Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

› pas capable, en point de droit, d'annuler le billet de rançon. » Valin, d. loco, et sur l'Ordonnance, art. 19', titre des prises. Le navire pris, qui était devenu propre au capteur, avait passé par le moyen du rachat dans le domaine du capitaine français, ou de ses ayant-cause: il a donc péri pour leur compte : Res perit domino. Le péril de la chose vendue regarde l'acheteur : Periculum rei vendita statim ad emptorem pertinet. § 3, inst. de vendit.

On est donc en droit de retenir l'ôtage en captivité jusqu'à l'entier accomplissement des promesses dont il est le gage: telle est la règle. Vattel, liv. 2, SS 246, 247 et 260. Valin, Traité des prises, ch. 11, sect. 2, n°. 12.

Exceptions du capitaine français.

1°. Le capitaine français n'avait pas excédé ses pouvoirs; car, à moins que » ses armateurs ne lui eussent fait défense expresse de convenir d'une rançon, » dans le cas qu'il serait pris, nul doute qu'il n'ait pu se racheter de la prise, › par la rançon qu'il a convenue avec le preneur. Valin, ch. 11, sect. 1, no. 14; suprà, § 3.

[ocr errors]

En faisant le rachat du navire, le capitaine a agi en nom qualifié. Il n'a par conséquent contracté aucune obligation personnelle, suivant la règle développée dans mon Traité des contrats à la grosse, ch. 4, sect. 12.

Exceptions des intéressés au corps et à la cargaison.

L'Ordonnance décide que les propriétaires du navire seront responsables » des faits du maître, mais qu'ils en demeureront déchargés, en abandonnant > leur bâtiment et le fret.:

[ocr errors]

La même décision s'applique aux chargeurs. Ils ne sont soumis aux frais du recouvrement, que jusques à concurrence de la valeur des effets recouvrés. Art. 45, titre des assurances.

Au bénéfice de l'abandon de leurs effets, les uns et les autres doivent donc être dispensés de contribuer à la rançon de l'ôtage; c'est bien assez qu'ils perdent le bien qu'ils avaient exposé aux hasards de la navigation, sans être soumis à un surcroît de perte. Le négociant sage sait limiter ses risques; mais les limites posées par sa prudence seraient franchies malgré lui, s'il était forcé de payer un billet de rançon devenu infructueux par le naufrage. Sa fortune de terre serait en compromis, et il serait trompé par la loi même, qui l'avait garanti de toute crainte ultérieure, pourvu qu'il fît le sacrifice de sa fortune de mer.

Exceptions des assureurs.

Si on leur eût notifié la prise, ils auraient pu prendre la composition à leur profit, à proportion de leur intérêt, et dans ce cas, un nouveau contrat se se

H

rait opéré entre eux et l'assuré; mais ce contrat nouveau n'est pas intervenu. Ils ne restent donc liés que par la police d'assurance, qui ne parle pas du cas de rachat. Ils ne seraient obligés de reconnaître un autre titre qu'autant qu'ils y auraient adhéré. La composition avait été faite directement, et principalement pour compte des propriétaires du navire et de la cargaison : il suffit donc que les assureurs paient les sommes par eux assurées.

Mais les sommes assurées ne doivent-elles pas être employées à rançonner l'ôtage? Les propriétaires du navire et les chargeurs répliquent, 1°. qu'ils auraient pu se dispenser de se faire assurer; 2°. que les assurances forment un objet accidentel qui intéresse leur fortune de terre; ce qui est si vrai, qu'elles ne sont pas soumises à rapport envers le porteur des lettres de change, tirées en cours de voyage par le capitaine, pour les nécessités du navire (ainsi qu'on le verra dans mon Traité des contrats à la grosse, ch. 4, sect. 11, §5). Voilà donc l'ôtage rebuté de tous les côtés! Le laissera-t-on en captivité? Serait-il juste que seul il devînt la victime du malheur commun? Un sentiment invincible intéresse pour lui tous les cœurs bien placés. Chacun s'écrie qu'il faut lui procurer la liberté, et la lui procurer sans délai. Ce devoir est sacré. Il intéresse la foi publique et l'honneur de la nation. Ce serait infamie que d'y manquer; ce serait violer les droits de la guerre, et se rendre coupable de perfidie.

Puisque la foi publique et l'honneur de la nation y sont intéressés, ne serait-ce pas à l'État de rançonner l'ôtage? Sans doute que le ministère y pourvoirait à défaut de toute autre ressource: mais

Non Deus intersit, nisi dignus vindice nodus
Inciderit.

Il s'en faut de beaucoup que l'ôtage soit abandonné à lui-même.

Je conviens que le corsaire capteur est en droit de le retenir en captivité jusqu'à l'entier accomplissement des promesses dont il est le gage.

Je conviens encore que l'ôtage n'a aucune action personnelle, ni contre le capitaine, qui avait agi en nom qualifié, ni contre les assureurs, qui n'avaientpas pris la composition à leur profit; mais il a action directe contre les propriétaires du navire et les chargeurs.

1°. C'est en qualité de préposé des armateurs et des chargeurs, que le capitaine a racheté le navire, ou plutôt c'est par son ministère qu'ils l'ont euxmêmes racheté. Ils l'ont acquis de nouveau; ils en ont fait l'achat des mains de l'ennemi: ils doivent donc en payer le prix, et en courir les risques.

2o. Les propriétaires qui abandonnent le navire et le fret, ne sont pas tenus des faits du maître, lorsqu'il s'agit d'un fait qui excédait les bornes de l'autorité dont la loi l'avait revêtu. Mais le capitaine a racheté le navire en qualité de préposé des armateurs et des chargeurs. Ils doivent donc, malgré le défaut de succès, ratifier ce qui a été opéré de bonne foi: Sufficit utiliter negotium gestum, licèt diversus exitus sit. L. 12, § 2, ff de negot. gest.

3o. On n'est soumis aux frais de recouvrement que jusques à la concurrence de la valeur des effets recouvrés; mais une fois qu'ils sont recouvrés, la perte ultérieure est pour le compte de ceux à qui ils appartiennent.

4. En établissant un capitaine, ou en lui confiant ses effets, on est présumé lui avoir déféré tous les pouvoirs que la loi lui donne. On aurait lui pu défendre de convenir d'une rançon, dans le cas qu'il serait pris. On ne le lui a pas défendu; et par cela seul on lui a permis de racheter le navire. Il l'a acheté pour compte de ses mandans : ils doivent donc payer le prix d'une acquisition qui leur était devenue propre, et dont ils auraient perçu le bénéfice, si le navire racheté fût revenu à bon port.

Si dans un tems utile il ne leur a été possible ni de notifier le rachat à leurs assureurs, ni de pourvoir à leur intérêt par de secondes assurances (suprà, ch. 8, sect. 6, § 2), cet accident est une suite de leur expédition maritime. Ils auraient pu le prévoir, soit en prohibant tout rachat au capitaine, soit en insérant dans les assurances primitives quelque pacte qui les eût mis à couvert de ce surcroît de perte; car le naufrage du navire racheté n'altère en rien l'obligation contractée envers le corsaire ennemi. Elle doit être remplie, quand même l'ôtage viendrait à mourir, ou qu'il prendrait la fuite. Suprà, SS 7 et 8.

S'il s'enfuit, il viole les droits de la guerre. S'il meurt, on se trouve au cas du gage qui périt par cas fortuit; la créance n'en subsiste pas moins: Qua fortuitis casibus accidunt, cùm prævideri non potuerint, nullo bona fidei judicio præstantur: et ideò creditor pignora quæ hujusmodi casu interierint, præstare non compellitur; nec à petitione debiti submovetur, nisi inter contrahentes placuerit, ut amissio pignorum liberet debitorem. L. 6, C. de pignor. act.

MM. Faure et Dragon, négocians distingués de notre place, furent bien aises d'écrire à leurs correspondans à Londres, pour savoir quelles sont, sur ce point, les lois d'Angleterre. Voici la réponse qu'ils reçurent de la part de MM. Charles Loubière, Teissier et compagnie :

Londres, le 11 octobre 1782.

• Les propriétaires du vaisseau sont absolument obligés d'acquitter la traite du capitaine, pour le montant de la rançon, et par là procurer la décharge

$13.

Ancien réglement an sujet du rachat.

[ocr errors]

» de l'ôtage. Ici, en Angleterre, la loi les y oblige. Et quant à leur remboursement, ils doivent s'adresser à leurs assureurs, tant pour le montant de la › rançon, que pour la perte du vaisseau.

[ocr errors]

Mais il n'est pas décidé ici si les assureurs doivent payer au-delà de cent

4

» pour cent, et il y a même dans ce moment deux cas indécis au café de Lloyds

(qui est le café des assureurs), pour savoir combien les assureurs sont obligés de payer.

D

» Le naufrage n'éteint nullement le billet de rançon. Cet acte étant celui du capitaine pour le bien des propriétaires, ces derniers en sont responsables, , comme s'ils l'avaient fait eux-mêmes. >>

[ocr errors]

Les deux cas dont cette lettre parle ne seraient peut-être pas indécis, si la police d'assurance renfermait la clause qu'on trouve dans la formule de Londres, rapportée suprà, ch. 2, sect. 3, où il est dit, qu'en cas de perte ou malheur, il sera permis aux assurés, à leurs facteurs, serviteurs et préposés, de faire tout le requis et nécessaire pour la défense, sauve-garde, recouvrement dudit vaisseau et de son chargement, sans préjudice de cette as»surance; et nous contribuerons chacun à prorata des sommes par nous respectivement assurées, aux frais et dépenses faites à cette occasion. »

[ocr errors]

D'après un pareil pacte, il ne paraît pas douteux que si le navire racheté périt, les assureurs ne soient obligés de contribuer aux frais de recouvrement, à proportion des sommes par eux assurées, et au-delà de cent pour cent. Par exemple, le vaisseau et la cargaison valaient 100,000 liv. Le capitaine a promis 40,000 liv. pour prix de la rançon. Les assurances se montaient à 50,000 liv. Les assureurs devront payer la somme par eux assurée....

Et pour la demie du billet de rançon...
Total....

50,000 liv.

20,000 liv.

70,000 liv.

parce que telle a été la loi de leur contrat. La même règle serait observée dans les places du royaume où les assureurs se soumettent à une semblable obligation.

Mais parmi nous, les assureurs ne seraient pas tenus au-delà des sommes assurées, parce qu'ils ne s'obligent jamais à rien de plus. Vid. infrà, ch. 17, sect. 7, § 5.

Dans le Guidon de la mer, ch. 6, art. 3 et 4, on trouve un ancien réglement au sujet du rachat; en voici la teneur :

. Si le navire est en lieu que le maître puisse donner advertissement de son ⚫ infortune à son marchand, et que, sans danger, à cause du séjour, il peut

> attendre la réponse, il ne doit payer la composition, et se hasarder de re› chef à la mer, jusqu'à ce qu'il ait advis de son marchand chargeur; lequel › communiquera le tout à ses assureurs, afin d'avoir le consentement et nou> veau pouvoir de pourchasser, et conclure ou ratifier le rachat, selon que » la nécessité le requerra; mais s'il est en licu dont il ne puisse donner advis › si promptement, qu'il y ait danger à la demeure, le maître du navire prendra le conseil de sept les plus suffisans de son équipage, s'ils trouvent que pour le bien et profit de la marchandise et nef, il faille faire ledit rachat pour éviter la perte totale: ils pourront en telle nécessité composer jusqu'à la concurrence de vingt-cinq pour cent, que les assureurs seront tenus, encore qu'ils n'aient donné leur consentement.

[ocr errors]

D

D

S'il n'y a assurance faite, le marchand chargeur sera tenu d'accepter et ‣ payer les lettres d'eschange qui, pour ce, seront remises sur lui, à la raison desdits vingt-cinq pour cent, et à la valeur de sa marchandise. Les bourgeois de la nef fourniront semblablement vingt-cinq pour cent à la valeur » de leur navire, ou total fret, ou y renonceront.

[ocr errors]
[ocr errors]

» Le tout à peine de payer tous les despens, dommages et intérêts du change et rechange, protestations et courses, s'il y a assurance, combien que la > lettre d'eschange s'adresse au chargeur; toutefois les assureurs seront tenus > nantir chacun les vingt-cinq écus pour cent des sommes qu'ils auront assurées, sauf par après à compter exactement, s'il y a plus ou moins pour la » répartition de ce qu'il faut pour la contribution du navire et marchandises, > afin que rien ne retarde le paiement.

[ocr errors]

» Le même sera permis au facteur ou commissionnaire, qui va pour la » conduite ou négociation de la marchandise, pourvu qu'il n'y ait suspicion » de dol et de fraude, et qu'ainsi le faire il fût de besoin pour la salvation du

» reste. »

Il résulte de cet ancien réglement, 1°. que le capitaine ne doit point racheter le navire sans le consentement des propriétaires, s'il est en lieu d'où il puisse leur donner avis de son infortune. Ceux-ci peuvent alors le notifier aux assureurs, afin d'avoir leur consentement;

2o. Si le capitaine est en lieu d'où il ne puisse informer de son infortune ses armateurs, il prendra l'avis des plus suffisans de son équipage, et s'ils trouvent que pour le bien et profit de la marchandise et de la nef, il faille faire ledit rachat pour éviter la perte totale, il pourra le faire;

3°. Il n'était permis au capitaine de composer que jusques à la concurrence de

« PreviousContinue »