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C'est par équité que la chose est ainsi décidée entre le maître et les chargeurs.
Valin, ibid. Pothier, des chartes-parties, no. 69, tom. 2, pag. 394

Les matelots seront payés de leurs loyers, à proportion du tems qu'ils auront servi. Art. 4, titre de l'engagement.

La prime sera due à plein aux assureurs, attendu que le risque continue jusqu'au retour.

Les assureurs sur le corps seront tenus des salaires dus et de la nourriture fournie à l'équipage pendant le voyage de retour, déduction faite des nolis d'aller, dont le navire aura profité; et les assureurs sur les marchandises seront tenus du fret d'aller, devenu inutile.

En août 1781, Jean-Joseph Charronier, commandant la tartane la Colombe, fut nolisé à Marseille pour aller à Toulon prendre des prisonniers anglais, les transporter à Mahon, et ramener à Toulon les prisonniers français détenus à Minorque. D'après la permission qui lui avait été donnée, il prit à fret diverses marchandises que les chargeurs se firent assurer. Il fut à Toulon prendre les prisonniers anglais. Il partit sous pavillon parlementaire.

Le 28 du même mois d'août, se trouvant aux attérages de Minorque, il fut arrêté par un lougre, qui le conduisit au port Cornély, où se trouvait don Bonnaventure Moreno, espagnol, commandant des forces maritimes. Le capitaine Charronier apprit alors que, depuis le 19 du même mois d'août, l'île était prise, et que le fort Saint-Philippe était bloqué par M. le duc de Crillon, commandant des forces de terre. Il lui fut défendu de débarquer ni marchandises, ni prisonniers, pas même un passager minorquin, qui était à bord. On lui ordonna de retourner à Toulon. Il y retourna ; il consigna les prisonniers anglais au commissaire général de la marine à Toulon, et revint à Marseille, où il demanda aux chargeurs des marchandises le nolis d'aller.

Un de ceux-ci vint me consulter. Je lui répondis qu'il devait payer le nolis ; que telle était la disposition de l'art. 15, titre du fret. Il acquiesça à ma décision; mais il requit ses assureurs de l'indemniser de ce même nolis. Les assureurs furent prendre conseil. On leur répondit qu'ils devaient payer cette avarie. Ils la payèrent.

S'il arrive interdiction de commerce avec autre pays que celui pour lequel le vaisseau est destiné, la charte-partie subsistera en son entier. Art. 7, titre des chartes-parties.

La survenance d'une guerre, et les dangers auxquels elle expose, étant » un cas qui malheureusement n'est pas insolite, et que les parties ont pu

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Interdiction de commerce avec au

tre pays que celui indiqué.

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prévoir, elle ne les décharge pas de leurs obligations respectives. Pothier, Traité des chartes-parties, n°. 99, tom. 2, pag. 403..

Le capitaine ne peut demander aucune augmentation du fret. Valin, art. 7, titre des chartes-prises.

L'engagement des mariniers subsiste de part et d'autre. Valin, art. 4, titre de l'engagement des matelots.

Cependant, par un arrêt du Conseil du 20 mai 1744, rapporté dans Valin, sur cet article, « le roi étant informé que les navires équipés dans les diffé»rens ports du royaume, pour être envoyés à la pêche de la morue, ne peuvent, à cause de la déclaration de guerre faite à l'Angleterre, être expédiés » pour cette destination, attendu les risques évidens......; interprétant les art. 4 » et 5 du tit. 4, liv. 3, de l'Ordonnance de la marine, ordonne qu'attendu » le risque evident, les maîtres et équipages des navires préparés pour être envoyés à la pêche, demeureront déchargés des engagemens par eux pris, lesquels seront déclarés nuls et comme non avenus, et respectivement, les négocians et armateurs qui ont fait équiper lesdits navires de ceux qu'ils ont > contractés avec lesdits maîtres, matelots et équipages. Veut en conséquence, » Sa Majesté, que lesdits négocians et armateurs ne soient tenus de payer > auxdits matelots et équipages que les journées qu'ils auront employées à équiper lesdits navires.

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En 1744, lors de la guerre déclarée contre l'Angleterre, il n'y avait eu aucune interdiction de commerce avec les lieux de la destination de nos pêcheurs français d'où il suit que les chartes-parties devaient subsister en leur entier, suivant l'art. 7, titre des chartes-parties. On ne se trouvait ni au cas de l'art. 4, titre de l'engagement, où il est parlé de l'interdiction de commerce avec le lieu de la destination du vaisseau, ni au cas de l'art. 5, au même titre, où il s'agit du vaisseau arrêté par ordre souverain.

Le risque évident n'est pas un motif que l'Ordonnance ait adopté pour anéantir le contrat. La guerre est à l'instar des écueils et des tempêtes. Je crois donc que cet arrêt du Conseil, dicté par esprit d'équité, et par des raisons d'état, ne doit pas tirer à conséquence, ni moins encore être considéré comme loi générale.

Pour ce qui est des assurances, il est certain qu'elles ne sont altérées en rien par l'interdiction de commerce avec tout autre pays que celui de la destination du vaisseau, avant ou après le voyage commencé. En effet, les assureurs répondent des pertes arrivées sur mer, par déclaration de guerre et de réprésailles. Art. 26, titre des assurances. Ils ne peuvent donc requérir ni

augmentation de prime, ni la dissolution du contrat. Suprà, ch. 3, sect. 3. Mais si le risque n'était pas encore commencé, il serait permis à l'assuré de rompre le voyage projeté, et de réclamer la prime, sauf le droit de signature. Suprà, ch. 1, sect. 1 et 2; infrà, ch. 16, sect. 1 et 2. Dans ce dernier cas, l'assurance s'évanouirait defectu materiæ.

CONFÉRENCE.

CXXXVI. Les art. 276, 277 et 299 du Code de còmmerce ont remplacé les art. 7 de l'Ordonnance, titre des chartes-parties, et 15, titre du fret ou nolis; et les art. 253 et 254 du même Code ont aussi remplacé l'art. 4 de la même Ordonnance, titre de l'engagement des matelots; mais ils n'ont apporté aucun changement à l'ancienne législation, de sorte que les principes professés par Emérigon doivent être appliqués sans modification.

Il est vrai que l'art. 7 de l'Ordonnance ajoute que si l'interdiction de commerce a lieu avec un autre pays que celui pour lequel le navire était destiné, la charte-partie subsistera en son entier, et qu'on ne retrouve plus cette disposition dans l'art. 276 du Code de commerce; mais cette règle n'en doit pas moins être suivie. C'est la conséquence du principe établi par cet article. - (Voyez aussi l'art. 279 du Code de commerce, pour le cas de blocus, eas qui n'avait pas été prévu par l'Ordonnance).

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Quant aux assurances, l'interdiction de commerce n'altère en rien le contrat, qui doit, dans tous les cas, avoir son exécution, si le risque était commencé. « L'interdiction de commerce est une fortune de mer; il suffit qu'elle survienne depuis que le risque est com mencé, pour que les droits respectifs de l'assuré et de l'assureur restent en leur entier.» -(Voyez Pothier, charte-partie, no. 62, 63, 98, 99, et loyers des matelots, no. 177, 180, 182; voyez d'ailleurs notre Cours de droit commercial maritime, tom. 2, pag. 288 et suivantes, et pag. 424 et suivantes; enfin pag. 202 et suivantes ).

SECTION XXXII.

Navire pris pour le service du Souverain.

PAR les lois romaines, les propriétaires des navires étaient obligés de fournir leurs bâtimens pour le transport des blés, et pour autres nécessités publiques : Cùm omnes in commune, si necessitas exegerit, conveniat utilitatibus publicis obedire. L. 1, C. de navibus non excusandis. L. 10, C. de sacrosanct. eccles. L. 5, § 1, ff de veteranis. L. 3, ff de vacat. et excusat. L. 18, § 21, ff de muner. et honor.

Il en est de même parmi nous. Les vaisseaux marchands le Zéphyr et la Constance, ancrés dans le port de Bordeaux, étaient nécessaires pour le ser

T. I.

68.

arrêter pour le service de l'Etat les

Le souverain peut

navires marchands.

vice du roi. Les armateurs refusaient de se soumettre aux ordres du commissaire des classes, à qui ils firent intimer des sommations, etc. Il fut rendu à ce sujet un arrêt du Conseil, le 24 septembre 1781, dont voici la teneur :

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Extrait des registres du Conseil d'état.

« Vu par le roi, étant en son Conseil, l'acte passé à Bordeaux, devant Bar» beret, notaire, le 30 août dernier, à la requête du sieur Carajou fils aîné, négociant de la Rochelle, qui, par ledit acte, requiert le sieur Guillot, commissaire général des ports et arsenaux, ordonnateur de la marine en › ladite ville, de faire rétablir le rôle d'équipage du navire le Zéphyr, appar› tenant audit Carajou, afin que ledit navire, de relâche à Bordeaux, puisse » reprendre son voyage; à défaut de quoi proteste généralement de tout ce que de droit contre le commissaire général ordonnateur personnellement, » même de faire reprendre le voyage sans le rôle, de se pourvoir et de ce qu'il peut en pareil cas, ledit acte signifié le même jour par le même » notaire, au commissaire général ordonnateur. Autre acte passé en ladite › ville de Bordeaux, devant Darrieux, notaire, le 14 de ce mois, à la re» quête des sieurs Jean Tarteiron et compagnie, négocians en ladite ville de Bordeaux, en qualité de commissionnaires des sieurs Lestums et Coquilleau, négocians à Brest, par lequel ils demandent audit commissaire général ordonnateur un ordre par écrit, dans le cas où Sa Majesté prendrait pour son service le navire la Constance, de Brest, appartenant auxdits sieurs » Lestums et Coquilleau, se réservent de réclamer en conséquence des indem› nités à cause des retardemens et des torts qui pourraient en résulter pour l'expédition dudit navire, et finissent par déclarer qu'ils font d'ailleurs ledit » acte pour se mettre en règle vis-à-vis des assureurs; ledit acte signifié le › même jour par le même notaire au commissaire général ordonnateur; Sa Majesté, ne pouvant laisser subsister des actes qui ne sont pas moins con> traires au respect qui est dû à ceux qu'elle charge de l'exécution de ses › ordres, que préjudiciables au bien de son service. A quoi voulant pourvoir. » Ouï le rapport, et tout considéré. Le roi étant en son Conseil, a déclaré et déclare nuls et de nul effet lesdits actes passés, l'un devant Barberet, notaire, à la requête dudit Carajou fils aîné, le 30 août dernier; l'autre de» vant Darrieux, notaire, à la requête desdits Tarteiron et compagnie, le 14 › de ce mois, ensemble les significations qui en ont été faites. Fait défenses » auxdits Carajou et Tarteiron d'y donner aucune suite, et à tous négocians,

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armateurs et autres de faire passer et signifier à leur requête de pareils » actes aux officiers d'administration, chargés d'exécuter les ordres de Sa Majesté, sous peine de punition exemplaire. Fait également, Sa Majesté, > très-expresses inhibitions et défenses à tous notaires et autres officiers d'en » recevoir, rédiger et signifier à l'avenir, à peine d'interdiction, et aussi de punition exemplaire; sauf à ceux qui croiront avoir des réclamations à faire »> relativement aux actes d'autorité, exercés pour le service de Sa Majesté, par › les officiers d'administration de la marine, à présenter directement lesdites › réclamations au secrétaire d'état du département, pour y être statué par » Sa Majesté, ainsi qu'il appartiendra. Ordonne au surplus, Sa Majesté, que » les minutes desdits actes et significations desdits jours 30 août dernier et 14 de ce mois seront biffées et bâtonnées par l'huissier, porteur du présent » arrêt, lequel sera inscrit en la marge desdites minutes de chacun desdits » actes; à l'effet de quoi seront lesdits Barberet et Darrieux, notaires, tenus » de représenter lesdites minutes audit huissier, porteur du présent arrêt, à quoi faire ils seront contraints par toutes les voies, même par corps. Mande > et ordonne, Sa Majesté, au sieur intendant, commissaire départi en sa province de Guienne, de tenir la main à l'exécution du présent arrêt, lequel » sera signifié de l'ordre exprès de Sa Majesté auxdits Barberet et Darrieux, aux syndics des notaires de ladite ville de Bordeaux, auxdits Carajou et Tar» teiron, et en outre imprimé et affiché en ladite ville de Bordeaux, et par» tout où besoin sera. Fait au Conseil d'état du roi, Sa Majesté y étant, tenu » à Versailles, le 24 septembre 1781. Signé LA CROIX CASTRIES.

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Louis, par la grâce de dieu, roi de France et de Navarre, au premier ⚫ notre huissier ou sergent sur ce requis, SALUT. Nous te mandons et commandons par ces présentes signées de notre main, que l'arrêt ci-attaché sous » le contre-scel de notre chancellerie, et aujourd'hui rendu en notre Conscil » d'état, nous y étant, tu aies à signifier à tous qu'il appartiendra, à ce qu'ils > n'en prétendent cause d'ignorance, et faire pour l'exécution d'icelui tous > les exploits et autres actes requis et nécessaires, sans demander autre per>> mission; car tel est notre plaisir. Donné à Versailles, le 24. jour du mois » de septembre, l'an de grâce 1781, et de notre règne le 8°. Signe Louis, et » plus bas, par le roi, signé LA CROIX CASTRIES. Et scellé. »

Pour le roi. Collationné aux originaux, par nous écuyer, conseiller-secrétaire du roi, maison, couronne de France et de ses finances.

Non seulement le roi peut prendre pour le service de l'Etat les vaisseaux de ses sujets; il a de plus l'autorité d'employer au même usage les navires

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