

Faute des Mariniers.

LES assureurs ne répondent point des pertes arrivées par la faute des mariniers, à moins qu'il n'y ait convention contraire. Il est donc à propos de donner quelque idée des fautes dans lesquelles les mariniers peuvent tomber.

Nos auteurs parlent des matelots d'une manière très-peu favorable; mais l'éloge qu'ils en font mérite sans doute d'être mitigé, sur-tout dans le siècle où nous vivons. Ce sont, disent-ils, gens mauvais, voleurs, indociles, et surchargés de tous les vices qu'ils ramassent dans les lieux où ils abordent. Consulat de la mer, ch. 141. Straccha, de nautis, part. 5, § 4. Vinnius et Pechius, ad leges rhod., pag. 1. Kuricke, pag. 693, 694, 711 et 750. Cleirac, pag. 489. Pour contenir pareils gens dans le devoir, il a été nécessaire de déférer au capitaine une puissance et une espèce de jurisdiction capable de conserver ou de rappeler le bon ordre dans son bord. Jugemens d'Oléron, art. 12. Ibiq. Cleirac, pag. 58. Kuricke, pag. 748. Targa, ch. 12, n°. 17. Casaregis, disc. 156, n°. 14.

Pourront, par l'avis des pilotes et contre-maîtres, faire donner la cale, » mettre à la boucle, et punir d'autres semblables peines, les matelots mutins, ivrognes et désobéissans, et ceux qui maltraiteront leurs camarades, > ou commettront d'autres semblables fautes ou délits dans le cours de leur » voyage.» Art. 22, titre du capitaine.

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L'ordonnance concernant les consulats, du 3 mars 1781, tit. 3, art. 26, « défend aux capitaines, maîtres et patrons des bâtimens français, étant dans » les ports et rades du Levant et de Barbarie, de maltraiter leurs équipages, » de donner la cale, et de punir d'autres semblables peines les matelots mu» tins, ivrognes ou désobéissans, et ceux qui maltraiteront leurs camarades » ou commettront d'autres semblables fautes ou délits, à moins qu'ils n'en » aient obtenu la permission de l'ambassadeur, des consuls et vice-consuls. Pareilles peines n'infligent point note d'infamie: elles sont usitées chez nos voisins. Stypmannus, part. 4, ch. 20, no. 48, pag. 588. Kuricke, pag. 750. Loccenius, lib. 3, cap. 8, no. 17.

Anciennement le capitaine avait l'autorité de chasser du bord les matelots querelleurs et désobéissans. Consulat de la mer, ch. 122 et 160. Droit anséa

tique, tit. 3, art. 8; tit. 4, art. 5. Ibiq. Kuricke, pag. 707 et 710. Jugemens d'Oléron, art. 5, 6 et 13. Ibiq. Cleirac, pag. 29, 30 et 61. Ordonnance de Wisbuy, art. 25. Targa, ch. 17, pag. 65.

Aujourd'hui le capitaine n'a pas le droit, pendant le cours du voyage, de chasser du bord les mariniers querelleurs et désobéissans, parce que la loi 'ui donne des moyens assez suffisans pour réprimer leur inconduite. Déclaration de 1728, art. 1. Valin, art. 2 et 3, titre des matelots, et art. 10, titre de l'engagement.

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Le matelot ou autre qui aura fait couler les breuvages, perdre le pain, » fait faire eau au navire, excité sédition pour rompre le voyage, ou frappé » le maître les armes à la main, sera puni de mort. Art. 7, titre des matelots. Ibiq. Valin. Consulat de la mer, ch. 160 et 161. Jugemens d'Oléron, art. 2. Ordonnance de Wisbuy, art. 24. Loccenius, lib. 3, cap. 8, no. 19.

La peine dont l'art. 7, titre des matelots, parle, aurait lieu contre les officiers et passagers qui se rendraient coupables de pareils délits. Targa, ch. 12, n°. 24.

Dans les cas où il s'agit d'un crime capital, le capitaine, assisté de ses officiers, doit constituer prisonnier le délinquant, faire les procédures urgentes et nécessaires pour l'instruction du procès, et remettre le coupable aux officiers de l'amirauté du premier lieu du royaume où le navire abordera. Art. 23, titre du capitaine. Droit anséatique, tit. 3, art. 11. Ibiq. Kuricke, pag. 711 et 750. Cleirac, sur les Jugemens d'Oléron, art. 12, pag. 60, et au chapitre de la jurisdiction, pag. 454 et 524. Le capitaine étant donc magistrat dans son navire, il doit savoir se faire respecter. Il avilirait son caractère s'il maltraitait ses gens, et plus encore s'il avait la bassesse de les frapper. Une telle inconduite mériterait d'être punie sévèrement par les juges à qui la plainte en serait portée.

Le subalterne qui, en pareils cas, se serait mis en état de défense, et qui aurait repoussé la violence par la force, pourrait, suivant les circonstances, être excusé, du moins jusqu'à certain point.

« Le marinier doit souffrir patiemment les injures qui lui sont faites de la » part de son patron. Si celui-ci lui court dessus, le marinier doit fuir jusqu'à la proue; s'il est poursuivi, il doit fuir de l'autre côté; mais s'il est poursuivi encore, il peut se défendre, prenant à témoin l'équipage, de la

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» nécessité où il se trouve de repousser la force par la force. Consulat de la mer, ch. 162.

«

Si le maître frappe aucun de ses compagnons, ledit compagnon doit at

$2.

Le capitaine ré

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tendre le premier coup, comme de poing ou de paulme. Mais si le maître

frappe plus d'un coup, ledit compagnon se peut défendre; et si le compagnon › fiert le premier, il doit payer cent sous d'amende ou perdre le poing. Jugemens d'Oléron, art. 2.

D

«

D

Qui frappera son maître paiera cent sous ou perdra la main ; et si le ■ maître bat, il doit recevoir coup pour coup. Ordonnance de Wisbuy, art. 24.

Vid. Targa, ch. 17, no. 3, pag. 63, et Valin, art. 22, titre du capitaine. Le capitaine, obligé d'avoir l'œil sur tout, répond des vols faits et des dompond-il des méfaits mages causés par les matelots, à moins qu'il ne justifie qu'il n'a pu les empêcher. Consulat de la mer, ch. 59, 77 et 195. Cleirac, pag. 66, 449 et 525. Casaregis, disc. 23, n°. 81. Kuricke, pag. 724, n°. 9. Straccha, de nautis, part. 3, no. 8. Roccus, de nautis, no. 40. Ordonnance du 3 mars 1781, tit. 3,

des mariniers?

§ 3.

Les assureurs n'en répondent pas,

art. 25.

Les assureurs ne répondent point des méfaits des mariniers, à moins que, par la police, ils ne soient chargés de la baraterie du patron. Le mot patron comprend ici tous ceux qui sont aux gages du navire.

CONFÉRENCE.

CX. Voyez l'art. 353 du Code de commerce, d'après lequel les assureurs ne sont point tenus des fautes du capitaine et de l'équipage, s'il n'y a convention contraire, c'est-à-dire s'ils ne se sont chargés de la baraterle de patron.

Ces termes baraterie de patron, comme nous l'avons dit ci-devant, comprennent toutes les espèces tant de dol que de simple imprudence, défaut de soin et impéritie, tant du patron que des gens de l'équipage. Effectivement, le mot patron comprend tous ceux qui sont aux gages du navire. (Voyez Pothier, no. 64 et 65, des assurances).

L'espèce de jurisdiction que le capitaine peut avoir aujourd'hui sur les gens de son équipage, ne passe pas le droit de discipline et de correction. Sous l'empire de l'Ordonnance, cette punition était définie par l'art. 22, titre du capitaine; maintenant elle est circonscrite dans les bornes prescrites par l'art. 1 du tit. 2 de la loi du 22 août 1790. Il est vrai que cette loi regarde particulièrement la discipline sur les vaisseaux de l'État; mais une instruction du ministre de la marine, du 28 brumaire an 7, décide, d'après les ordres du Gouvernement, que les lois sur la discipline et la répression des délits maritimes s'appliquent à ceux qui servent sur les navires particuliers.

Les peines de discipline ne regardent que les matelots et les officiers maritimes. Les officiers majors ne sont punis que par les arrêts. D'ailleurs ces peines ne peuvent être infligées que de l'avis du pilote, du contre-maître et des autres officiers majors, etc. (Voyez au surplus notre Cours de droit maritime, tom. 2, prolégomènes du tit. 4, pag. 370 et suivantes).

SECTION VI.

Faute des Passagers et des Gens de guerre.

La loi 1, S1, ff naute, dit que le capitaine est garant, non seulement de l'inconduite des mariniers, mais encore de celle des passagers: Factum non olum nautarum præstare debet, sed et vectorum.

D'où il semble que les assureurs ne répondent pas des pertes et dommages ccasionnés sur mer par les passagers ou par les gens de guerre.

Cela est vrai, s'il a été au pouvoir du capitaine de l'empêcher; mais s'il n'y a eu absolument aucune faute de sa part, l'accident arrivé sur mer par le délit des passagers ou des gens de guerre sera à la charge des assureurs, parce que l'Ordonnance n'excepte que les pertes qui arrivent par la faute du maître et des mariniers. Le cas dont il s'agit doit être régi par la règle générale, qui rejette sur les assureurs toute perte et tout dommage arrivés sur mer. Voyez la section suivante, où je rapporte les arrêts rendus contre les assureurs du vaisseau la Vierge du Rosaire.

Cependant l'art. 12, titre des contrats à la grosse, décide que ce qui arrive par le fait des marchands chargeurs n'est pas réputé cas fortuit. Mais, par marchands chargeurs, on doit entendre celui qui a chargé les effets sur lesquels es deniers ont été pris à la grosse, et par analogie, celui qui a chargé les fets qui ont été assurés; car, si tout autre marchand chargeur embarqué ps le navire occasionnait, par son fait, quelque dommage ou sinistre à la cse d'autrui, sans que le capitaine eût pu ni le prévoir ni l'empêcher, je cr que les assureurs de la chose endommagée répondraient de cet acciden sauf leur garantie contre le coupable. Vid. mon Traité des contrats à la ch. 7, sect. 2.

CONFÉRENCE.

CXI. La doctrine établie par Emérigon est la même sous l'empire du Code de commerce que sous l'Ordonnance de 1681.

Le capitaine est garant des vols faits et des dommages causés par les matelots, à moins qu'il ne prouve qu'il n'a pu les empêcher. Il en est de même de l'inconduite des passagers et des gens de guerre.

Mais si le capitaine justifie qu'il n'y a aucune faute de sa part et qu'il n'a pas été en son pouvoir d'empêcher le mal, cet accident, arrivé sur mer par le délit des passagers ou des gens de mer, sera à la charge des assureurs, parce que l'art. 353 du Code de com

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