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le capitaine pris fournit au capteur une lettre de change, et donne des ôtages. De quoi je parlerai bientôt.

La seconde manière est de délivrer l'argent ou partie des effets qui sont dans le bord. Le Guidon de la mer, ch. 6, art. 1, dit « que si portion des » marchandises ou quelques ustensiles du navire ont été concédés pour éviter » le plus grand dommage, le tout sera réparti comme rachat et composition. » Vid. Valin, art. 67, titre des assurances. Kuricke, ad Jus anseat., tit. 8, art. 4, pag. 776.

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L'art. 6, titre des avaries, parle en général des choses données par composition aux pirates, pour le rachat du navire et des marchandises ; d'où il suit le que rachat peut se faire en pleine mer par la délivrance de certaine chose du bord. Cette manière de procéder convient à des pirates qui seraient embarrassés du navire, et qui ne pourraient faire aucun usage du billet de rançon. Il est des circonstances où il importe aux corsaires d'en agir de même. Vid. Valin, sur cet article.

L'art. 66, titre des assurances, dit « qu'en cas de prise, les assurés pourront , racheter leurs effets, sans attendre l'ordre des assureurs, s'ils n'ont pu leur › en donner avis, à condition toutefois de les avertir ensuite par écrit de la composition qui aura été faite. »

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L'esprit de l'Ordonnance n'est pas que l'assuré soit obligé de donner aux assureurs avis du rachat : rien n'empêche qu'il fasse la composition à ses risques. Valin, ibid. Les choses sont alors rétablies dans leur premier état par droit de postliminie, et le navire continue, comme auparavant, de naviguer aux risques des assureurs, à qui le rachat devient étranger.

Mais si l'assuré désire que la composition soit pour compte des assureurs, il faut qu'il leur en donne avis, et qu'il se conforme à ce qui est prescrit par l'Ordonnance. Dans ce cas, les assureurs ont le choix à leur tour de prendre la composition à leur profit, ou de ne pas la prendre.

Pour mieux développer cete matière, je distinguerai trois hypothèses. Première hypothèse. Si les assureurs, à qui la prise a été notifiée, font euxmêmes le rachat, la composition est à leur profit. Ils deviennent acheteurs et propriétaires de la chose, à proportion de leur intérêt.

Ils ne seraient pas recevables à offrir à l'assuré la restitution du navire » et de ses effets, pour se dispenser de payer la somme assurée. La raison » est qu'au moment de la prise, le droit de l'assuré a été ouvert et formé › contre les assureurs, et qu'il n'a pu être privé de son droit de recours » contre les assureurs, qui, dans ce cas, n'ont pu stipuler le rachat que 59

T. I.

$6. Droits et obliga tions des assureurs.

• pour leur intérêt particulier, sans engager l'assuré en aucune façon. » Valin, art. 67, titre des assurances. Rote de Gênes, dec. 101.

Il y a ici titre nouveau. On n'est pas admis à payer une chose pour l'autre. Les effets sont aux risques des assureurs, à proportion de leur intérêt. Les pertes ou les profits ultérieurs les concernent eux seuls, toujours dans la même proportion. S'il y a du profit en la chose rachetée, on ne saurait le leur envier, puisque, si elle périt par quelque nouvel accident, cette perte retombe sur eux.

Seconde hypothèse. Si l'on n'a pu donner aux assureurs avis de la prise du navire, les assurés (ou le capitaine pour les assurés ) peuvent racheter les effets sans attendre l'ordre des assureurs, à condition, toutefois, de les avertir ensuite par écrit de la composition qui aura été faite. Art. 66, titre des assurances.

Par ce mot condition, ainsi que je l'ai déjà observé, l'Ordonnance n'a entendu imposer aucune nécessité aux assurés. Il leur est libre de racheter, pour leur compte propre, le navire, sans avoir recours aux assureurs, qui continueront alors de courir, comme auparavant, les risques maritimes. Ce n'est que dans le cas où l'on a dessein de s'indemniser du rachat sur les asassureurs, qu'on doit leur en donner avis le plus tôt possible; et ce n'est que dans ce même cas que ceux-ci, profitant de l'avis qui leur a été donné, pourront prendre la composition à leur profit, à proportion de leur intérêt. Art. 67, titre des assurances.

S'ils prennent ce parti, ils deviendront (comme dans l'hypothèse précédente) vrais propriétaires de la portion des effets rachetés, relative aux sommes par eux assurées. Mais, comme les matières d'assurance doivent promptement s'expédier, spécialement en rachats ou compositions, d'autant que chaque moment de tems apporte changement de nouvelles, de perte ou gain, les assuà qui on donne avis de la composition, doivent se déterminer promptement et clairement, sans tergiverser ni user de réponse ambiguë: il ne serait pas de raison que le marchand chargeur attendit l'événement de la chose et la résolution du faire ou du laisser. Guidon de la mer, ch. 6, art. 9. Voilà pourquoi l'Ordonnance, en l'art. 67, dit prendre la composition à leur profit, ils soient

reurs,

» ration sur-le-champ, de contribuer actuellement au courir les risques du retour.

que si les assureurs veulent tenus d'en faire leur déclapaiement du rachat, et de

S'ils ne font pas cette déclaration sur-le-champ, ils sont déchus de la faculté dont il s'agit, et doivent être condamnés à payer les sommes par eux assurées, sans qu'ils puissent rien prétendre aux effets rachetés. D. art. 67.

M. Pothier, no. 137, croit qu'ils sont toujours à tems de se faire renvoyer › de cette demande, en offrant leur part de la composition, les intérêts et les dépens de contumace faits contre eux. »

«

Cet auteur parle contre le texte de l'Ordonnance et contre l'esprit de la loi, qui ne permet pas que dans un point aussi aléatoire que celui-ci, les assureurs soient admis à attendre l'événement pour se déterminer. Ils ne prendraient pour eux la composition que lorsqu'elle leur serait favorable, et qu'ils trouveraient un profit certain sur les marchandises arrivées à bon port.

Il s'agit ici d'un contrat dont l'avantage dépend du hasard. Si les assureurs. veulent gagner, il faut qu'ils se mettent de nouveau en risque de perdre. Voilà pourquoi l'Ordonnance veut qu'ils fassent leur déclaration sur-le-champ.

Si le rachat a été fait comptant, ou par une lettre de change payable à vue, les assureurs qui prennent la composition à leur profit, doivent contribuer actuellement, et sans délai, au paiement du rachat, à peine d'en être déchus.

Si le capteur avait accordé un délai, les assureurs devraient en profiter. Valin, art. 67, titre des assurances. Pothier, n°. 135.

Mais sous prétexte qu'au sujet du rachat, il faut régler l'avarie grosse, en conformité des art. 19 et 20, titre du fret, les assureurs ne peuvent différer de rembourser leur contingent à celui qui a payé le total. Devenus copropriétaires des effets rachetés, ils participeront activement et passivement à l'avarie grosse, qui sera ensuite réglée, si le navire racheté arrive heureuse

ment.

Pothier, no. 135, ajoute que «lorsque les assureurs prennent à leur profit » la composition, il n'y a pas lieu à la demande de la somme assurée : les assu› reurs, dit-il, sont seulement tenus de contribuer au prix du rachat, à pro» portion de l'intérêt qu'ils y ont; et ils continuent d'être chargés des risques du retour du vaisseau, sans qu'ils puissent, en cas de malheureux événement qui arriverait par la suite, faire sur la somme assurée aucune déduction ni imputation de la somme qu'ils ont payée pour le rachat. »

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Le texte de l'art. 67, titre des assurances, et les principes de la matière, s'opposent à cette idée. Car, s'il est vrai que la composition soit au profit des assureurs, à proportion de leur intérêt, il s'ensuit qu'ils sont devenus, quant à ce, propriétaires et acheteurs de la chose rachetée. Ils doivent donc payer l'assurance. Rien ne les empêche de faire assurer pour leur compte propre la chose rachetée, si elle est encore en risque. S'ils ne la font pas assurer, ils

courent les risques du retour, non plus comme assureurs, mais bien comme propriétaires et subrogés aux droits des anciens assurés.

Troisième hypothèse. Les assureurs ne sont tenus, ni de répondre à l'avis par écrit qui leur est donné, ni de prendre la composition à leur profit. Il suffit qu'au tems de droit, ils paient les sommes assurées.

Si, n'ayant pas voulu prendre la composition à leur profit, ils refusaient de payer les sommes assurées, on pourrait les y contraindre. Mais tout comme en pareil cas, ils n'ont rien à prétendre aux effets rachetés, on n'est pas fondé à demander qu'ils contribuent à un rachat qui leur est étranger, et qu'il leur a été libre de ne pas adopter, de peur de s'exposer à de plus grandes pertes.

Voici deux sentences rendues par notre amirauté, qui, attendu les circonstances du fait, n'ont rien de contraire à ce que je viens de dire :

Les sieurs Seymandy et fils avaient fait assurer 14,000 liv., de sortie de Marseille jusqu'à Livourne, sur les facultés du vaisseau le Commerce, capitaine Mathias Teissel, suédois..

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Ce vaisseau fut pris et conduit à Livourne.

Les assurés notifièrent cet accident aux assureurs, et leur déclarèrent qu'ils avaient donné ordre de racheter les effets pris. Les assureurs ne firent aucune réponse.

Second acte, par lequel les assurés interpellèrent les assureurs de concourir avec eux au rachat des marchandises prises. Les assureurs gardèrent encore le silence.

Le rachat fut fait à Livourne, tant de la part des sieurs Seymandy et fils, que de celle des sieurs Dolier et compagnie, autres chargeurs.

Les sieurs Seymandy et fils se pourvurent contre leurs assureurs en paiement de cinquante pour cent pour la contribution au rachat.

Ceux-ci répondaient qu'ils n'avaient point adhéré à ce rachat; que par conséquent ils ne devaient rien à ce sujet; qu'on aurait pu intenter contre eux l'action du délaissement; qu'on ne l'avait pas fait; qu'ainsi la requête des assurés devait être rejetée.

Sentence du 13 juin 1758, qui condamna les assureurs à payer pour la contribution au rachat, cinquante pour cent des sommes par eux assurées.

Les sieurs Dolier et compagnie, qui s'étaient fait assurer 10,000 liv. sur les facultés du même navire, se pourvurent aussi contre leurs assureurs, à qui le sinistre avait été notifié, et qui avaient également gardé le silence sur le

ráchat projeté. Ceux-ci furent condamnés à la contribution par autre scntence du 10 mars 1759.

Le motif de ces deux sentences fut que le navire racheté n'était plus en risque. Les effets se trouvaient à Livourne. La contribution de cinquante pour cent fut considérée comme une avarie grosse, que les assureurs devaient supporter, par cela seul que d'après la disposition de l'Ordonnance, on au-rait pu les foreer à payer l'entière somme assurée. Par conséquent, ils avaient tort de refuser la grâce qui leur était faite.

Pour les contraindre au paiement de l'entière somme assurée, on n'aurait pas eu besoin d'intenter l'action de délaissement. Cette formalité est incompa tible avec le droit qui compète en parcil cas à l'assuré, de garder pour lui les effets qu'il a rachetés, et d'exiger l'entière assurance; car s'il est vrai que les assureurs qui refusent de prendre la composition à leur profit, soient tenus de payer les sommes par eux assurées, sans qu'ils puissent rien prétendre aux effets rachetés, il s'ensuit nécessairement qu'on est dispensé de leur délaisser ces mêmes effets, auxquels ils ont renoncé, à moins qu'on ne dise qu'on doit leur délaisser figurativement la chose, telle qu'elle se trouvait lors de la prise même, et non la chose qui a fait la matière du rachat, duquel ils n'ont pas voulu profiter; mais ce serait là une vaine subtilité peu digne de la justice, et qui ne se concilie pas avec l'art. 67, titre des assurances. Vid. infrà, ch. 17, sect. 6, § 3.

C'est une question, si on doit garder la parole donnée à des pirates et à des voleurs, même pour ce qui concerne l'intérêt pécuniaire. Loccenius, lib. 2, tit. 3, no. 6. Terrasson, Histoire de la jurisprudence romaine, part. 2, S 12, pag. 183. Puffendorf, liv. 3, ch. 6, § 11.

Mais il n'est pas douteux qu'on ne doive tenir sa parole vis-à-vis d'un ennemi, et que l'obligation contractée avec lui ne soit légitime: Si quid singuli hosti promiserint, est in eo fides servanda. Cicéron, de officiis, lib. 1, cap. 13, et lib. 3, cap. 29. Valère-Maxime, lib. 2, cap: 10, S 8. Burlamaqui, part. 4, ch. 4. Vattel, liv. 3, ch. 16, § 233. Grotius, liv. 3, ch. 21, § 1.

Ainsi, la lettre de change tirée à l'ordre du capteur pour prix du rachat, est obligatoire et doit être payée. Guidon de la mer, eh. 6, art. 3. Ce 'point sera mieux développé dans les SS 12 et 13 de la présente scction.

Le billet de rançon est légitime et obligatoire par lui-même. Ce n'est que pour plus grande précaution que le capteur se munit' d'un ôtage, dont la personne devient caution et gage tout ensemble de la parole donnée.

Si cet ôtage avait la bassesse de s'enfuir, ou s'il venait à mourir, la pro

§ 7.

Lettre de change

tirée à l'ordre du

capteur.

$ 8.

Otage.

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