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étrangers qui se trouvent dans ses ports: en quoi le droit des gens n'est pas violé. La pratique de l'Europe est conforme à cette maxime. Vattel, liv. 2, ch. 9, S 121. Marquardus, lib. 2, cap. 5, no. 38.

Les souverains qui prennent ainsi pour leur service des navires nationaux ou étrangers, ne manquent jamais de leur accorder un nolis convenable. Vattel, d. loco. Peresius, Corvinus et Peckius, sur le titre du Code, de navibus non

excusan.

Mais si pendant l'expédition le navire périt, ou qu'il soit pris par l'ennemi, le prince doit-il en payer la valeur? Les docteurs ne sont pas d'accord sur ce point. Les uns soutiennent la négative, sauf certaines modifications tirées de ce qui se pratiquait à Rome. Peckius, Peresius, sur le titre du Code déjà cité. Kuricke, quest. 28, pag. 887.

D'autres disent que le souverain doit payer la perte. Luca de Penna, C. eod. Marquardus, lib. 2, cap. 5, no. 46.

Je crois que cela dépend des conditions contenues dans l'ordre du roi, et que si le souverain ne s'est pas rendu responsable des fortunes de mer, c'est aux propriétaires à pourvoir à leurs assurances.

En 1747, le roi avait nolisé à Marseille divers bâtimens pour transporter des troupes à Gênes, et avait promis qu'en cas d'échouement ou de prise desdits bâtimens, il en paierait la valeur.

Ils arrivèrent heureusement à Gênes, sous l'escorte de M. de Levi, capitaine des galères.

La pinque la Vierge de Miséricorde, capitaine Michel Vence, était du nombre de ces bâtimens. M. de Levi lui donna un ordre conçu en ces termes :

« Nous, capitaine de galères, certifions que le capitaine Michel Vence, du Martigues, commandant la pinque la Vierge de Miséricorde, a conduit en > ce port de Gênes en bon sauvement les troupes qu'il avait embarquées à › Marseille en conséquence de quoi lui ordonnons de se rendre, au plus tôt › que faire se pourra, audit Marseille, pour y recevoir les ordres qui lui seront » donnés. Fait à Gênes, le 11 avril 1747..

Le 24 du même mois, la femme du capitaine Vence fit assurer, pour compte de son mari, 600 livres de sortie de Gênes, sur le corps de ladite pinque. Deux jours après sa sortie de Gênes, la pinque fut prise par les Anglais. On demanda au roi le paiement de la perte; le ministre répondit qu'il n'y avait que les bâtimens pris d'entrée, et au service actuel de Sa Majesté, dont le roi dût payer la valeur, mais nullement de ceux pris de sortie, et après le dé

chargement; que le retour était la suite du service, non le service même. (II en est autrement aujourd'hui).

Le 21 mars 1748, requête du capitaine Vence contre le sieur Jean-Baptiste Fabre, son assureur. Celui-ci opposait l'art. 24, titre des assurances, prétendant que l'assurance par lui souscrite était nulle, attendu que le roi était et devait être assureur, tant d'entrée que de sortie.

Sentence du 27 janvier 1750, qui condamne l'assureur à payer les 600 liv.

assurées.

Ceci donne lieu à quelques observations.

1o. Si le navire assuré est pris pour le service du roi, avant que le risque ait commencé, les assurances sur le corps demeureront nulles, à cause de la rupture du voyage, en conformité de l'art. 37, titre des assurances: Si in ipso portu, priusquàm navis solvit, eam detineat rex, assecurans tenetur reddere præmium, nisi aliter conventum. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 63.

2o. Si le navire assuré est pris pour le service du roi, après que le risque est commencé, les assurances sur le corps subsisteront en leur entier; car, suivant l'art. 26, titre des assurances, les assureurs répondent de l'arrêt de prince, et du changement forcé de route ou de voyage. Le paiement que le roi ferait de la perte, serait à la décharge des assureurs. Marquardus, d. loco.

3°. Si le navire est pris pour le service du roi, avant que les marchandises aient été chargées, les assurances sur les facultés demeureront nulles, par l'argument de l'art. 56, titre des assurances. Roccus, de assecur., not. 56.

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4°. Si le navire est pris pour le service du roi, après que les marchandises y ont été chargées, les assurances sur facultés subsisteront en toute leur force, parce que le risque avait déjà commencé.

Dans ce dernier cas, si l'assuré retirait sa marchandise pour la garder ou en disposer à terre, le risque serait terminé, et la prime ne serait pas moins acquise aux assureurs.

Dans le même cas, il est loisible à l'assuré d'embarquer sa marchandise sur un autre navire, aux risques des assureurs, lesquels, suivant l'art. 26, titre des assurances, répondent du changement forcé de vaisseau. Vid. Valin, art. 52, titre des assurances, et Pothier, n°. 60.

Si les assureurs sont sur les lieux, il faut leur notifier l'arrêt de prince, et leur déclarer le navire qu'on subrogera au premier. Mais si l'arrêt arrive dans le cours du voyage, il suffira de faire de son mieux pour se procurer un autre vaisseau, sauf d'en donner avis aux assureurs, dès qu'on le pourra. Voyez sur cette matière le Guidon de la mer, ch. 9, art. 3 et 4.

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pour le service du roi.

Si le capitaine du navire est pris pour le service du roi, soit avant ou après Capitaine, pris le voyage commencé, les assurances n'en reçoivent aucune atteinte, quand même la clause ou autre pour lui n'aurait pas été stipulée, parce qu'il y a force majeure. Les assureurs courent le risque du navire qui sera commandé par tout autre capitaine. Guidon de la mer, ch. 9, art. 3. Valin, art. 52, titre des assurances. Pothier, titre des assurances, no. 60.

CONFÉRENCE.

CXXXVII. Si les souverains amis peuvent arrêter, pour nécessité publique, les navires étrangers, d'après la pratique de l'Europe, comme le dit Vattel, liv. 2, chap. 9, S 121, à plus forte raison le Roi peut-il prendre, pour le service de l'Etat, les vaisseaux de ses sujets, et employer au même usage les navires neutres qui se trouvent dans les ports ou rades de France.

Dans ce cas, le souverain en payant le fret n'est point responsable des fortunes de mer, à moins que le souverain ne s'en soit rendu responsable, parce qu'il n'est point assureur de droit des navires qu'il prend pour les services de l'Etat. Si, dans l'ordre du prince, il se trouve des conditions d'où il résulte que les risques de mer sont pris à sa charge, alors il est responsable du sinistre.

D'un autre côté, si le navire assuré est pris avant le risque commencé, les assurances sur le corps seront nulles, en conformité de l'art. 349 du Code de commerce, à cause de la rupture du voyage.

Si le navire est pris après les risques commencés, les assurances subsisteront, puisque d'après l'art. 350 du même Code, les assureurs répondent de l'arrêt de prince et du changement de route et de voyage; et comme le dit Marquardus, le paiement que le prince ferait de la perte serait à la décharge des assureurs.

Quant aux marchandises, si le navire est pris avant leur chargement, l'assurance sur facultés est nulle.

Si leur chargement a eu lieu avant la prise du navire, les assurances subsisteront dans toute leur force, parce que le risque avait déjà commencé. (Argument des art. 328 et 341 du Code de commerce; au reste, voyez Valin sur l'art. 52, titre des assurances, et Pothier, assurances, no. 60).

SECTION XXXIII.

Marchandises prises pour le service du Souverain.

Si dans le cours du voyage, les marchandises assurées sont retenues par un prince ami, pour nécessité publique, il semble que dès lors l'assuré

peut faire le délaissement aux assureurs, et leur demander la perte, quand même le prince paierait la valeur des effets retenus. Telle est la doctrine de Casaregis, disc. 1, no. 46, et de Roccus, not. 54 et 55.

Il suffit (disent Casaregis, d. disc. 1, n°. 103, et de Luca, de credito, disc. 106, n°. 11), que la chose assurée n'ait pas été conduite au lieu destiné, pour que l'assuré soit fondé à la considérer comme périe.

Le Guidon de la mer, ch. 7, art. 6, et ch. 9, art. 13, décide que « si le na» vire, suivant son voyage, était arrêté par privilége ou nécessité de quelque » pays, hors le fait de guerre, comme pour avoir vivres et autres denrées portées dans le navire, dont la vente se fait pour la provision de la terre, l'assureur subira le dommage de la non vente, et restituera le prix à l'estima» tion, ou à la raison de ce qu'il n'a tout couru le risque au dernier reste. »

Il est ajouté que l'assuré sera tenu d'attendre six mois, dedans lequel tems il fera ses poursuites pour recevoir le paiement; que si dans ledit tems il ne peut, il pourra faire son délais, etc.

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M. Valin, art. 49, titre des assurances, dit que si le prince qui fait l'arrêt

prend les effets de la cargaison, et qu'il les paie le prix qu'ils auraient été

> vendus au lieu de leur destination, l'assuré n'a rien à demander aux assu

» reurs; mais s'il n'en donne qu'un prix inférieur, les assureurs sont tenus de suppléer le juste prix. »

M. Pothier, 2o. 57, dit: Lorsque le prince a pris, dans un cas de besoin, » les marchandises assurées, et en a payé le prix, l'assuré étant payé du prix de ses marchandises, ne souffre aucune perte, et n'a par conséquent aucun » recours contre les assureurs. »

La question fut ainsi décidée par la Rote de Gênes. Suprà, sect. 30, § 2. J'ai vu la même question se présenter deux fois parmi nous.

Premier arrêt. La barque l'Heureux Saint-Victor, capitaine Dauphin, venant de Metelin, chargée d'huile pour compte du sieur Jean-Pierre Bremond, de Marseille, toucha à Malte où elle fit quarantaine. Le capitaine eut ordre de décharger son huile pour les nécessités de l'île. Il refusait de le faire. Il réclama la protection de M. le Bailli d'Auvergne, chargé des affaires de France à Malte, lequel rendit une ordonnance conçue en ces termes :

Vu la teneur de la requête à nous présentée par capitaine Dauphin, et > fait toute attention au refus qu'il a fait aux propositions que Messieurs de » cette université lui ont faites, de leur vendre son chargement d'huile, alléguant que sans ordre de ses intéressés audit chargement, il ne pouvait y » consentir; nous avons représenté ces raisons à son Altesse Éminentissime,

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qui, nous ayant fait connaître le besoin qu'en a le pays, m'a proposé de faire payer tout ledit chargement d'huile au prix qu'il vaudra à Marseille, le jour de l'arrivée audit Marseille du convoi qui est actuellement en ce port, où l'entier paiement d'huile sera fait sans délai, cn me disant qu'en pareil cas, » la nécessité n'a point de loi, et qu'on ne pouvait se dispenser de prendre cette huile, attendu l'interdiction du commerce d'ici en Calabre. Sur ce, nous ordonnons audit capitaine Dauphin de livrer tout le chargement d'huile de son bâtiment auxdits Messieurs de cette université, et nous commettons le soin de > cette consignation au sieur Jacques Izoard, pour y assister et veiller sur les , intérêts dudit chargement, tant pour le coulage que pour le juste mesurage desdites huiles. Fait à Malte, le 29 janvier 1745. Signé à l'original, le Bailli d'Auvergne, de Boccage, grand hospitalier. »

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Le sieur Bremond ayant eu avis de cet événement, fit abandon à ses assureurs, et leur demanda paiement de la perte. Sentence du 26 novembre 1745, qui le débouta de sa requête. Arrêt du 22 juin 1746, au rapport de M. de Lauris, qui confirma cette sentence.

Le sieur Bremond se pourvut au Conseil en cassation. Sa requête fut rejetée. Il prétendait que pendant le séjour du navire à Malte, il y avait eu du coulage; qu'il avait été obligé de payer un droit de commission, etc. Mais l'unique motif qui l'avait porté à élever un pareil procès, était que le prix des huiles avait baissé à Marseille, à l'époque fixée par l'ordre ci-dessus rapporté. Second arrêt. La tartane la Vierge de grâce, capitaine Étienne Boyer, partit de Syrie, chargée de blé pour compte de Jean-Jacques et Pierre Arnoux. Elle relâcha en Chypre. Le chargement fut réclamé pour les nécessités du pays. Le consul de France fit notifier au capitaine un ordre conçu en ces termes : C De par le roi. Il est ordonné, à la réquisition du gouvernement de cette île, au capitaine Boyer, commandant la tartane la Vierge de grâce, qui se trouve » actuellement de relâche en cette échelle avec un chargement de blé, de » n'en point partir, sous peine de désobéissance, et d'y débarquer son blé pour » éviter d'y être contraint par force, le pays qui se trouve en disette voulant en » traiter avec lui l'uchat. A Larnaca, en Chypre, le 9 du mois de mai de l'année 1774. Signé Astier. Et plus bas, par monsieur le consul, signé Doublet, ⚫ chancelier, à l'original.

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En conséquence, le blé fut déchargé et payé.

Les sieurs Arnoux firent abandon, et se pourvurent contre leurs assureurs. Notre tribunal de l'amirauté, par sentence du 17 septembre 1776, condamna les assureurs à payer les sommes assurées. Arrêt du 1. avril 1778, au rap

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