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Le navire, parti de Marseille, toucha à Alger, reçut l'ambassadeur du bey, et arriva à Constantinople.

Cet ambassadeur, ayant rempli sa mission, fit charger dans le navire des mâts, du fer en barre, du fil de carret et des pièces de coton. On remit à la voile. On eut la rencontre de deux frégates espagnoles, qui visitèrent le Septimane, et le conduisirent à Carthagène, sous prétexte que la cargaison leur paraissait être de contrebande.

Cette cargaison fut séquestrée à terre. Le capitaine séjourna à Carthagène pendant environ cinq mois. Enfin, par l'entremise de l'ambassadeur de France, les effets séquestrés furent relâchés.

La cargaison fut remise à bord. L'ambassadeur du bey, dont la personne avait été respectée, se rembarqua. On arriva à Alger. Le bey ne voulu payer au capitaine rien de plus que 2,500 sequins algériens. Le navire revint à Marseille.

Les matelots présentèrent requête en paiement de leurs salaires pour tout le tems du voyage.

Le capitaine Seren appela au procès la veuve Dangallière et compagnie, qui avaient affrété le Septimane, pour compte du bey. Il requit qu'ils fussent condamnés au paiement du fret, à raison de 6,000 liv. par mois, depuis le 27 septembre 1775, époque du départ de Marseille, jusqu'au 30 septembre 1776, époque de l'entier déchargement de la cargaison à Alger.

La veuve Dangallière et compagnie invoquaient contré l'équipage l'art. 5, titre de l'engagement des matelots, qui décide que, « si le vaisseau est arrêté » par ordre souverain pendant le cours du voyage, le loyer des matelots engagés au mois courra par moitié pendant le tems de l'arrêt. »

Et contre le capitaine, ils invoquaient l'art. 16, titre du fret, qui veut que, « si le vaisseau est arrêté par ordre souverain dans le cours de son voyage, il » ne soit dû aucun fret pour le tems de sa détention, s'il est affrété au mois. » Or, disaient-ils, c'est ici un arrêt, non une prise, puisque les Espagnols n'avaient jamais eu l'idée de confisquer le corps du navire, et qu'ils l'avaient laissé libre à Carthagène, dès que les effets tancés de contrebande eurent été mis à terre.

On répondait, 1°. que, suivant la définition ci-dessus rapportée, il s'agissait d'une prise et non d'un simple arrêt; 2°. que les articles allégués étaient au cas de l'arrêt proprement dit; 3°. que l'arrêt suspend le voyage, mais que la prise suivie de relâche ne fait que le prolonger, etc.

Sentence du 4 mai 1777, confirmée par arrêt du 7 juillet 1778, au rapport

de M. Pazery de Thorame, qui entérina la requête des matelots et celle du capitaine Seren.

De cette décision on doit conclure que, si le délaissement du navire le Septimane eût été fait aux assureurs, ils auraient été condamnés à payer les sommes assurées. Mais les sieurs Grenier frères, qui étaient les armateurs, aimèrent mieux profiter du nolis important de 6,000 liv. par mois, pour tout le tems du voyage, que de faire le délaissement, qui les eût privés d'un si grand bénéfice.

On ne peut se dissimuler que, par rapport au navire, c'était ici une espèce d'arrêt de prince, opéré pendant le cours du voyage. Mais, comme l'objet principal des Espagnols avait été de prendre et de confisquer la cargaison, cette espèce d'arrêt, dont l'Ordonnance ne parle pas, était une suite de la prise même, et devait, suivant notre jurisprudence, être placée dans la catégorie des sinistres de ce genre.

Quatrième question. Un navire est pris par les Anglais et conduit à Livourne. Après sept mois de litige, il est relâché. Il revient à Marseille. Les matelots demandent leurs salaires. Il fut question de savoir s'ils devaient contribuer aux frais considérables qui avaient été faits pour parvenir à la relâche.

Sentence du 11 octobre 1748, rendue par notre amirauté, qui condamna le capitaine à payer les salaires à plein, attendu que l'art. 20, titre du loyer, ne soumet les salaires qu'à la seule contribution au rachat. Or, ce n'était pas ici un rachat véritable, mais une relâche, dont les frais ne doivent point, sans un texte exprès, ébrécher les salaires, qui sont très-favorables par euxmêmes. On se trouvait donc dans la disposition du droit commun, suivant lequel, « quand il ne se sauverait de la nef qu'une table ou un clou, il serait » entièrement affecté aux salaires. Consulat de la mer, ch. 135. Cleirac, · pag. 15, 46 et 419.

D

CONFÉRENCE.

CXXVII. Nous avons vu ci-devant que la prise s'opère 'dès que, par la force, le vaisXXVII. seau est saisi en pleine mer : Ea quæ ex hostibus capimus, jure gentium statim nostra fiunt, dit Justinien, S 17, inst. de rerum divisione. L'accident de prise est alors consommé, quoiqu'ensuite il se fasse recousse, délivrance du navire par l'équipage, abandon du navire par les capteurs, ou que la prise soit relâchée par un jugement qui déclare la prise illégitime, etc. Malgré toutes ces circonstances, et quand, par quelque événement, la prise reviendrait au pouvoir de l'assuré avant le délaissement, l'assuré n'a pas moins le droit de faire ce délaissement, et les assureurs ne peuvent se dispenser de payer les sommes assurées.

Dès que le navire est pris, les propriétaires sont privés du domaine, ou du moins de

la disposition libre de leurs effets. Il n'y a point de distinction à faire à cet égard entre le navire et les marchandises, tout étant pris.

Ces principes, professés par Emérigon et par tous les auteurs, sont tirés de l'art. 46, titre. des assurances, de l'Ordonnance, et consacrés par l'art. 369 du Code de commerce.— (Voyez d'ailleurs Valin sur l'art. 46, et Pothier, assurances, no. 118).

D'un autre côté, d'après l'art. 409 du Code de commerce, la clause franc d'avarie n'affranchit point les assureurs des cas qui donnent ouverture au délaissement. Dans ces cas, les assurés ont l'option entre le délaissement et l'exercice d'action d'avarie.

En effet, la loi nouvelle présume que les contractans n'ont eu en vue que les avaries proprement dites, soit simples, soit communes, et nullement les cas qui sont de nature à pouvoir donner lieu au délaissement. Ainsi, quelque extension que doive avoir la clause franc d'avarie, cette clause ne concerne cependant pas les sinistres majeurs qui donnent ouverture au délaissement, tels que la prise, le naufrage, etc. Ainsi, cette clause n'affranchit pas les assureurs de la contribution aux frais et dommages occasionnés par la prise suivie de relâche. - (Voyez ce que nous avons dit à cet égard dans notre Cours de droit commercial maritime, tom. 4, pag. 515 et suivantes; Pothier, no°. 166, et M. Estrangin, pag. 417). Enfin, pour décider la question de savoir si les salaires et nolis sont suspendus pendant la détention du navire pris, et ensuite relâché, indépendamment de ce que dit ici Emérigon, il faut distinguer entre l'arrêt de prince et la prise. (Voyez, pour cet effet, la consultation de ce célèbre jurisconsulte dans Valin, sur l'art. 48, titre des assurances, de l'Ordonnance ). Si le vaisseau est arrêté dans le cours de son voyage par l'ordre d'une puissance, il n'est dû aucun fret pour le tems de sa détention, si le navire est affrété au mois, ni augmentation de fret, s'il est loué au voyage. La nourriture et les loyers de l'équipage pendant la détention du navire sont réputés avaries. - (Art. 300 du Code de commerce ).

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Les loyers et nourriture de l'équipage sont avaries communes, si ce navire est affrété au mois. — (Art. 400 du même Code).

Ils sont au contraire avaries particulières, si le navire est affrété au voyage. 2 (Art. 405). Mais dans ce cas, c'est-à-dire dans le cas de l'arrêt de prince, le loyer des marins engagés au mois ne court que pour moitié pendant le tems de l'arrêt, et le loyer des marins engagés au voyage est payé aux termes de l'engagement. (Art. 254 dù même Code),

Si, au contraire, le navire a été pris, c'est-à-dire qu'il y ait prise au lieu de simple arrêt: de prince, il y a lieu à délaissement, et les assureurs doivent payer les sommes assurées. Quant à l'équipage, si la perte est entière, il ne peut prétendre aucun loyer, mais il n'est point tenu à rendre ses avances. (Art, 258).

Si quelque partie du navire est sauvée, les marins engagés au voyage ou au mois sont payés de leurs loyers échus sur les débris du navire qu'ils ont sauvés, et subsidiairement sur le fret.

Les marins engagés au fret sont payés de leurs loyers, seulement sur le fret, à propor tion de celui que reçoit le capitaine. —( Art. 260 du même Code )."

Les journées employées au sauvetage sont prélevées sur les effets sauvés, de quelque manière que les matelots soient loués. ( Art, 261, du Code de commerce). Ce prélèvement est

fondé sur l'art. 2102 du Code civil, qui déclare privilégiés sur une chose les frais faits pour sa conservation. Le réglement de ces journées de sauvetage est fait conformément à l'arrêté du 7 mai 1801, et à l'art. 7 de celui du 26 mars 1805.

$1.

La guerre légitime est un moyen d'ac

querir.

Suivant le droit

des gens, la chose

SECTION XXIII.

De la Recousse.

COMMENÇONS par examiner quelques points préliminaires.

Suivant la coutume générale des nations, quiconque fait la guerre dans les formes, et avec autorité publique, devient maître de ce qu'il prend sur l'ennemi: Jure gentium, non tantùm is qui ex justâ causâ bellum gerit, sed et quivis in bello solemni, et sine fine modoque, dominus fit eorum quæ hosti eripit....... Quod, dominium quoad effectus externos, licet appellare. Grotius, lib. 3, cap. 6, SS 1 et 2. Puffendorf, liv. 8, ch. 6, § 17. Vattel, liv. 3, ch. 13, etc.

Les lois romaines disent que, par le droit des gens, ce qui est pris sur prise sur l'ennemi l'ennemi appartient sur-le-champ au capteur : Quæ ex hostibus capiuntur, jure le-champ au cap- gentium, STATìm capientium fiunt. L. 5, S 7, ff de adquir. rer. domin., § 17,

appartient-elle sur

teur ?

inst. de rer. divis.

Ce mot statim a reçu diverses interprétations. Il est des docteurs qui soutiennent que la chose prise sur l'ennemi appartient au capteur dans l'instant que le capteur's'en est emparé, sans intervalle de tems, et avant même qu'il l'ait portée en lieu de sûreté. Burlamaqui, Droit politique, part. 6, ch. 7, n°. 16. Luzac sur Wolff, § 1204. Le chevalier d'Abreu, part. 1, ch. 3, § 5.

D'autres docteurs soutiennent que la chose prise n'appartient au capteur qu'après qu'il l'a portée en lieu de sûreté, et mise à couvert des poursuites de l'ennemi. Grotius, liv. 3, cap. 6, § 5. Puffendorf, liv. 8, ch. 6, § 17. Vattel, liv. 5, ch. 13, 1.190.

On pourrait appuyer ce second avis sur divers textes du droit romain. Le mot prendre, dit la loi 71, ff de verb. sig., doit être entendu d'une prise - suivie de l'effet: Capere cum effectu accipitur.

Le prisonnier de guerre ne devenait captif, et ne cessait d'être citoyen qu'après qu'il avait été conduit dans le camp ennemi, inter præsidia, ou dans le pays ennemi, ubi fines nostros excessit. Jusqu'alors il était présumé jouir de sa liberté légale, manet civis. L. 5, § 1, et L. 19, § 3, ff de captivis et postl.

Enfin, un troisième avis, qui est adopté dans la pratique actuelle, ainsi

qu'on le verra bientôt, est que la chose prise n'est censée appartenir au capteur qu'après qu'il l'a gardée en son pouvoir pendant vingt-quatre heures, quoiqu'il ne l'ait pas encore mise en lieu de sûreté.

A l'appui de ce dernier avis, on peut également alléguer des textes du droit : Quod dixi, STATIM, cum aliquo temperamento temporis intelligendum est. L. 1, § 8, ff ad leg. falcid. L. 105, ff de solut. et liber.

Mon compatriote, qui reprend des mains de l'ennemi la chose qui m'avait été enlevée, peut-il se l'approprier sans violer le droit naturel?

Cette question est beaucoup agitée parini les docteurs, ainsi qu'on le voit par ce qu'en disent Grotius, liv. 3, ch. 16. Marquardus, lib. 2, cap. 4, no. 40; cap. 5, no. 75. Vattel, liv. 3, ch. 13, n°. 196. Le chevalier d'Abreu, part. 2, ch. 5, § 2. Cleirac, de la jurisdiction, art. 34, pag. 452, etc.

Lorsqu'il s'agit d'une chose qui avait été enlevée par des pirates, et qui leur a été reprise, nul doute qu'elle ne doive être restituée à l'ancien maître, ainsi qu'on le verra dans la section suivante.

Mais, puisque l'ennemi, revêtu de l'autorité publique, était devenu jure belli, propriétaire de la chose qu'il avait prise, il s'ensuit que ceux qui la lui reprennent en deviennent propriétaires à leur tour, sauf les modifications dont je parlerai bientôt ils peuvent donc, sans blesser l'équité naturelle, la garder, et en priver l'ancien maître, leur compatriote.

Voyons maintenant ce que les lois du royaume ont prescrit au sujet de la

recousse.

Ordonnance de Henri II, en mars 1584, art. 61.

. Si aucun navire de nos sujets, pris par nos ennemis, a été entre leurs » mains jusques à vingt-quatre heures, et après, qu'il soit recous et repris par » aucuns de nos navires de guerre, ou autres, de nos sujets, la prise sera déclarée bonne; mais si ladite reprise est faite auparavant les vingt-quatre heures,

» il sera restitué avec tout ce qui était dedans, et en aura toutefois le navire de guerre qui l'aura recous et repris, le tiers.

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Ordonnance de la marine, titre des prises, art. 8.

Si aucun navire de nos sujets est repris sur nos ennemis, après qu'il aura demeuré entre leurs mains pendant vingt-quatre heures, il sera restitué au propriétaire avec tout ce qui était dedans, à la réserve du tiers, qui sera donné au navire qui aura fait la recousse.

T. I.

62

Suivant le droit naturel, mon com patriote qui reprend de l'ennemi la chose

dont j'avais été dépouillé, doit-il me la rendre?

$ 2. Ordonnances du royaume au sujet de la recousse.

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