Page images
PDF
EPUB

vingt-cinq pour cent; aujourd'hui il suffit que le capitaine ait agi pour le mieux, à moins que par le raccord ses pouvoirs n'eussent été limités;

4°. Dans le même cas où on n'avait pu notifier la prise aux propriétaires, les assureurs étaient tenus du rachat, encore qu'ils n'y eussent pas donné leur consentement; mais cette obligation dérivait du pacte contenu dans la formule de Rouen, par lequel ils avaient déféré pouvoir au capitaine, en cas que fortune advienne de mettre la main pour la récupération de la chose assurée, tant en leur profit qu'en leur dommage. Parmi nous, les assureurs ne s'obligent à rien de pareil; et s'ils ne prennent point la composition à leur profit, ils ne s'exposent pas à payer au-delà des sommes par eux souscrites;

5o. Les armateurs et les marchands chargeurs sont tenus d'accepter et payer les lettres de change, qui pour ce seront remises sur eux. Ils y sont obligés, quoique le navire racheté périsse dans la traversée, ainsi qu'on l'a vu ci-dessus.

CONFÉRENCE.

CXXVI. D'abord, il faut poser en principe qu'en rachetant les objets pris, on ne reprend pas sa propriété ancienne, on acquiert en quelque sorte une propriété nouvelle; secondement, le rachat peut se faire soit en mer, soit dans le lieu où le navire pris a été conduit, et avant ou après les vingt-quatre heures, à la différence de la recousse.

Les règles sur les rachats, relativement aux assureurs, sont établies dans les art. 595 et 396 du nouveau Code de commerce. - (Voyez d'ailleurs l'art. 66 de l'Ordonnance, titre des assurances; M. Estrangin sur Pothier, no. 135, 136 et 137, et notre Cours de droit commercial maritime, tom. 2, pag. 457 et suivantes, et tom. 4, pag. 420 et suivantes ).

Mais comme les rançons exigées par les corsaires pour les rachats des navires ennemis peuvent dégénérer en abus nuisibles aux intérêts de l'Etat et à ceux des intéressés à l'armement en course, elles ont été défendues et entièrement prohibées aux corsaires français par l'art. I de l'ordonnance du 30 août 1782, et par une décision du Conseil des prises, du 13 prairial an 8.

En effet, le produit de la course n'étant dévolu à l'armateur qu'à titre d'encouragement et de récompense, et son intérêt se trouvant toujours subordonné à l'intérêt général, il ne peut en conséquence se lier par des conventions particulières qui y seraient contraires. Il est de droit commun que le capitaine ne peut faire le rachat pour lui, mais bien pour le compte des propriétaires. Il est encore de droit commun que le capitaine à qui le capteur donne partie des effets pris, ne peut point les garder pour lui; il doit les restituer à qui ils appartiennent.

Il n'entre pas plus dans l'esprit de la loi nouvelle que de l'ancienne, que l'assuré soit obligé de donner aux assureurs avis du rachat. Il peut prendre la composition à ses risques, et alors les choses sont comme s'il n'y avait eu ni prise, ni rachat, et le navire continue de naviguer aux risques des assureurs.

Mais si l'assuré désire que la composition soit pour le compte des assureurs, il faut qu'il

leur en donne avis, en se conformant aux dispositions des art. 395 et 396 du Code de commerce. Dans les vingt-quatre heures les assureurs optent pour la composition ou la refusent. Dans le premier cas, ils consentent en quelque sorte à ne considérer la prise que comme une avarie dont ils indemnisent l'assuré, en lui remboursant ce qu'elle a coûté, c'est-à-dire le prix du rachat. Une fois l'avarie réparée, l'assurance reprend son cours, et les assureurs continuent de courir les risques du voyage, conformément aux contrats d'assurances de manière que si la chose assurée vient à périr ou à essuyer de nouvelles avaries, les assureurs seront obligés d'en répondre. Dans le second cas, en renonçant au profit de la composition, les assureurs consentent à considérer la composition comme non avenue, et les objets sont, à leur égard, comme s'ils n'avaient pas été rachetés, mais qu'ils fussent toujours restés dans la possession du capteur. Ils doivent donc payer en entier le montant de l'assurance, sans pouvoir rien prétendre aux objets rachetés.

Emérigon, d'ailleurs, a parfaitement bien développé cette matière par les hypothèses et les exemples qu'il a établis. Cependant, il faut aujourd'hui écarter la doctrine, d'après l'article 396, par laquelle il prétendait, contre le sentiment de Pothier, qu'en prenant la composition à son compte, l'assureur devenait propriétaire et acheteur de la chose rachetée, et qu'en conséquence, cette chose était désormais à ses risques, non plus comme assureur, mais comme propriétaire subrogé aux droits des anciens assurés.

En effet, la loi nouvelle, plus explicative que l'art. 67 de l'Ordonnance, en dispose d'une autre manière dans son art. 396, conformément à l'avis de Pothier, titre des assurances, n°. 133. Elle considère que le rachat est une dépense extraordinaire, qui, à ce titre, est mise, par l'art. 397, au nombre des avaries. Or, le paiement des avaries ne rend pas l'assureur propriétaire de la chose assurée. (Voyez d'ailleurs notre Cours de droit maritime, tom. 4, pag. 427 et 428 ).

Dans le cas où le rachat se fait par lettres de change ou au moyen d'ôtage, l'acceptation de la composition, de la part des assureurs, entraîne la garantie du paiement des lettres de change tirées à l'ordre du capteur, ou l'obligation de délivrer les ôtages. La perte postérieure du navire ne peut rien changer à cette obligation sacrée envers le corsaire ennemi. Enfin, lorsque l'assureur a pris la composition à son compte, et en a payé le montant, c'est lui qui devient propriétaire des actions qu'on pourrait avoir contre le capteur, pour faire déclarer sa prise non valable et lui faire restituer le prix du rachat.

SECTION XXII.

Navire conduit chez l'ennemi, et ensuite relâché.

DANS une de mes consultations que M. Valin rapporte, tom. 2, je disais que

« la prise s'opère dès que, par force, on saisit un vaisseau en pleine mer, et 61

T. I.

» que, l'empêchant de naviguer à son dernier reste, et au lieu de sa desti› nation, on le conduit dans un autre endroit. »

L'accident de prise est alors consommé, quoique le navire soit ensuite relâché par un jugement qui déclare la prise illégitime, ou par quelque autre

événement.

Première question. Ce jugement ou cet événement quelconque altèrent-ils la Yati lieu au dé faculté que l'art. 46, titre des assurances, donne à l'assuré de faire son aban

$ 1. t-il laissement ?

don?

Il a été plusieurs fois décidé que les assureurs ne peuvent se dispenser de payer les sommes par eux assurées, sous prétexte que le navire a été relâché par le capteur ou délivré de ses mains.

Première décision. Le sieur Jean-François Tiran s'était fait assurer, de sortie du Levant jusqu'à Marseille, 71,000 liv. sur le corps et les facultés de la corvette la Marianne, capitaine Gameau.

Ce navire fut pris par une frégate anglaise, et conduit à Mahon.
Le délaissement fut fait aux assureurs.

La conquête de Minorque par le maréchal de Richelieu, procura la liberté à la corvette, qui revint à Marseille encore toute chargée.

1

Les assureurs, attaqués en paiement des sommes assurées, soutenaient que le navire avait recouvré son premier état par droit de postliminie; que l'accident était effacé, et qu'ils n'étaient obligés à rien payer, pas même les avaries, dont ils étaient exemptés par un pacte de leur police.

Sentence du 18 avril 1757, qui les condamna à payer les sommes assurées, sous la déduction du produit du navire et des effets assurés, dont le sieur Tiran avait eu la permission, pendant le procès, de faire faire la vente judiciaire pour le compte de qui de droit.

Seconde décision. Le sieur Barthélemy Benza fit assurer, pour compte du capitaine Laurent Ghiglino, génois, de sortie de Marseille jusqu'aux Iles françaises, 26,200 liv. sur le corps, et 11,000 liv. sur le quint des facultés du vaisseau l'Immaculée Conception et Saint-Ignace de Loyola, commandé par ledit capitaine.

Ce navire fut pris par deux senauts anglais, et conduit à la Nouvelle-Yorck. Le capitaine obtint la main-levée de son vaisseau, et du quint de la cargaison. Benza fit abandon aux assureurs, et se pourvut contre eux en paiement des sommes assurées.

Les assureurs disaient que le navire, reconnu génois par les Anglais, n'avait pas été pris, mais qu'il avait été simplement arrêté à cause des quatre quints

des marchandises qui appartenaient à des Français; que le navire et les effets assurés pour compte de Ghiglino ayant été relâchés, les choses avaient été rétablies, à l'égard de l'assuré, dans leur premier état; que par conséquent l'acte de délaissement était nul, et devait être cassé.

Sentence du 27 juillet 1758, confirmée par arrêt du 3 mars 1759, au rapport de M. de Corriolis, qui condamna les assureurs à payer à Benza les sommes assurées, sauf à eux à se faire rendre compte de la valeur du navire et des effets relâchés, relativement à leur risque. Vid. Valin, art. 45.

Troisième décision. Arrêt du 21 mai 1760, rendu en faveur du sieur Bonnet, de la Ciotat, qui décida que le donneur à la grosse a action contre ses assurcurs, par la seule prise du vaisseau, quoique relâché ensuite. Les assureurs ne peuvent pas le renvoyer sur le capitaine qui avait reçu les deniers à la grosse; car le sinistre rompt le voyage, et dès lors le capitaine devient géreur de qui de droit.

Quatrième décision. Le chebec le Saint-Charles, appartenant à des sujets du roi de Sardaigne, et commandé par le capitaine Jacques Persile, savoyard, se trouvait à Alicante. Divers négocians du lieu y chargèrent pour leur compte des marchandises qu'ils firent assurer à Marseille, où le navire devait se rendre. Il fut pris par les Anglais, détenu pendant un an à Gibraltar, et ensuite relâché, comme étant ledit bâtiment et la cargaison de propriété neutre.

Dès qu'on eut à Marseille la nouvelle de cette prise, le délaissement fut fait aux assureurs. Sentences des 12 mars et 26 avril 1762 (confirmées par arrêt du 27 juin 1763), qui condamnèrent les assureurs au paiement des sommes assurées, sauf leurs droits sur la chose relâchée.

Seconde question. Si les assureurs sont francs d'avarie, peut-on, au lieu de leur faire délaissement du navire relâché, les obliger à payer les frais et dommages occasionnés par la prise?

En juillet et août 1748, on avait fait des assurances, de sortie des lles françaises jusqu'à Bordeaux ou Marseille, sur le corps et facultés de la pinque le Saint-Charles, capitaine Jean-Jacques Ollive, avec clause franc d'avarie. Le 4 dudit mois d'août 1748, la paix fut publiée à la Martinique.

Le 5, le capitaine Ollive partit de cette île. Le 6, étant entre Antigue et Montserat, un corsaire anglais le prit et le conduisit à Peneston, une des îles Vierges. Là, le capteur amarina la prise pour la Nouvelle-Yorck, n'ayant laissé sur la pinque le Saint-Charles, de l'équipage français, que Bondy, nocher, le charpentier et un matelot.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Le capitaine Ollive et le reste de ses gens furent laissés à Saint-Thomas, île danoise. Ils se rendirent à la Guadeloupe, où ils firent leur consulat.

Le nocher Bondy, arrivé à la Nouvelle-Yorck, obtint un jugement du tribunal supérieur, qui relâcha la prise, et condamna le capteur aux dommages et intérêts.

Le 20 octobre suivant, Bondy partit avec la pinque, après avoir inutilement réclamé ses adjudications.

Le capitaine Ollive, qui ignorait ce qui s'était passé à la Nouvelle-Yorck, se rendit à la Martinique. Il s'adressa à M. de Caylus, qui lui fit affréter un parlementaire pour aller réclamer son bâtiment. Le parlementaire arriva à la Nouvelle-Yorck, mais la pinque en était déjà partie sous le commandement de Bondy, qui arriva à Marseille.

Le nocher Bondy fit faire un rapport d'estimation des effets pillés par les gens du corsaire, et requit le réglement de l'avarie grosse. Le capitaine Ollive, arrivé à Marseille, intervint dans l'instance, et requit de son chef le réglement d'avarie grosse, pour toutes les dépenses qui avaient été faites depuis la prise, tant par le navire que par lui-même, dans l'objet de recouvrer la pinque. Les sieurs Lemaire père, fils et compagnie, propriétaires de la pinque et de la cargaison, attaquèrent leurs assureurs. Ceux-ci opposaient la clause franc d'avarie. On leur répondit qu'il s'agissait d'un sinistre majeur, et que toutes les dépenses qui avaient été faites, l'avaient été dans l'objet de recouvrer la prise.

Sentence du 3 août 1750, qui condamna les assureurs à payer la contribution, réglée à 16 liv. 8 sous pour 100.

Arrêt du 30 juin 1751, au rapport de M. Barlatier Dumas, qui confirma la

sentence.

Je parlerai infrà, sect. 46, de la clause franc d'avarie, où il s'agira encore de ce même arrêt que je viens de rapporter. Voyez de plus le ch. 17, sect. 2. Troisième question. Pendant le tems que le navire est détenu dans le pays du capteur, les salaires de l'équipage et les nolis à mois sont-ils suspendus? La guerre était déclarée entre l'Espagne et la régence d'Alger. Le bey avait besoin d'un navire neutre pour conduire son ambassadeur à Constantinople, et en rapporter des mâtures et autres effets.

Le navire le Septimane, capitaine Seren, fut affrété à Marseille, moyennant le nolis de 6,000 liv. pour chaque mois, à compter depuis son départ de Marseille jusqu'à son retour de Constantinople à Alger.

« PreviousContinue »