Page images
PDF
EPUB

SECTION XIX.

Diverses questions de droit public au sujet des Prises.

§ 1. Le souverain est

propriétaire des

me états!

mers adjacentes à

Il n'est pas possible de posséder réellement une vaste étendue de mer. Mais la jurisdiction, et même une espèce de propriété des côtes et des golfes, n'ont il rien de contraire au droit des gens. Il est établi, par l'usage universel, que les espaces modiques de mer sont sous la jurisdiction des souverains limitrophes. Ils y imposent des tributs et des péages; ils donnent la permission d'y établir des madragues; ils y perçoivent des droits de plusieurs espèces, à cause du soin qu'ils prennent de les faire garder, d'y procurer la sûreté de la navigation, d'y tenir des feux pendant la nuit, et d'y mettre des balises pour indiquer les endroits dangereux. Vid. Seldenus, de domanio maris. Grotius, lib. 2, cap. 2, § 3. Suarius, de usu maris, cons. 1. Stypmannus, part. 1, cap. 5, et part. 5, cap. 1. Loccenius, lib. 1, cap. 4, n°. 6. Cacheranus, dec. 155, no. 3. Casaregis, disc. 136, no. 1. Valin, tom. 2, ubi fusè.

D

La terre a cet avantage sur les eaux, qu'elle donne l'empire de cet élément › au prince à qui elle se trouve soumise. Celui qui est seigneur de la terre l'est pareillement des eaux qui bordent les confins de sa seigneurie. » Dollive, liv. 1, ch. 3, pag. 252. Vinnius, Ferrière, Boutaric et Serres, sur le § 1, inst. de rer. divis. Le chevalier d'Abreu, part. 1, ch. 5, § 2 et suiv. Hubner, part. 1, ch. 3, $5.

>

Plusieurs des auteurs que je viens de citer disent que cette propriété ou jurisdiction s'étend dans les mers, jusqu'à la distance de cent mille pas. Cette doctrine est combattue par Stypmannus, part. 1, cap. 5, n°. 55, pag. 45; par Puffendorf, liv. 4, ch. 5, § 7, et par Vattel, liv. 1, ch. 23, § 289. Voici comme ce dernier auteur s'explique: Il n'est pas aisé, dit-il, de déterminer jusqu'à quelle distance une nation peut étendre ses droits sur les mers qui » l'environnent. Bodin prétend que, suivant le droit commun de tous les peuples maritimes, la domination du prince s'étend jusqu'à trente lieues › des côtes. Mais cette détermination précise ne pourrait être fondée que sur » un consentement général des nations, qu'il serait difficile de prouver. Chaque État peut ordonner à cet égard ce qu'il trouve bon, pour ce qui concerne › les citoyens entre eux ou leurs affaires avec le souverain. Mais de nation à

[ocr errors]

D

Jusqu'à quelle distance?

Prise faite dans le port ou rade d'une puissance neutre.

Prise faite sous le

[ocr errors]
[ocr errors]

› nation, tout ce que l'on peut dire de plus raisonnable, c'est qu'en général » la domination de l'Etat, sur la mer voisine, va aussi loin qu'il est nécessaire » pour sa sûreté, et qu'il peut la faire respecter, puisque, d'un côté, il ne › peut s'approprier une chose commune telle que la mer, qu'autant qu'il en > a besoin pour quelque fin légitime, et que, d'un autre côté, ce serait une prétention vaine et ridicule de s'attribuer un droit que l'on ne serait aucu› nement en état de faire valoir. Les forces navales de l'Angleterre ont donné » lieu à ses rois de s'attribuer l'empire des mers qui l'environnent jusque sur > les côtes opposées. Selden rapporte un acte solennel, par lequel il paraît que » cet empire, au tems d'Edouard 1, était reconnu par la plus grande partie » des peuples de l'Europe; et la république des Provinces-Unies le reconnut, › en quelque façon, par le traité de Breda, en 1667, au moins quant aux › honneurs du pavillon. Mais, pour établir solidement un droit si étendu, il faudrait montrer bien clairement le consentement exprès ou tacite de toutes » les puissances intéressées. Les Français n'ont jamais donné les mains à cette › prétention de l'Angleterre; et dans ce même traité de Bréda, dont nous ve› nons de parler, Louis xiv ne voulut pas souffrir seulement que la Manche ⚫ fût appelée Canal d'Angleterre ou Mer Britannique.

Quoique les lois de la guerre autorisent les armateurs à exercer toute sorte d'hostilités contre l'ennemi, la foi publique et le droit des gens leur défendent de l'inquiéter dans les ports, bayes et rades des puissances neutres, auxquels ils manqueraient essentiellement par un semblable procédé. Le chevalier d'Abreu, part. 1, ch. 4, sect. 1 et 10. Bouchaud, ch. 10, sect. 3.

Le droit des gens défend, de plus, d'attaquer son ennemi près des côtes

canon ou à la vue du de la puissance neutre.

pays neutre.

L'ordonnance de Philippe II, donnée à Bruxelles en octobre 1565, art. 27 (Cleirac, pag. 506), s'explique en ces termes: Nul ne pourra venir sur › nos côtes, havres, rades ou rivières, ou à la vue de nos terres, pour attendre , et endommager les navires de nos alliés, sous quelque prétexte que ce soit, › à peine de confiscation de corps et de biens, »

D

Vattel, en l'endroit cité, observe« qu'aujourd'hui tout l'espace de mer qui › est à la portée du canon, le long des côtes, est regardé comme faisant partie » du territoire; et, pour cette raison, un vaisseau, pris sous le canon d'une ⚫ forteresse neutre, n'est pas de bonne prisc. Telle est la doctrine générale. Puffendorf, lib. 4, ch. 5, S7 (in allegat. ) D'Abreu, part. 1, ch. 5, §§ 13 et 16. Valin, Traité des prises, ch. 4, sect. 3, pag. 45. Vid. Casaregis, disc. 24, no. 11, et disc. 174, no. 4 et 11. Infrà, sect. 23, § 7.

Le chevalier d'Abreu et M. Valin, aux endroits cités, disent que la prise faite à moins de deux lieues de distance des côtes du pays neutre, est contre le droit des gens, quoiqu'il n'y ait sur la côte ni forteresse, ni canons : car le territoire neutre doit être respecté, indépendamment de la force, et à cause de lui-même.

commencé en plei

Quelques auteurs soutiennent que si l'attaque avait commencé en pleine Si l'attaque avait mer, on pourrait poursuivre l'ennemi et le prendre sous le canon, ou tout ne mer. auprès des terres de la puissance neutre, à l'exemple de ce qui se pratique dans la chasse du gibier. Vid. Casaregis, aux endroits cités.

Cette comparaison est rejetée par le chevalier d'Abreu, part. 1, ch. 4, § 15, et par M. Valin. En effet, dès que l'ennemi que vous poursuivez se trouve tout auprès des côtes neutres, il est sous la protection du prince ami, et s'il était permis de continuer la course jusqu'aux côtes, on pourrait la continuer jusque dans le port même, et incendier la ville où le navire poursuivi se serait réfugié.

Corsaire ennemi qui entre dans les ri

L'édit du mois de juillet 1681 veut que les corsaires ennemis qui entreront dans les rivières du royaume, et y seront pris, soient condamnés aux galères vières du royaume t par les juges des amirautés.

M. Valin, Traité des prises, ch. 4, sect. 3, observe que, comme les lois doivent être réciproques, si un corsaire français entrait dans les rivières des états ennemis, il mériterait de subir la même peine.

La question si la robe de l'ennemi confisque celle de l'ami est beaucoup agitée par les publicistes.

$ 2.

La robe de l'ennemi confisque-t

Ils citent la loi 11, § 2, ff de public. et de vect., laquelle décide que, si elle celle de l'amit dans un navire on trouve des marchandises de contrebande, qui aient été chargées par le propriétaire du vaisseau, ou de son consentement, le navire et les marchandises sont au cas de la confiscation; mais que si elles ont été chargées à l'insu du propriétaire, le navire ne doit pas être confisqué.

Il est évident que ce texte n'a aucun rapport à la navigation des neutres. Il en est de même de la loi 61, § 1, ff locati.

Le Consulat de la mer, ch. 273, décide, 1o. qu'on peut enlever les effets hostiles qui se trouvent dans le navire neutre, en payant le nolis et l'hypothèque due au capitaine; 2°. que si, dans le navire ennemi que l'on prend, il y a des marchandises qui appartiennent à des neutres, on doit les leur rendre.

L'ordonnance de 1543, art. 42, et celle de 1584, art. 69 (rédigées dans un style peu intelligible), paraissent déclarer de bonne prise le navire neutre

qui contient des effets hostiles, et toute marchandise qui se trouve dans un navire ennemi, quoiqu'elle appartienne à un ami. Vid. Cleirac, pag. 443. Cette rigueur fut adoucie par la déclaration du 1. février 1650, art. 6. Si aucune prise, est-il dit, a été faite par aucuns capitaines nos sujets....., » les marchandises qui se trouveront appartenir à nos amis, alliés et sujets, seront > rendues et restituées. »

L'Ordonnance de la marine, art. 7, titre des prises, rétablit l'ancienne sévérité. « Tous navires qui se trouveront chargés d'effets appartenans à nos » ennemis, et les marchandises de nos sujets et alliés qui se trouveront dans » un navire ennemi, seront pareillement de bonne prise.

[ocr errors]
[ocr errors]

D

[ocr errors]

Arrêt du Conseil, du 26 octobre 1692, qui ordonne que l'art. 7 de l'Ordonnance de 1681, au titre des prises, sera exécuté selon sa forme et teneur, sans aucune distinction, modification, ni restriction, sinon ez cas auxquels Sa Majesté y a pourvu par des ordres particuliers. »

Le réglement du 23 juillet 1704, art. 5, porte également

• que s'il se

› trouve sur les vaisseaux neutres des effets appartenans aux ennemis de Sa Majesté, les vaisseaux et tout le chargement seront de bonne prise.

[ocr errors]

Cette rigueur fut de nouveau adoucie par le réglement du 21 octobre 1744, art. 5. S'il se trouve, est-il dit, sur les navires neutres, des marchandises ou effets appartenans aux ennemis de Sa Majesté, lesdites marchandises ou

> effets seront de bonne prise, et néanmoins les navires relâchés. »

>>

Le réglement du 26 juillet 1778, art. 1, s'explique en ces termes : « Fait défenses, Sa Majesté, à tous armateurs, d'arrêter et de conduire dans les ports du royaume les navires des puissances neutres, quand même ils » sortiraient des ports ennemis, ou qu'ils y seraient destinés, à l'exception > toutefois de ceux qui porteraient des secours à des places bloquées, inves> ties ou assiégées. A l'égard des navires des états neutres, qui seraient chargés » de marchandises de contrebande destinées à l'ennemi, ils pourront être » arrêtés, et lesdites marchandises seront saisies et confisquées; mais les bâ» timens et le surplus de leur cargaison seront relâchés, à moins que lesdites » marchandises de contrebande ne composent les trois quarts de la valeur » du chargement, auquel cas le navire et la cargaison seront confisqués en » entier. Se réservant au surplus, Sa Majesté, de révoquer la liberté portée ⚫ au présent article, si les puissances ennemies n'accordent pas le réciproque » dans le délai de six mois, à compter du jour de la publication du présent réglement.

[ocr errors]

D {

La république des Provinces - Unies n'ayant pas obtenu de la cour de

Londres une liberté pour la navigation, égale à celle que le roi avait conditionnellement promise à son pavillon, et que ses traités avec l'Angleterre lui assuraient, Sa Majesté, par arrêt du Conseil du 14 janvier 1779, révoqua, à l'égard des sujets de ladite république, les avantages annoncés par l'art. 1 du réglement de 1778, concernant le commerce et la navigation des bâtimens neutres. « Veut en conséquence, Sa Majesté, que les art. 1, 2, 3, 4 » et 5 du réglement du 21 octobre 1744, soient provisoirement exécutés à l'égard des bâtimens de ladite république. ›

[ocr errors]

L'impératrice de Russie, voulant maintenir la liberté du commerce maritime, fit remettre aux puissances actuellement belligérantes, une déclaration datée du 28 février 1780, portant en substance :

Que les vaisseaux neutres puissent naviguer librement de port en port,

> et sur les côtes des nations en guerre;

D

Que les effets appartenans aux sujets des puissances en guerre, soient libres » sur les vaisseaux neutres, à l'exception des marchandises de contrebande;

Qu'il ne soit considéré comme telles que les marchandises énoncées dans » les art. 10 et 11 du traité de commerce entre la Russie et la Grande-Bretagne, du 20 juin 1766;

» Que pour déterminer ce qui caractérise un port bloqué, on n'accorde » cette dénomination qu'à celui où il y a, par la disposition de la puissance qui l'attaque avec des vaisseaux suffisamment proches, un danger évident » d'entrer;

» Enfin, que ces principes servent de règle dans les procédures et les ju-› gemens sur la légalité des prises.

[ocr errors]

D

D

Voici la lettre du roi à M. l'amiral, du 7 août 1780.

• MON COUSIN,

» La guerre dans laquelle je me suis engagé n'ayant d'autre objet que mom ▸ attachement aux principes de la liberté des mers, je n'ai pu voir qu'avec » une vraie satisfaction que les puissances du Nord ont adopté ce même -principe, et se montrent résolues à le maintenir; j'avais déjà fait connaître › aux commandans de mes escadres, par des réglemens rendus à cet effet, quelles sont mes intentions relativement aux ménagemens que les comman» dans de mes vaisseaux et autres bâtimens doivent avoir pour les navires » appartenans aux sujets des puissances neutres, qu'ils peuvent rencontrer » à la mer. Je viens encore de réitérer les ordres que j'avais donnés à cet » égard, et de prescrire aux commandans de mes escadres, vaisseaux et au2 tres bâtimens, d'user de la plus grande circonspection envers tous les na TOM. I.. 5.7

« PreviousContinue »