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Ordonnance du 15 juin 1779.

Le roi s'étant fait représenter son ordonnance du 28 mars de l'année dernière, concernant les prises faites en mer par ses vaisseaux, frégates, et autres bâtimens de guerre, par laquelle Sa Majesté a bien voulu faire aux » états-majors et équipages preneurs, l'abandon de la totalité des bâtimens » de guerre et corsaires enlevés sur ses ennemis, et des deux tiers du produit » des navires marchands, Sa Majesté aurait reconnu qu'elle n'a rien statué par » cette ordonnance, sur les reprises qui seraient faites par lesdits vaisseaux et frégates, et elle a jugé nécessaire de faire connaître ses intentions à ce sujet, » en se réservant d'accorder aux équipages de ses vaisseaux et frégates, telle gratification qu'il appartiendra, sur le prix desdites reprises et de leur cargaison, lesquelles continueront d'appartenir et d'être adjugées à Sa Majesté, » comme par le passé. Elle a ordonné et ordonne que les réglemens concernant » la recousse, continueront d'être observés suivant leur forme et teneur; en conséquence, lorsque les navires de ses sujets auront été repris par les corsaires armés en course contre les ennemis de l'État, après avoir été vingt» quatre heures en leurs mains, ils leur appartiendront en totalité; mais dans le cas où la reprise aura été faite avant les vingt-quatre heures, le droit de » recousse ne sera que du tiers de la valeur du navire recous et de sa cargaison. » En ce qui concerne les reprises faites par les vaisseaux, frégates ou autres bâti» mens de Sa Majesté, le tiers sera adjugé à son profit pour droit de recousse, » si elle est faite dans les vingt-quatre heures; et après ledit délai, la reprise » sera adjugée en totalité à Sa Majesté, sans que les états-majors desdits vais» seaux et frégates puissent y rien prétendre se réservant Sa Majesté d'ac» corder aux équipages une gratification proportionnée à la valeur du bâti- ment et de sa cargaison, d'après les connaissemens et factures, comme aussi ▸ de donner aux états-majors des vaisseaux qui auront fait les reprises, et ⚫ qui auraient eu soin de se distinguer par des actions de valeur, telles grâces » ou récompenses que Sa Majesté avisera bon être, suivant les circonstances. . Veut et ordonne Sa Majesté que la présente ordonnance ait lieu pour » toutes les reprises qui auraient pu être faites depuis le commencement des ⚫ hostilités.

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» Mande et ordonne, Sa Majesté, à M. le duc de Penthièvre, amiral de France, aux vice - amiraux, lieutenans-généraux, chefs d'escadre, capitaines et autres officiers de ses vaisseaux, commandant ses vaisseaux, frégates et autres bâtimens; aux commandans des ports, aux intendans de la marine,

» commissaires-généraux des ports et arsenaux, ordonnateurs, aux officiers › des siéges d'amirauté, et à tous autres qu'il appartiendra, de tenir la main, chacun en droit soi, à l'exécution de la présente ordonnance. »

Fait à Versailles, le 15 juin 1779. Signé Louis. Et plus bas, DE SARTINE.

Lettre de M. de Sartine, Ministre de la Marine, du 30 août suivant, aux Chambres du commerce du royaume.

« Vous avez été instruits, Messieurs, de l'ordonnance que Sa Majesté a ren» due le 15 juin dernier, pour les reprises faites par ses vaisseaux; mais » comme elle est dans l'intention de donner encore au commerce une nouvelle mar» que de sa protection et de sa bienveillance, en faisant remettre les reprises aux » armateurs et aux propriétaires, après qu'ils auront payé aux équipages des › vaisseaux repreneurs, telle gratification que Sa Majesté se réservera d'arbitrer, il est nécessaire que les négocians qui se trouvent dans votre arron» dissement, soient instruits de la marche qu'ils doivent tenir en pareil cas. » En conséquence, vous les préviendrez qu'à l'avenir, lorsqu'une reprise aura » été faite par les vaisseaux du roi, et qu'elle aura été jugée par le Conseil des › prises, il est à propos que l'armateur ou le propriétaire de cette reprise, » adresse sans délai à M. Chardon, procureur général des prises, une expédition du jugement, avec une copie des connaissemens et factures, ainsi que › la liquidation de tous les frais que la reprise aura occasionnés, soit de la part » de l'administration, c'est-à-dire du contrôleur de la marine ou des commis> saires des classes, soit de la part des amirautés, afin que sur le compte qui » m'en sera rendu par ce magistrat, et d'après la liquidation des frais que je » l'ai chargé de vérifier, je puisse proposer à Sa Majesté de fixer le montant de la gratification qui doit être payée aux équipages repreneurs, avant la › remise de la reprise aux propriétaires, et que rien n'arrête les formalités qui doivent avoir lieu en pareil cas. Il est nécessaire aussi que les armateurs » ou propriétaires des reprises qui auraient été faites avant l'ordonnance du » 15 juin, se fassent connaître promptement selon la forme et la marche ci⚫ dessus. Vous aurez soin, d'après cela, de prendre des mesures pour que les dispositions de cette lettre soient connues de tous les négocians.

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« Je suis, etc. (Signé) DE SARTINE. »

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$ 3.

Reprise faite par

Il résulte de cette lettre, que Sa Majesté n'a jamais eu intention de s'approprier les reprises au préjudice de ses propres sujets. En effet, ainsi que l'ob- les vaisseaux du roi. serve Valin, Traité des prises, ch. 6, sect. 1, no. 8, le roi a toujours été dans

$ 4.

Recousse faite par

un corsaire après les vingt-quatre heures.

Recousse avant les vingt-quatre heures.

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l'usage de faire la remise du profit de la recousse faite par ses vaisseaux, que le navire pris eût resté plus de vingt-quatre heures ou non en la pos› session de l'ennemi, Sa Majesté ne croyant pas devoir profiter du malheur de » ses sujets. La même chose se pratique depuis long-tems en Espagne, suivant la › remarque de Cleirac, pag. 45. Et M. l'amiral, jaloux d'imiter l'exemple du › roi, a eu aussi la générosité de faire la remise de son dixième en parcil cas, > tant que ce droit de dixième a subsisté. »

Et voici comme parle Puffendorf, liv. 8, ch. 6, § 22: Le souverain étant tenu de mettre en sûreté, et de défendre les biens de ses sujets, autant » qu'il lui est possible, il doit aussi leur faire recouvrer ce qu'ils ont perdu. › Et il n'importe que ce soient les soldats qui l'aient repris sur l'ennemi; car > ils ne sont que les ministres de l'État, et ce qu'ils prennent est au profit de l'État, non pas pour eux-mêmes. Or, il serait injuste que l'État gardât pour

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> lui les biens dont on avait dépouillé ses sujets : il faut donc qu'il les rende » à ses anciens maîtres. »

Les mêmes considérations ne se rencontrent pas vis-à-vis des armateurs particuliers, qui, exposant leur fortune et leur vie pour courre sur les ennemiş de l'État, méritent toute faveur.

Si un navire français est repris sur les ennemis, après qu'il aura demeuré entre leurs mains pendant vingt-quatre heures, la propriété absolue en est acquise à l'armateur français qui aura fait la recousse. C'est la disposition des ordonnances que je viens de citer.

Voici à ce sujet un trait de générosité qui mériterait d'être gravé in marmore et ære. Un navire de Dunkerque fut pris par les Anglais. Huit jours après, il fut repris par un corsaire du même port. Les armateurs de ce corsaire rendirent à l'ancien propriétaire le navire repris. Nous soussignés intéressés, > consentons, chacun en droit soi, et pour ce qui nous concerne seulement, › que l'armateur de notre corsaire remette au propriétaire son navire pris par › les ennemis, et ensuite repris par notre corsaire; ce faisant, bien et vala›blement déchargé envers les soussignés, qui désirent bien vivement que les • autres intéressés aient pour ce propriétaire les égards et considérations attachées » à l'esprit qui concilie les vrais compatriotes, l'âme de la félicité publique. Dunkerque, le 19 février 1781. Signés Delattre, d'Alkerque, Pierre Brick, les » frères Peychiers, Pierre Reynaud, Aget, Sackmoorter, Pierre Bonnas, » Tresca, Connelly et Jean Roussel. »

Si la reprise a été faite avant les vingt-quatre heures, le navire repris sera restitué au propriétaire, avec tout ce qui était dedans, à la réserve du tiers,

qui sera donné au navire qui aura fait la recousse. Ordonnances aux endroits cités suprà, S 2.

Vattel, liv. 3, ch. 14, § 207, dit que ceux qui se joignent à nous pour › faire la guerre ne font avec nous qu'un même parti: la cause est com› mune; le droit est un. Ils sont considérés comme ne faisant qu'un avec > nous. Lors donc que les personnes, ou les choses prises par l'ennemi, sont reprises par nos alliés, nos auxiliaires, ou retombent de quelque autre ma

› nière en leurs mains, c'est précisément la même chose, quant à l'effet du droit, que si elles se retrouvaient immédiatement en notre puissance, la puissance de nos alliés et la nôtre n'étant qu'une dans cette cause.»

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Ainsi, tout ce qui est dit dans la présente section au sujet du navire français repris par un autre Français, s'applique à la recousse du navire français, faite par un confédéré, et vice versa.

$5. Recousse faite par un auxiliaire ou allié

$ 6. Action contre les

Malgré la recousse opérée dans les vingt-quatre heures, on se trouve au cas de l'art. 48, titre des assurances, qui permet aux assurés de faire le dé- assureurs. laissement aux assureurs. Ceux-ci sont alors obligés de payer les sommes assurées; mais le navire recous leur appartient, à proportion de leur intérêt. Pour que le navire repris après les vingt-quatre heures appartienne à celui qui a fait la recousse, il faut que la première prise ait été légitime. Il en se- tement et repris arait autrement, si l'ennemi s'était emparé du navire contre les lois de la près les vingt-quatre

guerre.

Le 23 avril 1757, la barque la Victoire, capitaine Fouquart, poursuivie par un corsaire anglais, se réfugia sous la tour de l'île de Majorque, où elle mouilla l'ancre, à la distance d'un coup de pistolet de ladite tour. Le corsaire mit en mer sa chaloupe armée, et enleva la barque, malgré trois coups de canon qui furent tirés de la tour. Quelques jours après elle fut reprise par le capitaine Michel.

Les sieurs Rougon et Dangallière, à qui elle appartenait, la réclamèrent. Ils disaient que par le droit des gens, chaque souverain a le domaine des mers adjacentes à ses États : Quæ circa regnum ejus diffunduntur. Suprà, sect. 19, $1.

On ne peut donc (sans blesser le droit des gens), ni exercer aucune violence dans les mers des souverains avec qui on n'est pas en guerre, ni par conséquent y poursuivre et prendre le navire qui s'y est réfugié.

Puisque la barque la Victoire s'était réfugiée sous le canon du fort de Majorque, le corsaire anglais n'avait pas eu le droit de s'en emparer. Il avait agi en pirate. La prise était nulle et illégitime. On se trouvait donc au cas de l'art. 10, titre des prises.

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Navire pris illici

heures.

$8.

Recousse du billet

tage,

Jugement du Conseil des príses, rendu en décembre 1757, qui n'adjugea au capitaine Michel que le tiers de la valeur de la barque et de la cargaison pour frais de recousse. Les deux autres tiers restèrent au profit des sieurs Rougon et Dangallière, et de leurs assureurs.

Divers auteurs disent que si le corsaire preneur est pris lui-même avec le de rançon et de l'ò- billet de rançon et avec l'otage qui lui avaient été donnés, le nouveau capteur est en droit de retenir cet ôtage, et d'exiger le prix de la rançon. Par ce moyen, le preneur du corsaire ennemi ferait tout à la fois deux prises au lieu d'une. Brillon, v°. Prise, tom. 5, pag. 479, no. 3, rapporte un jugement du Conseil qui adopta ce systême, et telle est la doctrine de M. Valin, art. 8, titre des prises; et dans son Traité des prises, ch. 11, sect. 2, no. 2, el sect. 3, n°. 3.

Olea, tit. 4, quest. 10, examine si les obligations résultant des billets qu'on trouve parmi les dépouilles de l'ennemi, appartiennent au vainqueur; et au n°. 47, il décide que non, parce que le chirographe est la preuve de l'obligation, et non l'obligation même. Le capteur n'acquiert rien de plus que le butin qu'il prend. Mais les obligations sont des droits métaphysiques, incapables de saisie réelle et proprement dite: Ex sola chirographi, seu nominis præda et bellica apprehensione, nullum jus vel actio adquiritur privato militi, nec per eum principi belli. Vid. Puffendorf, liv. 8, ch. 6, SS 19 et 20.

Le billet de rançon est un morceau de papier qui n'est ni le navire racheté ni la rançon même.

Pour ce qui est de l'ôtage, il serait étrange qu'il devînt prisonnier de guerre de ses propres compatriotes.

Les droits du corsaire ennemi se sont évanouis par sa défaite. Les droits du corsaire ami se bornent aux choses qu'il prend réellement,

Je crois donc que le billet de rançon reste sans valeur, et que l'ôtage recouvre sa liberté, sans que le capteur ennemi puisse jamais rien demander, et sans que le corsaire ami ait à prétendre rien au-delà du butin réel qu'il a fait.

Quoi qu'en dise M. Valin, art. 8, titre des prises, je suis persuadé que la dé* cision qu'il rapporte ne doit pas être entendue dans un autre sens. Un corsaire de Guernesey avait rançonné une barque française venant de Bayonne, pour la somme de 3,800 liv. Ce corsaire fut pris ensuite par la corvette du roi l'Amaranthe, et l'on trouva à bord l'ôtage et le billet de rançon. M. l'amiral, en déclarant bonne la prise du corsaire, adjugea au roi la rançon, comme faisant partie de la prise; mais le roi, par son ordonnance du 9 août 1748,

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