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au navire par eux assuré. Le doute qui occasionne un pareil partage, ne suffit pas pour les décharger de l'accident, s'ils ne rapportent une preuve capable de détruire la présomption légale établie contre eux.

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Si cette preuve était rapportée, dès lors tout doute s'évanouirait; le partage déterminé par l'art. 10, titre des avaries, n'aurait plus lieu, et la cause des assureurs serait décidée d'après la vérité connue; mais tant que le doute subsiste, le dommage partiel doit être remboursé par les assureurs, par cela seul que l'accident est arrivé sur mer dans le tems et les lieux des risques.

CONFÉRENCE.

CXIX. L'abordage est encore mis, par l'art. 350 du Code de commerce, au nombre des accidens de mer à la charge des assureurs. Cependant, pour que les assureurs en soient responsables, il faut qu'il soit arrivé par cas fortuit, comme dans une tempête, ou même par la faute du capitaine de l'autre navire. Les lois et la jurisprudence ont toujours mis à la charge des assureurs tout abordage qui n'a pas pour cause le fait de l'assuré ou du capitaine. Mais le rapprochement des dispositions des art. 550 et 407 semblerait avoir jeté quelques. doutes dans l'esprit de plusieurs jurisconsultes.

L'art. 350 paraît avoir voulu corriger l'inexactitude de l'art. 26, titre des assurances, de' l'Ordonnance, en disant abordage fortuit.

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L'art. 407 distingue trois espèces d'abordages : celui qui arrive par cas fortuit, celui qui arrive par la faute de l'un des capitaines, et celui qui arrive sans qu'on puisse savoir par la faute de qui.

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Dans le premier cas, les dommages sont à la charge des assureurs; dans le second cas, ils sont à la charge du capitaine qui est en faute; dans le troisième cas, les dommages sont réparés à frais communs et par égale portion, par les navires qui l'ont fait et souffert. (Art. 407).

Mais dans la dernière hypothèse, la portion qui incombera au navire assuré sera-t-elle à la charge des assureurs? Le doute vient de ce que l'art, 550 ne parle que de l'abordage fortuit, et que l'art. 407 ne donne la qualification de fortuit qu'au premier des cas qu'il exprime, et non à celui qui arrive sans qu'on en connaisse la cause.

Nous avons décidé. l'affirmative de cette question, importante dans notre Cours, tom. 4, pag. 15, et voici nos motifs Ou, l'événement est arrivé par la faute de l'un ou de l'autre capitaine, ou il est arrivé par cas fortuit. Peut-on dire ici que l'abordage a eu lieu par la faute de l'un comme de l'autre capitaine, puisqu'on n'en peut connaître la cause? On sent que la faute ne se présume point; et si la loi ne dit point qu'on imputera ici l'événement à la faute du capitaine, on ne peut donc placer le sinistre dans le cas d'exception. La loi dit, au contraire, que s'il y a doute dans les causes de l'abordage, chaque navire en supportera sa part, La loi considère done comme les vraies causes du dommage la fortune de mer, la force majeure qui a poussé les navires l'un sur l'autre ; et dans ce cas, la portion qui incombe au navire assuré doit être à la charge des assureurs, qui, par la nature. 53

T. I.

du contrat d'assurance, sont tenus de tous les accidens arrivés sur mer, quelque insolites, inconnus ou extraordinaires qu'ils soient. (Voyez d'ailleurs M. Estrangin sur Pothier, n°. 50, des assurances ).

--

Op reviendra Sur ces objets en parlant des avaries.

Du reste, les dispositions de l'Ordonnance concernant la liberté de navigation sont toujours en vigueur, et intéressent directement ou indirectement les assureurs, selon que les accidens sont arrivés par cas fortuit, force majeure, ou par la faute du capitaine, ou équipage du navire assuré.

Les assureurs peuvent-ils exciper de la prescription de vingt-quatre heures, établie par l'art. 8, titre des prescriptions, et l'art. 436 du Code de commerce? chap. 19, sect. 16, conference, tom. 2).

(Voyez ci-après le

Ce changement est-il présume fatal ?

SECTION XV.

Changement de Route ou de Voyage.

L'ART. 26, titre des assurances, après avoir mis aux risques des assureurs toutes les pertes et dommages qui arrivent sur mer par tempête, naufrage, échouement et abordage, ajoute qu'ils seront également tenus des pertes et dommages qui arrivent par changement de route ou de voyage.

Mais il faut que ce changement de route ou de voyage ait été occasionné par tempête, ou par crainte des ennemis, ou autre cause nécessaire; car la règle générale qui rejette sur les assureurs les accidens arrivés sur mer, est modifiée par une autre règle qui les dispense des pertes arrivées depuis la rupture du voyage.

Vous dites que le navire est perdu. Je réponds que la perte est arrivéc après la rupture du voyage assuré. Vous répliquez que le changement de route ou de voyage a été opéré pour cause nécessaire; vous redevenez dcmandeur en cette réplique, de laquelle vous êtes par conséquent obligé de rapporter la preuve: Actor replicationem suam probare tenetur. Corvinus, C. de probat., pag. 181. Celui qui avance un fait, doit le prouver: Ei incumbit probatio, qui dicit, non qui negat. LL. 1 et 21, ff eod.

Nota. Tout ce qui regarde la route ou le voyage assuré, est trop vaste pour en faire la matière d'une section. Je le traiterai dans le chapitre suivant.

CONFÉRENCE.

CXX. Ainsi que l'art. 26 de l'Ordonnance, l'art 350 de la loi nouvelle met à la charge des assureurs les pertes et dommages qui arrivent par changemens forcés de route, de voyage, etc. — (Voyez aussi les art. 6 et 7 des Assurances d'Anvers ).

Le mot forcés, ajouté ici par le nouveau législateur, fait disparaître toutes les difficultés qui s'étaient élevées sous l'empire de l'Ordonnance, qui disait seulement changement de route. Maintenant il n'y a plus lieu à interprétation. Les assureurs ne sont tenus que des pertes et dommages arrivés par changement forcé de route, de voyage, etc., lorsque ce changement a été prouvé nécessaire par l'assuré. - (Voyez Valin sur l'art. 26 précité, sur ce que l'on doit entendre par changemens forcés).

Il y aurait encore changement forcé de route, si le capitaine était obligé de dérouter pour éviter une avanie, ou le paiement d'un péage établi contre le droit des gens.

En parlant des pays du Levant, on désigne par avanie la vexation que les Turcs font à ceux d'une autre religion que la leur, pour en tirer de l'argent. (Mais voyez ci-après le chap. 13, sect. 14 et 15).

SECTION XVI.

Changement de Vaisseau.

$ 1.

Disposition du

Vous avez affrété un navire pour le transport de vos marchandises. Le capitaine, sans y être forcé par la nécessité des occurrences, et sans votre con- droit romain. sentement, les charge dans un navire plus mauvais: Easque merces, nullâ, nauta, necessitate coactus, in navem deteriorem, cùm id sciret te fieri nolle, transtulit; le dernier navire périt. Vous pouvez attaquer par l'action locati le capitaine avec qui vous aviez contracté, pour le faire condamner à vos dommages et intérêts. C'est la disposition de la loi 10, S1, ff ad leg. rhod.

Cette loi ajoute que vous ne pouvez vous plaindre de rien, si l'un et l'autre navire ont péri dans la même navigation: Imò contrà, si modò eâ navigatione utraque navis periit.

Les docteurs ont beaucoup argumenté sur cette loi, ainsi qu'on le verra bientôt.

L'Ordonnance, en l'art. 26, titre des assurances, met aux risques des assureurs le changement de vaisseau; mais cette décision est modifiée articles.

par d'autres

Si le changement de vaisseau est fait sans le consentement des assureurs, avant le risque commencé, l'assurance sera caduque, et la prime restituée. C'est la décision du Guidon de la mer, ch. 9, art. 4, et de notre Ordonnance, art. 27, titre des assurances. Roccus, not. 9.

$ 2. Disposition de l'Ordonnance.

Changement de vaisseau avant le

risque commencé.

Si le changement de navire est fait pendant le cours du voyage, sans nécessité, et sans le consentement des assureurs, ils seront déchargés des risques, que commencé.

Changement de vaisseau après le ris

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et ne seront pas tenus de restituer la prime. Art. 27, titre des assurances. Consulat de la mer, ch. 87 et 89.

Si, dans le cours du voyage, et ensuite d'une fortune de mer, le capitaine est obligé de louer un autre navire pour y transborder les effets assurés, les assureurs courront les risques sur les marchandises jusqu'à leur débarquement dans le lieu de leur destination. C'est le résultat de nos lois nautiques. Guidon de la mer, ch. 9, art. 4. Ordonnance, titre du fret, art. 11. Déclaration du 17 août 1779, art. 9.

Les distinctions que je viens de faire sont répétées dans tous nos livres. Straccha, gl. 8, n°. 4. Roccus, n°. 28 et go. Casaregis, disc. 1, no. 34 et 133. Santerna, part. 3, no. 35. Stypmannus, part. 4, cap. 7, no. 290 et 394. Kuricke, diatr., no. 11, pag. 835. Loccenius, lib. 2, cap. 5, no. 14. Pothier, titre des assurances, n°. 51 et 68, et en son Traité des contrats de grosse,

n°. 18.

On a vu ci-dessus que la loi 10, S1, ff de leg. rhod., parle du cas où, sans nécessité, la marchandise a été chargée dans un navire moins bon que le vaisseau désigné : In navem deteriorem.

Ces derniers mots ont porté divers auteurs à croire que les assureurs ne sont dispensés du risque, qu'autant que la marchandise a été chargée dans un navire pire que celui désigné. Casaregis, disc. 1, no. 33. Roccus, n°. 57. Straccha, de naut., part. 3, no. 10. De sorte que si la marchandise assurée avait été mise dans un vaisseau également bon, ou meilleur, les assureurs en répondraient.

Divers autres auteurs doutent de cette assertion, sur le fondement que les assureurs pouvaient avoir eu plus de confiance en la personne du capitaine désigné dans la police, qu'au capitaine d'un autre navire, quoique cet autre navire fût meilleur et plus gros. Peckius, ad d. leg. 10, § 1, pag. 287. Stypmannus, part. 4, tit. 7, n°. 215. Kuricke, ad jus anseat., tit. 3, art. 19, no. 6, pag. 724.

Parmi nous, la personne du capitaine nommé dans la police est très-indif férente, attendu la clause banale, ou autre pour lui. Mais les assureurs sont fondés à dire qu'ils avaient plus de confiance au navire désigné qu'à tout autre; qu'ainsi, sans leur consentement et sans nécessité, on n'a pu leur faire courir les risques d'un autre vaisseau, quoique plus gros et meilleur : Quoniam rectè assecurator dicere potest quòd ex genio, vel alio motivo, super unius de magis, quam alterius navis fortunam, sponsionem facere voluerit. De Luca, credito, disc. 108, no. 7,

Telle est notre jurisprudence, fondée sur l'art. 3, titre des assurances, qui veut que la police contienne le nom du navire; ce qui, en règle générale, exclut toute subrogation.

Suivant la même loi 10, § 1, ff de leg. rhod., l'on n'a aucune action contre le capitaine qui, sans nécessité, charge la marchandise dans un autre navire, s'il arrive que les deux navires périssent également : Si utraque navis periit. Car la chose eût également péri dans le navire désigné : Utiquè cùm interitura esset ea res. L. 14, S1, ff depositi.

Telle est la doctrine de Mornac, sur la loi 10, ff de leg. rhod.; de Santerna, part. 3, no. 35, et de Casaregis, disc. 1, n°. 35; disc. 226, no. 38.

Les art. 3 et 32, titre des assurances, s'opposent en matière d'assurance à une pareille décision. Dès que, sans nécessité, la chose assurée est mise dans tout autre navire, le contrat est résolu ipso jure; par conséquent, le sort des deux bâtimens est devenu étranger aux assureurs.

Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 62, demande si in unâ et câdem navigatione merces transferantur ex una navi in aliam, et novissima deperdatur cum mercibus, num assecurator tencatur de tali periculi eventu? Il répond : Inspiciendam esse formam assecurationis, an in eâ mentio facta novissimæ navis, an minus? Si priùs, utiquè ex lege conventionis tenetur, modò absque dolo atque culpâ iste casus contigerit. Si mentio facta non sit, non tenetur.

D

Pothier, n°. 69, décide que « le contrat d'assurance est résolu de plein » droit, aussitôt qu'on s'est écarté de la loi du contrat, en chargeant les mar›chandises sur un autre vaisseau que celui sur lequel elles doivent être chargées.

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Telle est la règle vis-à-vis des assureurs. Mais par rapport aux chargeurs, M. Valin, art. 9, titre du capitaine, soutient qu'il n'en est pas ainsi. «Navire » pour navire, dit-il, cela doit leur être égal, dès que tous deux ont péri. Ils au› raient perdu tout de même, quand il n'y aurait pas eu de changement de navire. » J'adhère à la doctrine de M. Valin, pourvu que le chargeur n'ait point fait faire d'assurance. Dans ce cas, la faute est non dommageable, et rien ne s'oppose à la disposition du droit commun; mais si le chargeur s'est fait assurer, se trouvant alors privé, par le fait du capitaine, de toute action contre ses assureurs, il est juste qu'il ait son recours contre le capitaine, qui s'est volontairement écarté du pacte de son contrat.

Il résulte de ce que je viens de dire que le changement de navire, même pendant le cours du voyage, n'est pas présumé fatal. Il faut que l'assuré prouve que ce changement a été nécessité par fortune de mer.

$ 4.

Si les deux navires périssent.

$5. Changement de navire n'est pas pré

sumé fatal.

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